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ques points, plissée, ratatinée en d'autres, ecchymosée çà et là, et la duodénale de couleur brune noirâtre, comme sphacélée. Les petits et les gros intestins offraient aussi des traces d'inflammation, mais à un degré moindre. Le tube intestinal et les matières qu'il contenait, incinérés ensemble ou séparément avec de la potasse, ont donné un produit charbonneux gris foncé et de globules métalliques de la grosseur d'un grain de millet, qui, dissous dans l'acide azotique, offraient les réactions des sels plombiques. Une portion de drap tachée de jaune et de rouge, incinérée avec de la potasse, n'a fourni aux réactifs que des précipités indiquant la présence du fer. Parmi les matières suspectes, le marc du café, trouvé dans une cafetière, n'a pas donné les caractères du plomb par l'eau distillée, tandis que, incinéré avec de la potasse, comme le tube intestinal, il a offert les mêmes réactions plombiques, mais plus faibles. Deux fioles renfermaient aussi un sel de plomb. Les experts concluent que les symptômes éprouvés par la femme Merle sont ceux d'un empoisonnement et que le poison est un sel de plomb. L'extrait du rapport est trop abrégé, trop peu circonstancié pour que nous puissions le commenter, le discuter.

Faits pratiques.

Le nom de Saturne, donné au plomb, indique qu'il est anciennement connu ; cépendant, les accidents que ce métal peut Occasionner par suite de ses usages dans l'économie domestique, étaient ignorés des peuples anciens, puisque Caton, Pline, Columelle, etc., parlent de l'usage habituel d'évaporer le moût de raisin dans des vases en plomb pour le convertir en sirop, d'introduire des plats de ce métal dans le vin pour en saturer l'acide, l'empêcher de passer à l'aigre. C'est peut-être ce dernier usage, encore suivi dans le dernier siècle, dans plusieurs contrées de l'Europe, pour la bière, le cidre et autres boissons acides, qui a conduit à frelater le vin par la litharge.

Nicandre, et après lui les autres auteurs grecs, romains et arabes, décrivent les accidents occasionnés par l'ingestion du minium, de la litharge, du carbonate, accidents qui, comme

¿nous l'avons déjà dit, offrent la plus grande analogie avec la colique de plomb. Mais, quoique Dioscoride et Avicenne paraissent avoir soupçonné l'intoxication saturnine par émanation, ce n'est guère que vers le douzième et surtout le seizième siècle que la colique de plomb a été bien connue quant à son mode de production, sa cause, et, dans ces derniers temps, quant à son diagnostic différentiel, à ses divers modes de manifestation. La connaissance des autres préparations plombiques est bien moins ancienne.

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Le plomb est d'un usage fréquent ; il sert à faire des balles, de la grenaille, des vases, des conduits d'eau, des lames, des fils incorruptibles, à tapisser les réservoirs, à couvrir les toits, à fabriquer des chambres pour la préparation de l'acide sulfurique, à doubler les établis des marchands de vin, les cercueils, à envelopper une foule de corps afin de les maintenir dans leur fraîcheur, le chocolat, la vanille, le tabac, etc.; les oxydes, le carbonate, le chromate, le jaune de Naples, le sulfure, etc., servent, dans la peinture, à rendre les huiles sic-catives, à fabriquer les vernis sur poterie, les flint-glass, les emplâtres, à la coupellation, quelquefois et malheureusement à colorer les bonbons, les joujoux, les papiers, etc. Les acétates sont employés en médecine, dans les analyses végétales, dans les arts, etc. L'intoxication plombiqué peut s'opérer par presque toutes les voies.a

A. Peau non dénudée. Plusieurs auteurs disent avoir observé la colique de plomb soit par des frictions lithargirées sur les reins, les articulations, dans les cas de gale (Widekind); soit par l'application d'un emplâtre, d'un cosmétique plombique sur la peau non dénudée (Von-Brambilla, Mæglin); soit par des bains de jambes avec l'acétate de plomb, répétés deux fois par jour et pendant dix jours (Backer). Le directeur de la fabrique de Clichy a assuré à MM. Flandin et Danger que les ouvriers qui avaient soin de se laver n'étaient pas atteints de colique. M. Tanquerel des Planches s'est cependant assuré que les fomentations répétées d'eau de goulard sur la peau ne produisaient pas cette affection (fait qui lui a été confirmé par

plusieurs médecins des hôpitaux), de même que par les onguents, les emplâtres, les pommades cosmétiques plombiques, d'après les acteurs, les médecins des théâtres. Il n'a pu développer la colique de plomb sur les chiens, les lapins, en leur frictionnant la partie interne des cuisses, le ventre, la poitrine préalablement rasés, pendant huit à douze jours et plusieurs fois par jour, avec une pommade contenant un grande quantité de carbonate de plomb ou de litharge. De ces faits M. Tanquerel conclut que l'absorption cutanée, si elle a lieu, est insuffisante pour produire cette maladie chez les personnes qui la contractent en travaillant, que les émanations plombiques qui se fixent et adhèrent à la peau, même malgré les bains, les lotions, n'y concourent nullement ou n'y ont qu'une bien faible part. Il serait important, sous le point de vue d'hygiène publique, que cette question fût jugée.

B. Peau dénudée, plaies, etc. Percival, Duchesne, Backer ont observé des coliques saturnines par l'application de l'eau, du cérát dé goulard et autres préparations plombiques sur des brûlures, des exutoires. Un cas remarquable est celui cité par M. Taufflied du Barr, par l'usage des bandes de diachylon gommé sur un vaste ulcère de la jambe.

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Observation Ir. Un homme, à la suite d'une blessure, avait un vaste ulcère qui datait de quinze ans et occupait toute la circonférence de la jambe depuis l'articulation tibio-tarsienne jusqu'à 3 pouces environ'au-dessous de la rotule, et que Tauffield fit couvrir de bandelettes de diachylon gommé; il y cut amélioration locale et générale; mais deux mois et demi après, cet homme éprouva tout à coup des coliques très-vives, des nausées, des vomissements, des crampes dans toute l'étendue des membres abdominaux ; il se roulait dans son lit, en proie aux doubleurs les plus vives: ventre rétracté, insensible à la pression; constipation depuis plusieurs jours; pas de fièvre; soif modérée. Les antispasmodiques et les laxatifs sont employés avec succès, mais les douleurs des membres ne se dissipent qu'au bout de cinq semaines environ. A partir de cette époque amélioration et retour à une santé parfaite. Quelque temps après, l'ulcère s'étant agrandi, le malade appliqua de nouveau des bandelettes de diachylon ; quinze jours après, il fut pris subitement de perte de connaissance; le facies était pâle, les traits reti

rés; le pouls petit, dur, 90 pulsations; le bras gauche complétement paralysé et insensible. La paralysie ne s'étendait pas à la face et aux membres inférieurs du même côté; langue naturelle; ventre rétracté, insensible à la pression; respiration naturelle; douleurs atroces dans le ventre et les extrémités inférieures; quelques vomissements bilieux; constipation depuis plusieurs jours. Ces accidents, que les parents du malade avaient pris pour une paralysie, cédèrent en sept jours au traitement de la colique de plomb (Gaz. médic., 1838).

Il a été employé 44 pieds carrés de sparadrap, qui renfermait environ 10 onces 3 gros et 1/2 d'oxyde plombique; mais cette quantité de poison n'était pas en contact avec la plaie; ensuite l'oxyde de plomb, formant un composé insoluble avec les acides gras, étant enveloppés par eux, l'absorption a dû être moindre et très-lente. La paralysie du bras et pon celle de la jambe, sur laquelle le poison a été appliqué, prouve que cette maladie n'était point directe, ne résultait pas enfin de l'action locale du poison. On conçoit l'erreur du diagnostic par les personnes étrangères à l'art de guérir et même par un médecin autre que le médecin ordinaire. Ces erreurs ne sont pas très-rares, et nous en citerons ci-après plusieurs exemples. M. Taufflied, qui croit à l'intoxication saturnine par la peau non dénudée, pense qu'on pourrait la prévenir chez les peintres, etc., par des lotions huileuses, savonneuses ou acides. L'absorption varie probablement selon la personne, l'état morbide, car depuis deux ans nous faisons envelopper constamment les deux jambes d'une femme de 78 ans, atteinte d'un prurigo opiniâtre, et il ne s'est déclaré aucun symptôme saturnin, quoique la peau soit excoriée.

C. Membranes muqueuses. Les muqueuses oculaire et nasale peuvent, chacune séparément, servir d'introduction aux molécules plombiques. MM. Tanquerel des Planches et Sabatier, d'Orléans, ont vu la colique et l'anthralgie se déclarer chez un homme le douzième jour de l'emploi d'un collyre composé de 4 gram. (1 gros) d'acétate de plomb et de 250 gram. (8 onces) d'eau. Le tabac à priser, mêlé accidentellement ou par fraude à une préparation plombique, peut

occasionner des accidents graves et même mortels. M. Degeer, botaniste de Copenhague, grand priseur de tabac macouba, succombe sans cause connue; M. Ahrenson, ayant appris que ce tabac était quelquefois mêlé à de l'oxyde de plomb pour le colorer, en fit l'analyse, et trouva 16 à 20 p. 100 de minium. Un jeune médecin, qui prisait aussi de ce tabac et qui était devenu languissant depuis longtemps, ayant appris le résultat de l'analyse de M. Ahrenson, en cessa l'usage, et, depuis, il s'est parfaitement rétabli. Le tabac conservé dans des feuilles, des boîtes en plomb, l'attaque très-promptement; il se forme du carbonate, de l'acétate, du chlorure de ce métal. M. Chevalier a retiré jusqu'à 50 grains de ces sels par livre. Ce tabac pourrait donc occasionner les mêmes accidents que le tabac macouba, surtout les portions qui adhèrent aux parois de la boîte. M. Tanquerel rapporte le fait suivant d'empoisonnement par la muqueuse vaginale :

Observation II. Au mois de janvier 1837 Mme A...., très-nerveuse, fortement constituée, fut atteinte d'une hémorragie utérine qui annonçait l'arrivée de son temps critique et qui avait résisté aux émollients, aux minoratifs, aux opiacés, à l'alun donné en potion et en injection, enfin à une petite saignée du bras. Je prescrivis alors des injections vaginales avec l'eau de goulard trois fois par jour; une demi bouteille d'eau blanche fut employée en quatre jours. A cette époque l'hémorragie cessa, mais la malade commença à se plaindre des douleurs dilacérantes dans les membres supérieurs et surtout dans les inférieurs, auxquelles s'ajoutèrent, les jours suivants, des crampes et de très-vives souffrances dans le ventre. Le 10 janvier elle offrait l'état suivant : vomissements fréquents, nausées, éructations, borborygmes, hoquets, constipation depuis trois jours, ventre rétracté et dur, coliques à l'épigastre et au nombril, tortillantes, continues, revenant par accès plus fortes et se propageant à la région rénale, où elles sont dilacerantes. Alors la malade a le facies décomposé, pousse des cris lamentables, se couche sur le ventre, se met en double, se serre le ventre avec des mouchoirs, sort de son lit pour se promener dans sa chambre, etc.; aucune position ne la soulage complétement. Des frictions et une forte pression diminuent un peu et momentanément les douleurs. Urines sept à huit fois moindres qu'à l'ordinaire, anorexie, ni faim ni soif, langue

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