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sant plus, lorsque le 13 juillet 1842, après avoir bu, au dire d'un témoin, une bouteille de vin trouble dont la saveur lui parut détestable, ou, au dire de sa femnie, après avoir mangé une salade, il fut pris d'accidents graves jusqu'à sa mort, qui eut lieu vers la fin du troisième jour. Ces accidents, toujours d'après les dépositions de sa femme et des témoins, peuvent se résumer ainsi douleurs vives, brûlantes d'estomac; vomissements noirâtres, abondants et persistants; selles sanguinolentes; contorsions des membres avec contractions des mains et des doigts de manière à ne pouvoir saisir les objets; convulsions de la face avec distorsion de la bouche à droite. Le malade poussait des cris qui s'entendaient du voisinage, éprouvait un grand feu dans l'estomac qu'il ne pouvait apaiser par l'eau froide, le lait, boissons qui étaient immédiatement vomies. L'intelligence s'est conservée jusqu'à la fin. La promptitude de la mort éveilla des soupçons; sa femme et le sieur Rocher, teinturier, avec lequel elle vivait en concubinage, furent inculpés, et, parmi les divers objets saisis chez eux, se trouvaient les matières de vomissements; MM. les docteurs Porral et Barse procédèrent à l'exhumation huit jours après. Afin d'abréger nous noterons seulement les lésions suivantes comme le plus en rapport avec notre sujet : « L'estomac distendu et recouvert dans la moitié droite par le foie, qui y adhérait par une de ces parties, nous a paru altéré dans sa forme et dans l'épaisseur de ses parois ; il offrait, à sa partie droite et en haut, une large ouverture, suite d'une ulcération cicatrisée, conduisant dans une petite poche, formée, dans sa partie supérieure, par la portion du foie que nous avons dit lui adhérer, et par des feuillets séreux, recouverts d'une membrane muqueuse comme il en existe dans les kystes ou tumeurs enkystées de nouvelle formation; il renfermait peu de liquide. Dans cette poche on voyait une grande quantité de petits corps durs de forme et de consistance différentes, avec quelques noyaux de cerises tachés en noir. Aucune lésion récente n'existait dans l'estomac. L'œsophage était rouge à sa partie supérieure dans toute sa circonférence, mais cette rougeur ne nous a pas paru

de nature inflammatoire. La surface de ces deux organes, et surtout du dernier, était couverte de petits corps durs, cristallisés irrégulièrement, de forme et de couleur différentes, semblables à des grains de quartz, tachés de points noirs; quelques-uns plus petits, à bords plus arrondis, comme usés, très-durs, craquant sous la dent, sans saveur ni odeur, insolubles dans l'eau distillée et rayant le verre comme le ferait le diamant. A la lumière nous avons remarqué plusieurs petites paillettes de mica. Parmi ces corps, les plus volumineux pesaient 10 centigr. environ; les plus petits étaient presque imperceptibles; les uns sous formes de lames noirâtres, plus friables; d'autres d'un jaune d'ocre, se laissant réduire en poudre et dissoudre imparfaitement dans l'eau distillée. Traités à froid par l'eau additionnée d'un peu d'acide acétique pur, après quelques minutes de contact, la liqueur filtrée n'a pas été troublée par la noix de galle, l'acide sulfhydrique et sulfurique. >>

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MM. les experts ont carbonisé le décocté du tiers de l'estomac, de l'œsophage, les liquides qu'ils renfermaient, avec une portion du foie, des intestins, des poumons, de la vessie, par l'acide sulfurique, dans une marmite en fonte. Le résidu, soumis à l'appareil de Marsh, aux réactifs de sels de cuivre, a donné des caractères négatifs. Une autre portion du foie, de l'estomac, des intestins, a été soumise à l'ébullition dans de l'eau aiguisée d'acide acétique; le décocté évaporé a siccité et le résidu traité par l'acide azotique et un sesquisel de fer, n'a pas offert les réactions des alcalis végétaux. Les auteurs concluaient que le corps de Pouchon ne renfermait aucun poison appartenant au règne végétal, ni aucun composé arsenical, antimonial, cuivreux et ferrugineux, lorsque M. Barse, sur leur demande, leur fut adjoint.

Expertise du 5 août 1842. Les experts divisent leurs opérations en trois séries. 10 dans le but de reconnaître s'il existait un poison végétal, ils font bouillir dans de l'eau, fortement aiguisée d'acide acétique, une partie de l'œsophage, de l'estomac et du cœur, précipitent le décocté

d'abord par l'acétate de plomb, puis par l'acide sulfhydrique ; évaporent jusqu'à siccité les liqueurs filtrées. Le résidu traité par l'acide azotique et le sesqui-chlorure de fer n'a pas donné les réactions des alcalis végétaux. 2o après avoir bien décapé une marmite en fonte par l'acide azotique et la potasse, et s'être assurés que l'eau des lavages ne donnait pas des taches à l'appareil de Marsh, n'offrait pas les réactions des sels de cuivre et de plomb, ils ont fait bouillir dans ce vase le foie, la rate, une partie des poumons, des intestins grêles et de la vessie avec de l'eau distillée et 20 gram. de potasse. Une portion du bouillon, saturée par l'acide azotique et additionnée d'azotate, a été soumise au procédé de l'incinération; l'autre portion a été carbonisée par l'acide azotique, et le charbon traité par l'acide chlorhydrique. Dans les deux cas, les deux produits n'ont pas donné les réactions de sel de cuivre, des taches antimoniales et arsenicales à l'appareil de Marsh, mais ont précipité par les acides sulfurique, sulfhydrique, etc., ce qui a fait soupçonner la présence du plomb. Pensant que ce métal, s'il existait en effet, se trouverait en plus grande quantité dans les organes déjà épuisés par l'eau, ils les ont carbonisés dans la marmite en foute. Le charbon a été calciné pendant une heure. avec de la potasse dans un creuset de hesse; le produit, traité par l'eau distillée, a laissé déposer du charbon qui, examiné à la loupe, laissait apercevoir de petits globules métalliques à peine appréciables à la vue. Ce charbon, calciné de nouveau avec de la potasse pendant deux heures, a donné un culot renfermant une grande quantité de globules plombiques appréciables à la vue et offrant les caractères physiques et chimiques du plomb.

Comme, dans les analyses précédentes, les experts s'étaient servis d'acétate de plomb, et que, par un hasard malheureux, ce sel aurait pu se mêler aux matières suspectes, il ont soumis à une nouvelle série d'expériences les matières vierges ainsi, dans la même marmite en fonte, décapée comme précédemment, ils ont carbonisé sans addition le gros intestin et une fraction de l'intestin grêle. Le charbon, caleiné avec de

la potasse pendant une heure, a donné un produit qui, coulé et traité par l'eau distillée, a laissé un culot de plomb métallique, lequel battu avec un marteau, s'est aplati de manière à couvrir la surface d'une pièce de cinq sous. Le résidu charbonneux a offert aussi une foule de globules de plomb, brillants, dont on a pu apprécier les caractères chimiques après les avoir dissous dans de l'acide acétique. Les experts se sont assurés, par des analyses comparatives, en opérant avec les mêmes vases, les mêmes réactifs, sur le foie, la rate, les reins, la vessie, l'estomac, une partie des poumons, et séparément sur le gros intestin et une partie de l'intestin grêle d'un individu enterré depuis huit jours, que le plomb, trouvé dans les organes de Pouchon, ne pouvait provenir ni des réactifs employés, ni du plomb normal.

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Les raclures du panneau et de la traverse du lit de Pouchon, ainsi que celles de la partie du coffre correspondante au lit et du plancher situé entre, matières qu'on soupçonrait provenir des vomissements, après avoir été calcinées avec de la potasse dans la marmite en fonte, ont donné aussi des globules plombiques visibles à la loupe, et dont on a pu constater les caractères chimiques. Ces matières ne renfermaient aucune parcelle de mica. Les raclures prises dans la portion du lit, du coffre, etc., où n'ont point eu lieu les vomissements, soumises aux mêines expériences, n'ont pas donné du plomb.

Les terres du cimetière mises à macérer pendant une heure avec de l'acide acétique, puis délayées dans l'eau distillée, le liquide filtré n'a pas offert la réaction plombique, non plus que le résidu de l'évaporation, après avoir été repris par l'acide acétique.

Les conclusions finales qui ont suscité le plus de discussion sont celles-ci: 1o les préparations de plomb étant, à dose plus ou moins considérable, toutes vénéneuses, il est certain que Jacques Pouchon a dû subir l'influence du poison et la mort en être la conséquence, soit que le poison en ait été la cause unique, soit que la maladie de Pouchon en ait éprouvé une aggravation sérieuse; 2° ce métal, sous quelque forme qu'il ait été

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introduit, a été ingéré pendant la vie, puisque les matières des vomissements en renfermaient une quantité appréciable; 3o le plomb obtenu ne provient ni du plomb habituellement contenu dans nos organes, ni des réactifs, ni des terres du cimetière.

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MM, Dupaquier, de Lyon, Rognetta, Flandin et Danger, consultés, appelés par la défense, ont critiqué, combattu ce rapport, et ses conclusions. M. Orfila au contraire, appelé par la partie civile, en a pris la défense. Voici, en résumé, les opinions de ces toxicologistes. Ci-après nous citerons les faits qui ont servi à les établir.

M. Dupaquier. Les experts ont conclu d'une manière trop absolue que Pouchon était mort empoisonné par une préparation plombique, parce qu'ils n'ont pas trouvé les altérations propres à ces poisons et que toutes ne sont pas vénéneuses, tels sont les sulfures naturel et artificiel, les sulfate, oxalate, borate, tannate, phosphate; qu'ensuite ils ne se sont pas assurés si le tube, intestinal ne renfermait pas une préparation insoluble. Le symptômes qu'a offerts Pouchon s'expliquent tout aussi bien par son affection chronique de l'estomac que par l'intoxication saturnine. Le plomb retiré des organes peut provenir des réactifs, des aliments, des boissons, etc., et peut-être aussi de l'acétate de plomb qui lui avait été administré en lavement. Il a été prouvé, dans les débats, que Pouchon, quinze mois avant, avait pris, à l'hôpital du Puy, plusieurs lavements composés chacun de 4 gram. d'acétate de plomb.

M. Orfila. Il est extrêmement probable que Pouchon est mort empoisonné par le plomb. Il l'affirmerait même, s'il lui était démontré que les matières du tube intestinal ne renfermaient pas une préparation de plomb insoluble, que les réactifs employés ne contenaient pas non plus de plomb, parce que les symptômes éprouvés par Pouchon sont plutôt ceux d'un empoisonnement que de son affection estomacale.

Cette déposition donna lieu à un nouveau rapport, afin de savoir si les matières renfermaient une préparation insoluble, si les réactifs employés étaient purs. Les experts MM. Porral, Reynaud,

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