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complet; mais, c'est par supposition ou par analogie que nous fondons cette assertion, car la plupart des malades ont été perdus de vue le 15 ou 30e jour de l'intoxication.

Empoisonnement lent. L'usage trop prolongé du sublimé et des autres mercuriaux, même à dose médicamenteuse, en outre et en l'absence même de leur effet spécial, peut amener une espèce de fièvre lente, hectique, cachectique, un empoisonnement lent enfin, lequel a été constaté par la plupart des auteurs. Cet empoisonnement peut se manifester pendant le traitement ou plus ou moins de temps après sa suspension. Il s'annonce par un état de malaise général, une fièvre irrégulière, avec des chaleurs insolites, des exacerbations, le plus souvent liées à une affection organique interne, ou dépendante même de cette affection. Elle coïncide alors avec des troubles fonctionnels de l'organe affecté, épigastralgie, tiraillements d'estomac, coliques diarrhéiques, si c'est le tube intestinal; toux sèche, raucité de la voix, oppression, anhélation, palpitations irrégulières, si ce sont les viscères thorachiques; troubles de l'innervation, de l'intelligence, si c'est le système nerveux. Enfin le marasme le plus complet, un état cachectique, scorbutique avec infiltration, terminent ordinairement la scène. A l'autopsie, on trouve des altérations pathologiques dans les organes dont les fonctions étaient le plus affectées.

Altérations pathologiques. Il n'est pas de poison qui laisse des lésions locales aussi intenses, aussi constantes que le sublimé et autres préparations mercurielles solubles, si ce n'est les acides et les alcalis minéraux. Les parties externes qui en ont reçu le contact, ainsi que les parties environnantes, sont rouges, enflammées, grisàtres, tuméfiées, vésiquées, scarifiées (observ. II et III). Chez un homme qui se frictionna la partie inférieure de l'abdomen, la verge, les bourses, le périnée, avec 25 centigrammes de sublimé incorporé dans un peu de beurre, la peau de ces parties s'enflamma, se vésica, et l'épiderme s'en détacha par plaques.

Dans l'empoisonnement par le sublimé, le cadavre, dans la

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plupart des cas, n'a rien offert de particulier à l'extérieur ; du moins, on n'a pas indiqué aussi constamment la roideur, les lividités cadavériques que dans l'intoxication arsenicale; mais les lésions du tube intestinal sont bien plus générales, plus intenses, plus constantes, et cet organe est bien plus souvent scarifié. Enfin, il existe aussi des lésions spéciales de la bouche, lorsque la mort est survenue dans la période de la salivation. Les muqueuses buccale, pharyngée, épiglottique sont ordinairement très-injectées, enflammées, ramollies, diffluentes, grisâtres, brunâtres ou violacées, et offrent parfois des taches ecchymosiques, des escarres, des vésications. Les dents sont vacillantes, les gencives ramollies, la langue tuméfiée ou contractée, rude au toucher, ses papilles et cryptes muqueux trèsdéveloppés. L'œsophage présente aussi assez souvent ce genre d'altérations, quoique moins prononcées, si ce n'est dans toutes ses parties, du moins à ses deux extrémités. Dans l'obser. VIII, il offrait un abcès à sa partie inférieure. Le tube intestinal, à l'extérieur, est d'un rouge noirâtre ou violacé, taché çà et là, ce qui lui donne un aspect marbré. La séreuse abdominalę participe quelquefois à cette coloration. Les vaisseaux ainsi que l'épiploon gastro-épiploïque et colique sont fortement injectés, et offrent parfois des taches ecchymosiques. L'estomac est contracté et ses parois épaissies; sa muqueuse d'un rouge noirâtre ou brunâtre dans toute son étendue, ramollie, corrodée, offre des suffusions sanguines, des escarres plus ou moins étendues, intéressant quelquefois toute l'épaisseur des parois, adhérentes ou flottantes en partie. La chute n'en est pas très-prompte, car les ulcérations qui en sont la suite n'apparaissent ordinairement que fort tard. La perforation de cet organe n'est pas très-fréquente. Le duodenum offre, en général, des lésions de même nature, quoique à un degré moindre. Dans l'obsery. IX, il était sain. Les petits intestins, fortement injectés, et de couleur brune violacée dans toute leur épaisseur, offrent rarement des lésions de texture; quelquefois cependant leur muqueuse est ramollie, ecchymosée ou couverte d'une exsudation membraniforme. Les gros intestins et surtout le rectum, du moins chez

les animaux, et quelle que soit la voie d'introduction du sublimé, ont offert des lésions à peu près constantes; ce sont des injections, des taches ecchymosiques, gangréneuses, emphysémateuses, des tumeurs d'apparence hémorroïdaire. Le docteur Shertt, chez un homme qui vécut neuf jours, trouva des ulcères noirs, larges, fort nombreux, surtout dans le colon et le rectum. Les liquides du tube intestinal sont brunâtres, ou brun-verdâires. Les autres organes abdominaux sont ordinairement sains. Assez souvent cependant les reins sont tuméfiés, ramollis, très-vasculaires, et la vessie, vide, contractée. Les autres viscères n'ont pas toujours été examinés. La muqueuse laryngée, trachéale et bronchique est souvent congestionnée. Chez une femme qui succomba vingt-quatre heures après avoir pris une forte dose de sublimé, le larynx était grisâtre, injecté, la trachée-artère rosée ; la face inférieure de l'épiglotte offrait une plaque d'apparence gangréneuse; les bronches et toutes leurs divisions étaient d'une teinte violacée; les poumons crépitants, rougeâtres; les vaisseaux de la dure-mère remplis de sang; l'arachnoïde injectée, ainsi que la substance cérébrale, qui était plus consistante que dans l'état naturel. Il y avait 125 grammes de sérosité sanguinolente dans les ventricules. Dans l'observation IX, on a trouvé aussi beaucoup de sérosité dans les ventricules de cerveau et le tissu cellulaire sous-arachnoïdien. Portal dit que le sublimé détermine une congestion cérébrale et que plusieurs personnes succombent avec les symptômes apoplectiques. Dans l'observ. VII, la trachée-artère était légèrement enflammée et remplie, dans sa moitié supérieure, d'une mucosité sanguinolente. Dans l'empoisonnement par le nitrate acide de mercure, page 556, le larynx et la trachéeartère étaient rouges, injectés. Quant aux altérations du sang, nous n'avons rien de précis.

La présence du poison en nature, n'est point aussi constante que dans l'empoisonnement arsenical, parce que le sublimé est plus soluble dans l'eau et qu'il est facilement précipité par les matières organiques. Chez la femme précédemment citée, Barruel n'a pu retirer du mercure des liquides de l'estomac, mais

bien des matières solides. Entre les plicatures de la muqueuse, il a trouvé un assez grand nombre de petits points blancs, analogues, par leur aspect, au sublimé ou au calomel. Le docteur Venables a obtenu du mercure de l'estomac d'une personne qui avait vécu pendant huit jours. On a agité la question, si le sublimé accélérait ou retardait la putréfaction des corps empoisonnés; mais, à cet égard, on a encore moins de données que pour l'acide arsénieux.

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Le sublimé produit-il les mêmes lésions sur les tissus privés de vie que sur les tissus vivants? Brodie injecte 24 grains de sublimé dissous dans l'estomac des chats, des lapins morts, et trouve les mêmes altérations de la muqueuse gastrique et duodénale que sur les animaux intoxiqués par la même quantité de poison, morts et ouverts 25 minutes après, Ces expériences ne concordent pas avec celles de M. Orfila, Ce toxicologiste a injecté du sublimé en poudre ou dissous, dans le rectum des chiens, 5 minutes, 1/4 d'heure, 1 heure et 1/2, 24 heures après la mort, et il a trouvé les membranes séreuse et musculaire épaissies, blanches, opaques; la muqueuse, dans les trois premiers cas, était d'un rose clair ou bigarrée de bandes roses et blanches, et, au contraire, rugueuse et grisâtre dans le dernier. Dans tous elle offrait des tracés du poison sous forme de couche grisâtre, et il existait une ligne de démarcation parfaitement tranchée entre les parties atteintes par le poison et celles qui ne l'étaient point; enfin, celles-ci n'offraient pas de traces de réaction organique comme dans les cas d'intoxication.

EXPÉRIENCES SUR LES ANIMAUX. Quoique Brodie, Campbell, Smith, Lavort, Gaspard, Orfila, etc., ne soient pas arrivés absolument aux mêmes résultats, leurs expériences démontrent cependant que le sublimé est toxique pour les chiens, les chats, les lapins, à la dose de 5 à 30 centigr., qu'il soit injecté dans les veines, le tissu cellulaire, l'estomac. Dans la plupart des cas, et surtout dans les deux premiers modes d'administration, la mort a été assez prompte. Les principaux symptômes ont été: abattement; insensibilité; paralysie des membres, convulsions

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tétaniques; vomissements; diarrhée. A l'autopsie on a constamment trouvé des altérations dans l'estomac, ainsi

que dans le gros intestin, et surtout dans le rectum, quelle que fût la voie d'introduction. Ce sont des taches brunâtres, noirâtres, grisàtres, avec ramollissement de la muqueuse, des corrosions, des scarifications, des ulcérations. M. Orfila a noté, dans quelques cás, la coloration noire de la face interne du cœur avec ramollissement, et, M. Gaspard, sur les animaux chez lesquels il avait injecté du sublimé dans les veines, dans le tissu cellulaire, de la salivation, de la gêne de la respiration et un état congestionnel du poumon. Quelquefois cependant les chiens ne sont pas intoxiqués par l'ingestion dans l'estomac de 1 à 8 grammes de sublimé; cela dépend de ce qu'alors il est promptement expulsé par les vomissements ou par les selles. Brodie pense que le sublimé agit en paralysant le cœur, et Campbell comme poison corrosif. Le composé albumineux mercuriel, à l'état gélatineux, intoxiquant les chiens sans laisser de traces locales de son action, ou du moins, insuffisantes pour expliquer la mort, et le sublimé laissant presque constamment des altérations pathologiques très-intenses, la mort, par conséquent, dans la majorité des cas, nous paraît dépendre de son absorption et de son action locale. Il agit probablement comme l'acide arsénieux sur le sang, les organes éloignés. Le sublimé est toxique pour tout ce qui a vie, pour les plantes comme pour les animaux (voyez faits pratiques).

Traitement de l'empoisonnement par le sublimé.

Les données que nous avons présentées dans les généralités sur les poisons inorganiques, page 19, et surtout sur les acides, page 130, doivent servir de guide pour le traitement de l'empoisonnement aigu et lent, ainsi que des effets consécutifs par les préparations mercurielles et en particulier par le sublimé. Comme ces poisons produisent l'inflammation de la muqueuse buccale, pharyngée, avec tuméfaction, constriction de l'œsophage, etc., il est nécessaire d'humecter souvent ces parties avec des boissons, des embrocations mucilagineuses ou hui

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