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donné aussi, par le procédé du chlore, un bon nombre de globulės mercuriels caractéristiques. Il a aussi obtenu, ainsi que M. Audouard de Béziers, du mercure des urines des personnes qui étaient traitées par le sublimé. Enfin M. Kramer a retiré du mercure du sang des animaux auxquels il faisait prendre du sulfure de mercure, préparation insoluble; ce qui tendrait à faire croire que tous les mercuriaux sont absorbés, soit directement, soit après avoir été transformés en sublimé, comme le pense M. Mialhe. Pour décéler le sublimé absorbé, M. Orfila a adopté le procédé suivant.

Procédé de carbonisation par l'àcide sulfurique. M. Orfila le considère comme plus délicat que son procédé par le chlore et l'eau régale (page 525), que ceux de M. Devergie et Lassaigne, et l'applique à toutes les matières solides (aliments, tube intestinal, foie, rate, etc.). Quant aux matières des vomissements, au tube intestinal, il propose de les faire bouillir dans l'eau, de filtrer, et, après avoir acidulé les liqueurs, de les essayer par les lamelles de cuivre, comme nous l'avons indiqué page 519, et, quel que soit le résultat, d'évaporer les liqueurs jusqu'à siccité, de carboniser le résidu, de même que les matières solides, comme il suit.

Manuel opératoire. Dans une cornue de verre bitubulée et bouchée à l'émeri, à laquelle est adapté un ballon, qui communique, à l'aide d'un tube recourbé, avec une éprouvette à moitié remplie d'eau distillée, introduisez, coupée par petits morceaux, la matière suspecte (aliments, tube intestinal, foie, rate, etc.); ajoutez peu à peu 176me de son poids d'acide sulfurique concentré et pur; chauffez graduellement et avec soin, afin d'éviter les projections, le passage du mélange dans le récipient. La matière se liquefie d'abord, brunit, se boursoufle, se réduit en un charbon qui reste dans la cornue, en vapeurs plus ou moins épaisses qui se condensent dans le ballon et en partie dans l'éprouvette. Ces deux récipients doivent être constamment entourés d'eau froide. Lorsqu'il ne se dégage plus de vapeurs, démontez l'appareil, et soumettez le résidu charbonneux, les liquides des récipients aux analyses suivantes.

a. Résidu charbonneux. Divisez-le dans la cornue même avec une baguette de verre; faites-le bouillir avec s. q. d'eau régale pour le mouiller complétement, jusqu'à ce que la majeure partie de celle-ci soit évaporée et que le charbon reste à peine humide; traitez celui-ci par l'eau à chaud; filtrez, et, dans une petite partie de liqueur, qui, en général, est incolore ou jaunâtre, immergez plusieurs lamelles de cuivre décapé. Celles-ci se couvrent bientôt d'une couche grise ou blanchâtre. Alors on les sort, on les laisse quelques minutes dans une solution d'ammoniaque faible pour dissoudre l'oxyde ou le sousoxychlorure de cuivre qui auraient pu se former, et, après les avoir lavées et desséchées, on en sépare le mercure par sublimation dans un tube effilé. L'autre portion de liqueur est inêlée et agitée pendant quelques minutes avec 414 ou parties égales d'éther; celui-ci, après reposition, decanté, comme nous l'avons indiqué page 520, évaporé, laisse, pour résidu, du sublimé facile à caractériser.769

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b. Liquides des récipients. Ils contiennent ordinairement une quantité plus considérable de sublimé que le charbon, de l'acide sulfureux, des produits empyreumatiques, etc. Après les avoir réunis, portez-les à l'ébullition pendant quinze ou vingt minutes avec de l'eau régale; laissez refroidir; faites passer, pendant une heure environ, un courant de chlore gazeux; filtrez pour séparer quelques flocons graisseux et albumineux; évaporez au bain-marie. Si la quantité de sublimé est un peu notable, il se forme, vers la fin, une pellicule à la surface des liqueurs, et alors, en laissant refroidir lentement le vase, ce sel se dépose en cristaux. Si la quantité de sublimé est faible, évaporez jusqu'à presque siccité, pour chasser l'excès d'acide. Lorsque le dépôt sera refroidi, délayez-le dans un peu d'eau, et, sur un tiers de produit, agissez par les lamelles de cuivre, et sur les deux autres tiers, par l'éther.

Quant aux urines, M. Orfila fait passer à travers un courant de chlore gazeux, préalablement lavé; laisse réagir pen. dant vingt-quatre heures; filtre; évapore au bain-marie jusqu'à presque siccité; délaie le résidu dans de l'eau légèrement aci,

dulée par de l'acide chlorhydrique, et traite le soluté par les lamelles de cuivre. Si l'urine a déposé, comme le dépôt contient un composé mercuriel insoluble, chauffez-le avec de l'eau régale, et ensuite agissez par le chlore et les lamelles de cuivre. M. Orfila pense qu'on pourrait décéler le mercure dans le lait, la salive des individus soumis à un traitement mercuriel Audouard l'a en effet retiré de la salive.

Nous avons expérimenté le procédé de carbonisation par l'acide sulfurique. Il nous a paru bon, très-délicat et d'exécution assez facile. En multipliant moins les opérations, on obtient des résultats aussi certains, si ce n'est plus. Ainsi, si on chauffe le charbon avec un peu d'eau régale, d'abord jusqu'à siccité, puis au rouge-brun, le bichlorure de mercure se sublime complétement en partie dans le récipient, en partie dans le col de la cornue; mais en portant de l'eau en ébullition dans celleci, la totalité de sublimé est entraînée dans le récipient par la vapeur d'eau. Il est mieux aussi, par les raisons que nous avons données, page 526, de traiter seulement par le chlore le liquide des récipients réunis, au lieu d'employer préalablement l'eau régale. Il serait même convenable de réunir à ces liquides l'eau des lavages du charbon. Nous ne voyons pas l'utilité de l'éther, car il ne démontre pas que c'est du sublimé, puisqu'on s'est déjà servi de chlore ou d'eau régale. A quoi bon multiplier les réactions, surtout lorsqu'on agit sur des quantités minimes de poison.

Effets toxiques du bi-chlorure de mercure.

Le sublimé est un des poisons minéraux des plus actifs et le plus souvent mortel. Ses vapeurs sont promptement funestes. Respirées par petites quantités, elles produisent de la toux, dę la sécheresse, des picotements, de la constriction au pharynx et au larynx, de la dyspnée, l'œdème de la glotte, la suffocation, la salivation, et autres accidents mercuriels. Ce poison est absorbé par la peau non dénudée. Le docteur Guerhard a observé le ptyalisme après trois bains de sublimé. M. Jules Cloquet a éprouvé des accidents très-graves tels que, douleurs épigastriques,

PRÉPARATIONS MERCURIELLES. 533 coliques, gêne de la respiration, sueurs froides, pouls petit, serré, saveur métallique, etc., pour avoir immergé ses mains, à plusieurs reprises, dans un soluté alcoolique concentré de ce poison (observ. I). Le sublimé employé, en frictions sur la peau non dénudée (observ. II), contre les poux, la gale, le cancer, ou pour détruire des loupes, des tumeurs, etc., a occasionné soit le ptyalisme, soit les accidents de l'empoisonnement aigu, et, dans le cas où la peau était dénudée, une mort aussi prompte que par la voie d'ingestion (observ. II et suiv.). Dans la plupart de ces cas, en outre des effets constitutionnels, il a développé une inflammation locale très-intense avec tuméfaction, assez souvent suivie de vésication, de desquammation de l'épiderme, de scarification.

Dans l'empoisonnement par ingestion, le sublimé donne lieu aux mêmes effets locaux et généraux que l'acide arsénieux et la plupart des autres poisons minéraux ; mais, ces effets, quoique analogues ou de même nature, s'en distinguent cependant par quelques caractères particuliers, de telle sorte qu'une personne, qui a médité attentivement ou observé quelques faits, puisse, en quelque sorte, reconnaître pathologiquement cette espèce d'intoxication, surtout, si à ces caractères s'ajoutent ceux de l'hydrargyrie. Ambroise Paré, au sujet d'un condamné à mort, qui avait consenti à prendre un poison, pour essayer l'effet d'un contre-poison, s'exprime ainsi : «< une heure après, je le trouvay à quatre pieds, cheminant comme une beste, la langue hors de la bouche, les yeux et toute la face flamboyants, désirant toujours vomir, avec grandes sueurs froides, et jestoit le sang par les oreilles, nez, bouche, par le siége et par la verge. Je le fais boire environ demi-sextier d'huile, mais elle fut baillée trop tard, et il mourut misérablement environ sept heures après. Le fond de son estomac était noir, aride et sec, comme si un cautère y eust passé: qui me donna cognoissance qu'il avoit avallé de sublimé, et par les accidents qu'il avoit eus pendant sa vie. » Les effets du sublimé ne sont pas toujours aussi intenses, et l'hémorragie des muqueuses aussi générale; mais les observations offrent une telle conformité

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entre elles, que, pour type, nous citérons la suivante, et nous n'aurous ensuite qu'à indiquer les variétés, les anomalies dans les symptômes, les altérations pathologiques, la marche, là durée, la terminaison, etc.

Le 6 mai 1840, un jeune homme de 15 ans bóit, par mégarde, un peu moins d'un verre d'une liqueur dont il ignore le nom aussitôt, voimssements, avec efforts pénibles, de matières muqueuses et sanguinolentes; soif très-vive; goût désagréable dans la bouche; sentiment de brûlure dans la gorge, qui se propage le long de l'œsophage, dans l'estomac et les intestins; constriction de l'œsophage, des muscles profonds du cou,pendant les tentatives de deglutition; ventre contracté, douloureux à la pression. La langue, la muquérisé buccale, les gencives sont ridées et comme brûlées par une substance corrosivé. Pouls faible, rapide, irrégulier; figure pâle, contractée; peau couverte de sueur visqueuse. La nature des symptômes et des circonstances commémoratives firent penser au Dr Reid que ces accidents étaient dus à un soluté concentré de sublimé. Il administra quelques décigrammes d'oxyde de zinc dans du lait, et des blancs d'œufs, dès qu'il put s'en procurer. Le 7, vomisséments continuels de matières bilienses mêlées de caillots de sang; selles de même nature; symptômes d'une inflammation intense du tube intestinal; traits abattus, livides; peau couverte de sueur froide; pouls fréquent, à peine perceptible. Le soir assoupissement. Cet état de collapsus dura jusqu'au 9. Dans la soirée, l'éréthisme mercuriel se déclara. La salivation était modérée. Le malade parut tomber dans un état typhoïde, et succomba le 12 mai, 5 jours et 10 heures après l'intoxication. Pendant tout ce temps la sécrétion urinaire fut suspendue. L'examen chimique de la liqueur démontra qué c'était une soJution alcoolique concentrée du sublimé. Ce sel y entrait pour 118me. Autopsie. Vive inflammation avec ulcération de la bouche, de l'œsophage, de l'estomac. La muqueuse intestinale, généralement ramollie, offrait des ecchymoses nombreuses. Vessie contractée. Les autres organes sains (London medico'chir. rewew. avril 1840).

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