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un peu blanche. Certaines boissons soulagent ou même empêchent le vomissement; d'autres, au contraire, également douces, surexcitent la douleur. Respiration entrecoupée, haletante, précipitée, trente à trentecinq inspirations par minute; pouls irrégulier, tour à tour lent et précipité; soixante pulsations; chaleur normale de la peau; insomnie; pas de céphalalgie. Les exacerbations ont lieu environ toutes les dix minutes; pendant le repos, la malade est silencieuse et le plus souvent calme; quelquefois, cependant, elle change de place. La matrice n'offre aucune altération appréciable au speculum et pas le moindre suintement sanguin; pas de douleurs. Les mollets, les genoux et la plante des pieds sont le siége de douleurs dilacérantes, qui augmentent par le mouvement et diminuent par la pression, reviennent plus fortes par accès, et s'accompagnent quelquefois de crampes. Une goutte d'huile de croton-tiglium dans une cuillerée d'eau. Une demi-heure après, vomissements; le soir une nouvelle goutte qui est également rejetée peu de temps après. Le 11 janvier, même état; une bouteille d'eau de sedlitz; trois ou quatre selles liquides, plusieurs vomissements. Le 12, pas de changements dans l'état de la malade; un grain d'hydrochlorate de morphine en huit pilules à prendre d'heure en heure. Le 13, amélioration marquée, un peu de sommeil; même traitement. Le 14, la colique continue à diminuer; même prescription. Le 15, la colique a repris un peu d'intensité; eau de sedlitz; sept à huit selles en grande partie pelotonnées; un grain d'hydrochlorate de morphine en huit pilules. Le 16, cessation complète de la colique; les douleurs des membres ne cessent que les jours suivants; continuation du sel de morphine.

Mme A... fut bien portante pendant quinze jours et fut reprise, sans cause connue, des mêmes accidents, qui furent combattus par le même traitement. L'hydrochlorate de morphine fut porté à 10 centigr. (2 grains) dans les vingt-quatre heures et continué pendant huit jours. Depuis, Mme A... a eu plusieurs pertes utérines qui n'ont point été traitées par les injections d'eau de goulard, et on n'a point constaté d'accidents pareils. Antérieurement elle n'avait non plus éprouvé de maladie semblable dans le ventre et les membres.

La muqueuse pulmonaire, en raison de son étendue, de ses rapports constants avec l'air, et peut-être aussi de la proximité des organes centraux de la circulation, est une des voies par lesquelles se produisent surtout les empoisonnements sa

turnins par émanation. Cependant les muqueuses oculaire, nasale, buccale et gastro-intestinale n'y sout probablement pas tout à fait étrangères, puisque l'air, le gaz, les vapeurs, véhicules ordinaires des molécules plombiques, les déposent en partie à leur passage sur les trois premières surfaces, et qu'ainsi ces molécules peuvent arriver dans le tube intestinal, soit par l'intermédiaire de la salive, soit par l'air qui, d'après M. Bouvier, serait avalé à chaque inspiration. Aussi sont-ce les préparations les plus friables (céruse, oxydes), les plus susceptibles de se répandre dans l'air, qui produisent le plus fréquemment la colique saturnine. D'après M. Tanquerel, les personnes qui travailleraient le plomb pur, non oxydé, non carbonaté, ou toute autre préparation incorporée dans des corps gras, de manière à ce qu'elle ne puisse se volatiliser, ne seraient point sujets à contracter cette affection. M. Tanquerel des Planches et Stanki ont déterminé la colique saturnine en introduisant, pendant six jours, matin et soir, 24 grains de minium dans les bronches d'un chien, à l'aide d'une ouverture pratiquée à la trachée-artère, et n'ont pas trouvé de lésions de la muqueuse bronchique et trachéale, ni des membranes sous-jacentes, des poumons.

Plusieurs faits démontrent la dissémination des molécules plombiques dans l'atmosphère. M. Duuns, ayant déposé un vase contenant de la céruse humectée sur un bain de sable à 73o, et fait passer l'air de cette atmosphère au travers de l'eau distillée, à l'aide d'un soufflet muni d'un tube, a constaté la présence du plomb dans ce liquide. La vapeur d'eau pourrait donc servir de véhicule aux émanations plombiques. Les ouvriers qui boivent de l'eau, qui mangent les aliments conservés dans les ateliers de céruse, de minium, sont très-sujets à la colique saturnine et même la contractent assez promptement. L'air de ces ateliers offre une saveur styptique, sucrée. Une femme entre à la Charité pour se faire traiter d'une maladie ayant la plus grande analogie avec la colique des peintres; elle dit n'avoir jamais pris ni travaillé aucune préparation plombique. M. Tanquerel, pour éclairer le diagnostic, s'étant transporté au domicile de cette femme, s'assura qu'elle était portière

et que le plancher de sa loge communiquait, par plusieurs ouvertures, avec le laboratoire d'un parfumeur situé au-dessous, où l'on broyait tous les mois quelques livres de céruse. Plusieurs individus sont atteints de coliques saturnines pour avoir remué des plaques de plomb dans un espace circonscrit. M. Tanquerel pense que ces plaques étaient recouvertes d'une couche d'oxyde ou de carbonate, qui se seront répandus dans

l'air.

Dans l'exploitation des mines plombifères, dans la coupellation, dans toutes les opérations enfin où le plomb seul ou allié à d'autres métaux est soumis à une haute température, ses molécules divisées, entraînées par les gaz, par les courants d'air, font sentir leur fàcheuse influence, même à une assez grande distance sur les êtres organisés, et en général dans la direction des vents, des collines. Stokes et Wilson ont constaté, en Écosse, que les vaches, les chevaux, les brebis, les chiens et même les poulains, élevés dans les pâturages situés aux alentour des mines de plomb, étaient sujets à contracter la colique métallique. D'après Saunders, les ouvriers qui travaillent aux usines de Hartz en sont très-fréquemment atteints. Près de la forge d'Altenau, située à un quart de lieu de la plomberie, les maisons, les végétaux, sont couverts d'une couche noirâtre ou bleuâtre; les oiseaux de passage y périssent bientôt; aucun n'y fait son nid; on n'y trouve pas d'écureuils. Les vaches, les chèvres, les brebis qu'on y mène paître pissent le sang, avortent ou deviennent stériles. On n'y peut élever les volailles. Cet auteur a remarqué que des ouvriers, exposés depuis plusieurs années aux plus fortes vapeurs plombiques, n'avaient pas contracté l'affection saturnine, tandis que d'autres, qui en étaient plus éloignés et adonnés à des travaux légers, en avaient été atteints plusieurs fois. Cela ne peut s'expliquer que par l'oxydation des vapeurs plombiques, à une plus prande distance du foyer. Les excès dans les femmes et les boissons, les mauvaises saisons, les refroidissements subits prédisposent à cette maladie. Quoique les ouvriers travaillent la poitrine découverte, qu'ils soient exposés à des changements subits de température,

Saunders n'a jamais observé la phthisie chez eux'; ce qui serait en opposition avec la croyance de quelques auteurs. Les maladies de poitrine y sont très-rares, et les moyens prophylactiques ont été sans effets. Il pense que l'absorption des molécules plombiques se fait aussi par la peau, car les muscles fléchisseurs sont plus souvent paralysés que les extenseurs. Aucun ouvrier n'est mort de cette maladie. Chez les personnes qu'il a autopsiées, il a trouvé des dilatations et des contractions partielles des intestins.

Les personnes qui séjournent, qui couchent dans des appartements récemment peints, dont l'air surtout n'est pas renouvelé, sont assez promptement atteintes de maladie saturnine. Leroux et M. Louis en citent quelques exemples. Gardanne a observé que les officiers de marine en étaient fréquemment atteints, parce qu'ils habitaient des chambres nouvellement peintes à chaque embarquement, tandis que les matelots en étaient exempts. Le Dr Corsin, pour avoir couché deux nuits dans une chambre récemment peinte, fut attaqué de maladie saturnine. Après quelques jours de souffrances au ventre, il survint des attaques épileptiformes qui furent suivies et précédées de délire, de coma (encéphalopathie), et le conduisirent rapidement au tombeau. Plusieurs peintres et doreurs sur bois exécutant des travaux au Musée de Versailles, pendant que les croisées étaient fermées, furent atteints de maladie saturnine au bout de quelques jours de travail. L'ouverture des croisées affaiblit la forte odeur de peinture, et on ne vit plus apparaître la maladie chez les doreurs. Un peintre contracta cette affection quatre jours après avoir peint cinquante-quatre caisses de fleurs. M. Trousseau cite un de ses amis, dont l'appartement venait d'être peint en blanc, qui fut pris de coliques excessivement vives avec rétraction du ventre, constipation opiniàtre, suppression totale d'urine. Il crut avoir affaire à une simple névrose gastro-intestinale qu'il traita par les opiacés et les laxatifs. Le mal s'usa. Un an après, son ami fit repeindre son appartement, et les mêmes accidents se déclarèrent avec une véhémence qui mit ses jours en danger. La maladie fut encore méconnue par

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M. Trousseau et par plusieurs praticiens recommandables qu'il avait appelés en consultation. L'opium, la morphine furent administrés à haute dose; mais ce n'est que pendant la convalescence que M. Trousseau reconnut qu'il avait eu affaire à une colique saturnine. Ces erreurs ne sont pas très-rares dans la pratique médicale. Le fait suivant vient à l'appui de cette

assertion.

Observation III. M. D'Argenvilliers, âgé de soixante ans, trèsnerveux, habitant une commune voisine de Mantes, fut pris des symptômes suivants : douleurs aigues dans le ventre qui devenaient plus vives par intervalles et diminuaient par la pression; parois abdominales rétractées; constipation opiniâtre; agitation, surtout pendant les accès de colique; le malade poussait alors des gémissements, changrait sans cesse de position, se tordait dans son lit, etc., éprouvait de l'anxiété; son sommeil était léger. Au bout de quinze jours de souffrance, il commença à maigrir, à perdre ses forces, etc. Les divers moyens prescrits par les médecins, les narcotiques, les bains, les cataplasmes, les lavements émollients, n'apportèrent pas d'amélioration à son état, qui durait depuis quarante-cinq jours. M. D'Angevilliers vint à Paris consulter L'Herminier; celui-ci, après l'avoir examiné attentivement, lui déclara qu'il avait la colique des pein. tres. En effet, le malade raconta que faisant peindre dans sa maison de campagne, il allait de temps en temps voir travailler les ouvriers, que, de plus, il couchait dans une pièce nouvellement peinte. D'après ces renseignements, M. L'Herminier le soumit au traitement de la Charité et il fut guéri en peu de jours (Communiquée à M. Tanquerel, par M. Maigne).

Tous ces faits démontrent suffisamment que les personnes qui travaillent habituellement les préparations plombiques sont exposées pendant quelque temps à leurs émanations, peuvent contracter la maladie saturnine, et cela d'autant plus promptement que ces préparations sont plus faciles a être disséminées dans l'air. Cependant, dans les derniers faits que nous venons de citer, les préparations plombiques étaient incorporées dans des corps gras, visqueux, qui s'opposaient à leur volatilisation. Faut-il admettre que l'essence de térébenthine, en se vaporisant, entraîne avec elle les molécules plombifères : cela est extrême

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