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nouvellement d'une autre que le malade avait éprouvée trois mois auparavant, à la suite d'un remède prescrit par un charlatan. L'accusée fut acquittée, parce qu'il fut prouvé, par la déposition de plusieurs médecins, qu'une salivation mercurielle pouvait se répéter à un, deux, trois mois et plus de distance, quoique, dans l'intervalle, la personne n'ait point été soumise à un nouveau traitement mercuriel. Il est bon de faire remarquer, que d'autre poisons, les acides, les antimoniaux, les iodés, etc., peuvent produire aussi la salivation; que celleci peut dépendre de l'inflammation de la bouche; qu'enfin la salivation peut aussi être spontanée, dépendre d'une affection nerveuse, ou autre. Nous avons traité une femme de soixantedix ans, qui fut prise presque subitement de difficulté dans la parole, et eut une salivation, peu abondante à la vérité, pendant environ un an, sans autre lésion de la bouche.

M. Guibourt parle d'une femme hystérique qui, tous les trente, quarante ou cinquante jours, avait une salivation de la durée de vingt-quatre à quarante-huit heures. Les auteurs citent aussi des salivations épidémiques, ou qui auraient réapparu après quatre, six ans et plus d'un traitement mercuriel. Ces faits auraient besoin d'être confirmés par de nouvelles observations. Les circonstances antérieures, l'état particulier de la bouche, de l'haleine, les maladies concomitantes doivent servir de guide au médecin légiste.

La syphilis peut aussi développer dans la bouche, sur la peau, etc., des affections analogues à celle que produit le mercure. Renvoyant aux auteurs spéciaux pour résoudre cette question, nous dirons seulement : 1° que les éruptions mercurielles sont aiguës, fugaces, à forme érythémateuse, papuleuse, vésiculeuse, et se manifestent en même temps que la salivation; tandis que les syphilitiques ont une marche lente, un cachet particulier; leur forme est pustuleuse, tuberculeuse croûteuse, etc. Dans la syphilis, les ulcérations siégent au voile du palais, sur la muqueuse olfactive, laryngée, et la nécrose sur les os palatins et des fosses nasales; dans l'infection mercurielle, c'est aux gencives, sur les parties latérales de la lan

gue, des joues, à la commissure des mâchoires et sur les alvéoles, les os maxillaires. Dans le premier cas, ces lésions apparaissent lentement, coïncident avec d'autres lésions des organes génitaux, offrent un cachet particulier; c'est tout le contraire dans le second. Cette distinction entre les accidents mercuriels et syphilitiques, que nous empruntons à M. Trousseau, ne pourra cependant être établie dans tous les cas, surtout si les accidents coïncident. Le traitement, les circonstances antérieures pourront peut-être répandre un faible jour sur cette question et en faciliter l'elucidation.

Faits pratiques.

Le mercure et le sulfure sont les deux préparations les plus anciennement connues. Viennent ensuite les chlorures, les oxydes, les oxysels. Les cyanures, les iodures, les bromures, datent presque de nos jours. L'effet nuisible des mercuriaux a été connu des anciens. Dioscoride parle du masque dont se servaient les mineurs pour se préserver des vapeurs mercurielles. Le métal même était regardé comme poison; c'est ce qui s'est opposé pendant longtemps à son emploi en médecine. L'usage des mercuriaux remonte environ au huitième siècle; il est dû aux médecins arabes. D'abord employés à l'extérieur, dans les affections chroniques du système cutané, puis à l'intérieur, c'est à peu près vers le quinzième siècle que leur application thérapeutique sous toutes les formes s'est régularisée. Les mercuriaux comme les antimoniaux ont beaucoup exercé le cerveau des alchimistes, et il ne serait pas facile de se reconnaître parmi toutes ces anciennes préparations ou dénominations.

De toutes les préparations, le mercure est presque la seule employée dans les arts. Il sert à fabriquer les baromètres, les thermomètres, les cuves à mercure, la poudre fulminante, à dorer, à argenter, à mettre les glaces au tain, etc. L'intoxication par les mercuriaux peut avoir lieu par presque toutes les voies, mais le plus souvent c'est par les voies de la respiration, de l'ingestion, par leur application sur une plaie; cependant le

fait suivant démontrerait qu'elle peut se faire par la peau non dénudée.

Observation I. Le 22 mai 1825, sur les 5 heures du soir, je plongeai mes mains, à plusieurs reprises, dans un soluté très-concentré de sublimé, pour en retirer des pièces anatomiques. J'oubliai de laver mes mains, et me couchai à 11 heures, sans éprouver aucune incommodité. Vers une heure du matin je fus réveillé très-rapidement par des douleurs vives, déchirantes dans la région épigastrique, qui s'étendirent à tout le diaphragme; ventre un peu déprimé; sentiment de constriction dans toute la poitrine; respiration costale gênée, inégale; pouls petit, concentré, irrégulier; bouche sèche; soif vive; sueurs abondantes sur le front, les tempes, la poitrine et les mains, accompagnées d'un froid très-incommode: demi-heure après, éructations, nausées, efforts inutiles pour vomir. Alors seulement, je soupçonnai le sublimé être la cause de ces accidents. Je portai les doigts à la bouche et m'aperçus, à leur âcreté, que j'avais oublié de laver mes mains, ce que je fis sur-le-champ. Je bus abondamment de l'eau sucrée, et, vers les 2 heures, j'eus des vomissements très-violents et rapides de matières glaireuses, épaisses, d'une saveur métallique extrêmement âcre, avec constriction pénible à la gorge. Région épigastrique très-sensible au toucher. Vers quatre heures et quart cessation des vomissements; coliques dans la région ombilicale; trois selles très-fluides avec ténesme. Je m'endormis à cinq heures et me réveillai à 8. La bouche était sèche, la région épigastrique très-douloureuse, mais les autres accidents avaient disparu. Dans la journée, je pris six bouillons et trois crèmes de riz. Le lendemain je vaquai à mes occupations. Je conservai encore, pendant huit jours, un sentiment de gêne à la région épigastrique (J. Cloquet).

Cette observation démontre que l'absorption du sublimé par la peau non dénudée est très-prompte, puisque les effets se sont déclarés huit heures après l'immersion des mains. La nature des accidents, leur siége indiquent que c'est surtout sur le système nerveux de la vie organique que le poison a porté son action, et la saveur âcre, métallique des matières des vomissements, qu'il est éliminé en partie par le tube intestinal, comme l'arsenic, le cuivre, et probablement aussi les autres poisons minéraux. Le Dr. Guerhard a vu le ptyalisme se déclarer après trois bains de sublimé, pris à trois jours d'intervalle

et composés chacun de 30 gram, (1 once) de sublimé pour 48 litres d'eau. Les effets de ce poison sont encore bien plus prompts et plus intenses lorsqu'il est appliqué en frictions sur la peau, en soluté ou en pommade; alors, en outre des effets constitutionnels, se développent des accidents locaux de nature âcre, irritante.

Observation II. Un gentilhomme, rhumatisant, se frotta pendant plusieurs minutes, et avant de se coucher, avec un remède secret (112 drachme de sublimé dissous dans 1 once de rhum). Les frictions n'étaient pas encore achevées, qu'il éprouva une sensation de chaleur dans le bras (partie frictionnée, et, dans la nuit, du malaise, des douleurs d'estomac, des vomissements, des selles avec ténesme. Le matin il était faible, avait des vomissements incessants; le bras, au dessous de l'épaule, était gonflé, rouge, vésiqué. Les jours suivants, il se déclara un goût cuivreux, avec ramollissement des gencives, bientôt suivi d'nne salivation régulière (Dr Anderson).

Dans ce cas encore, l'absorption du sublimé s'est faite promptement et même avant l'excoriation de la peau, puisque les symptômes gastro-intestinaux se sont manifestés peu de temps après les frictions. Le Dr Syme cite le cas suivant, aussi trèsintéressant, mais avec le nitrate acide de mercure.

Observation. III. Un homme, complétement guéri d'un rétrécissement urétral, et sur le point de sortir de l'hôpital, se fit frictionner, dans la soirée, la cuisse et la hanche du côté droit, avec du nitrate acide de mercure, au lieu d'huile camphrée. Aussitôt après, douleurs sur ces parties, frisson violent, et, au bout d'une heure, émission considérable d'urine. Les cinq jours suivants, suspension de cette secrétion. Le cathéter n'amena que quelques cuillerées d'un liquide visqueux, sans odeur* urineuse. Une saignée étant pratiquée on trouva de l'urée dans le sang. Il se forma, sur les parties frictionnées, une escarre superficielle, trèsétendue, dont la chute laissa une plaie douloureuse, qui se cicatrisa lentement. Il se déclara un ptyalisme très-abondant, avec dénudation du bord alvéolaire de la mâchoire inférieure. Le malade fut calme sans disposition au coma, et conserva sa connaissance. Le pouls était plein, mou, à 80 pulsations. Ses forces ne revinrent que lentement ; et il ne put quitter l'hôpital que 27 jours après. Il se rétablit assez promptement à la campagne.

Le sublimé en poudre, en soluté, en pommade, contre les poux, les morpions, la gale, pour détruire les tumeurs, les cancers, a ocasionné des accidents très-graves et le plus souvent mortels.

Observations diverses IV. Une personne qui, pour une éruption galeuse au bras, se le frictionna pendant plusieurs jours, avec un soluté de 25 centigr. de sublimé pour 30 gram. d'eau, fut prise de fièvre, d'inflammation gastro-intestinale, et, deux jours après, d'une violente salivation (Robertson), 2o Un enfant eut une salivation qui devint fatale en peu de jours, pour s'être lavé la tête, où il avait une éruption, avec une solution de sublimé (Sutleffe). 3o Desbois de Rochefort dit que le bi-oxyde de mercure et le sublimé, appliqués à l'extérieur, occasionnent souvent des accidents. Il ajoute avoir observé un sujet, chez lequel, en 12 ou 15 heures, l'emploi d'une solution de sublimé coutre les poux occasionna une tuméfaction considérable de la tête et des yeux, des douleurs horribles, beaucoup de fièvre, etc., accidents qu'il combattit avec succès par trois saignées du pied, des bains, des lotions mucilagineuses, et surtout avec des lotions alcalines et l'eau de savon pour décomposer le sublimé. Plenk cite un cas semblable par l'emploi d'une pommade au sublimé contre les poux. 4° Pibrac rapporte trois cas promptement mortels, par l'application du sublimé en poudre sur des parties dénudées : le premier était un cancer ulcéré du sein. Bientôt après il survint des douleurs intolérables, de l'oppression, des nausées, des vomissements sanguinolents, des mouvements convulsifs violents, des tortures horribles. La femme succomba le lendemain. Le second, c'était une demoiselle, portant deux loupes, l'une à l'occiput, l'autre à la nuque. On les ouvrit avec l'esprit de nitre, et, après avoir aidé la matière sébacée, on cautérisa le fond du kyste avec le sublimé. Cette personne mourut le cinquième jour, dans des mouvements convulsifs les plus terribles. Enfin le troisième cas était une tumeur carcinomateuse, siégeant à la partie postérieure et moyenne de la jambe, qu'un empyrique attaqua par un caustique. Après la chute de l'escarre, il saupoudra la plaie avec du sublimé. Le lendemain le malade fut trouvé mort dans son lit. 5° Un empirique appliqua du sublimé sur une petite dureté qu'une dame portait à la cuisse. Il se manifesta une escarre très-épaisse, des douleurs violentes, the tumeur inflammatoire du volume du poing, des angoisses, de la faiblesse, des convulsions effrayan. tes, symptômes qui furent suivis d'une salation immodérée, La malade

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