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démontrée pathologiquement depuis bien longtemps, puisque, chez les personnes qui en usent, l'épiderme prend une couleur brune indélébile. Brandes, en 1829, chez un épileptique soumis pendant dix-huit mois à l'usage du nitrate d'argent, et dont la peau, les organes internes, le plexus choroïde, et surtout le pancréas présentaient une couleur brune très-prononcée, retira de ces organes de l'argent métallique. Ce fait, trèsimportant en toxicologie légale, démontrerait que les sels d'argent peuvent se réduire dans nos organes et devenir ainsi inoffensifs pendant longtemps. En est-il de même pour les autres poisons métalliques, moins réductibles que les sels d'argent? Cela est très-probable, si nous nous rappelons que nos tissus peuvent être imprégnés de plomb, et cependant la maladie saturnine ne se déclarer, ne récidiver que des mois, des années après que les individus se sont soustraits à l'influence de la cause. M. Landerel, qui prenait du nitrate d'argent pour combattre l'épilepsie dont il était atteint, observa que son urine se troublait en peu de temps et donnait un dépôt abondant, volumineux, se colorant en noir à la lumière. Il le mit à digérer dans l'ammoniaque, filtra, satura la liqueur par un acide, et obtint du chlorure d'argent. M. Orfila ayant empoisonné des chiens avec 4 ou 6 gram. d'azotate d'argent, a retiré du foie, de la rate, des reins, des urines, 5 à 6 centigr. de chlorure d'argent, en les carbonisant directement par l'acide azotique et le chlorate de potasse. Il chauffe ensuite le charbon avec de l'acide azotique, précipite le nitrate étendu d'eau par l'acide hydrochlorique, et réduit le chlorure par le gaz hydrogène.

Effets toxiques, altérations pathologiques. Malgré les observations, fort incomplètes d'ailleurs, rapportées par les auteurs, et les expériences sur les auimaux, nous sommes bien peu fixés sur les effets et les lésions que développent les sels d'argent. Boerhaave parle d'un jeune élève en pharmacie qui, ayant avalé de la pierre infernale, éprouva des souffrances horribles, et le sphacèle des premières voies. D'après plusieurs auteurs, le nitrate d'argent, donné à dose médicamenteuse, aurait produit des vertiges, une cécité passagère, un flux abon

dant d'urine, des coliques, des superpurgations. Cependant MM. Fouquier, Merat et autres praticiens, ont porte la dose de ce sel à 50, 80 centigr. sans accidents, Son usage prolongé, même à petite dose, communique, comme on sait, une couleur brune-violacée indélébile à la peau. Le nitrate d'argent dissous dans beaucoup d'eau et employé en Augleterre sous le nom d'eau d'Égypte, d'aqua græca, pour colorer les cheveux, aurait l'inconvénient, d'après M. Rygby, de les faire tomber. et, dans quelques cas, d'occasionner des accidents assez graves. A ces faits si tronqués et qui ne peuvent avoir une grande importance toxicologique, nous rapporterons la seule observation assez détaillée qui soit à notre connaissance.

Observation. Le 23 juin 1829, Édouard Lecompte, âgé de 21 ans, est apporté à une heure du matin à l'hôpital Saint-Louis dans l'état suivant perte de connaissance, insensibilité générale, membres supérieurs et muscles de la face agités de mouvements convulsifs, yeux tournés en haut, pupilles dilatées, insensibles à la lumière: måchoires fortement contractées; pouls plein, 70 pulsations. Le comissaire de police apportait dans une fiole le restant de liqueur avec laquelle le malade avait voulu s'empoisonner. L'aspect de cette liqueur, et surtout les larges taches que le malade avait sur les doigts, ne laissèren aucun doute sur la nature de l'empoisonnement. Tous les demi-quarts d'heure un verre de soluté de sel commun (1/2 gros par verre). A trois heures du matin, amélioration sensible; les muscles de la face n'étaient plus agités, les contractions des mâchoires avaient cessé, les pupilles étaient moins dilatées; continuation de l'eau salée. A six heures, insensibilité dans les membres inférieurs, sensibilité obtuse dans les supérieurs, face fortement injectée, douleurs épigastriques très-fortes; même traitement. A huit heures, mêmes symptômes, rien autre de particulier; sensibilité un peu moins obtuse. Le malade, interrogé sur la quantité de poison qu'il a avalée, ne pouvant parler, indique par signe le nombre 8; l'eau salée est remplacée par les boissons émollientes. A midi, la sensibilité a reparu dans toutes les parties du corps; le malade dit avoir pris 8 gros (32 gram,) de nitrate d'argent fondu dans du cassis. A trois heures de l'après-midi, coma profond, difficile à décrire; perte de l'intelligence et de la sensibilité générale, pouls à 90 pulsations. Cet état se prolonge jusqu'à cinq

heures, et le malade passe une nuit assez bonne. Le lendemain 24, à huit heures du matin, même attaque ; à midi, son état est satisfaisant; il se plaint de douleurs épigastriques, mais l'intelligence et la sensibilité ont reparu. Sur le soir, il peut se lever sur son séant et boire sans le secours de personne. Le 25, à huit heures du matin, nouvelle crise, mais bien moins forte; le soir, il s'entretient avec ses camarades. Les jours suivants, le malade, de mieux en mieux, éprouve sculement des douleurs épigastriques un peu fortes jusqu'au 29, jour de sa sortie de l'hôpital.

Le malade, avant son entréc à l'hôpital, gorgé de magnésie, avait éprouvé quelques vomissements. Le 24, après avoir pris un verre de tisane d'orge, vers cinq heures du soir, il eut aussi des vomissements abondants de matières blanches ressemblant à du lait caillé, lesquelles furent malheureusement jetées par l'infirmier. Les draps, les rideaux étaient salis par de larges taches blanches qui noircirent à l'air, dont deux, traitées par l'ammoniaque et le soluté ammoniacal saturé par un acide, donnèrent 0,05 de chlorure d'argent sec (Pommarède, Revue médic., 1829).

Il est fâcheux que l'état antérieur de Lecompte ne soit pas mieux connu, afin de savoir si les effets qu'il a éprouvés sont dus exclusivement au poison. Dans cette hypothèse, le nitrate d'argent agirait différemment des autres poisons inorganiques, puisque les symptômes se sont manifestés par accès, par crises, et non d'une manière continue, et que c'est surtout le système nerveux de la vie de relation qui a été affecté. Les douleurs épigastriques indiquent aussi l'action irritante du poison sur le tube intestinal. L'effet caustique du poison, quoique superficiel, se sera opposé à son absorption, ou bien il aura été expulsé en grande partie par les vomissements; car on ne peut expliquer autrement le rétablissement, après une dose aussi forte. Les expériences sur les chiens démontreraient que le nitrate d'argent est moins actif qu'on ne le pense en général, puisque 2 grammes de ce sel dissous (M. Orfila dit 32 gram.) ne sont point toxiques pour ces animaux; il y a seulement quelques vomissements, de l'abattement, et le rétablissement est prompt. Cette dose est toxique seulement en six jours quand on pratique la ligature de l'œsophage; alors, à l'autopsie, on trouve

la muqueuse gastrique réduite en une sorte de bouillie, et, près du pylore, des escharres d'un blanc grisâtre, semblables à celles que produit la pierre infernale sur les plaies; elles sont noires lorsque celle-ci a été administrée à l'état solide; la musculeuse est d'un rouge-cerise, et évidemment enflammée en plusieurs points. 2 à 10 centigr. de nitrate d'argent dissous, injecté dans la veine jugulaire, produisent de l'anhélation, de la suffocation, des vomissements, des vertiges, des convulsions, de l'abattement et une mort prompte (Orfila). Comme lésion, on peut encore citer la coloration en noir-violacé des doigts, des lèvres, du tube intestinal, etc., et autres parties du

corps.

D'après quelques auteurs, les personnes qui manient l'argent monnayé, les changeurs, les garçons de recette, les employés de banque, etc., seraient exposés à contracter la colique d'argent; mais les faits ne sont pas assez précis à cet égard; d'ailleurs dans les pièces de monnaie, l'argent est allié au cuivre.

Traitement. Comme dans l'observation de Lecompte, donner la dissolution de sel commun, jusqu'à ce qu'on suppose avoir neutralisé le poison, ou que les matières n'offrent plus l'aspect caillebotte; faciliter l'expulsion du poison par le vomissement ou les selles, et ensuite la médecine des indications, puisque nous ne savons que peu de chose sur son mode d'action.

EMPOISONNEMENT PAR LES PRÉPARATIOns d'or.

Le chlorure d'or simple est en aiguilles prismatiques jaunerougeâtres, hygrométriques, à réaction acide; le chlorure d'or et de sodium, en petites massettes cristallines, d'un très beau jaune. Ces deux sels sont inodores, d'une saveur styptique, tachent la peau en pourpre, se décomposent sur les charbons ardents, dégagent de l'acide chlorhydrique et laissent une tache jaune d'or, mêlée à une tache blanche (chlorure de sodium), si c'est avec le dernier sel. Très-soluble dans l'eau, leur soluté jaune, jaune-rougeâtre, précipite: 1o par l'acide sulfhydrique,

en chocolat foncé (sulfure d'or); 2o par l'ammoniaque, en flocons jaune-rougeâtre ou serin (or fulminant), qui, lavé et desséché à une douce chaleur, détonne fortement par un frottement subit, 3° par la potasse, en brun (oxyde d'or), si l'on opère à chaud; 4° par le proto-chlorure d'étain, en pourpre de cassius, si les dissolutions sont moyennement concentrées; 5o par le protosulfate de fer, en brun (or divisé), qui, frotté contre un corps dur, prend l'aspect aurifère; 6o enfin, les solutés de chlorure d'or, chauffés avec de l'acide oxalique se réduisent, et les parois de la capsule sont tapissées d'une couche d'or. Ces trois derniers réactifs sont les plus caractéristiques. Ajoutons que les chlorures d'or ne sont pas précipités par le cyanure jaune de potassium et de fer, et qu'ils donnent par le nitrate d'argent un précipité rougeâtre d'oxyde d'or et de chlorure d'argent. Ce dernier corps peut être séparé par l'ammoniaque qui le dissout seulement, et la liqueur ammoniacale, saturée par un acide, le laisse déposer.

Sels d'or et matières organiques. Toutes les matières organiques liquides ou solides décomposent, réduisent les sels d'or, et donnent des dépôts diversement colorés. La réaction est aussi prompte, aussi complète qu'avec les sels d'argent, et, au bout d'un mois, selon les proportions relatives d'or et de matière organique, il peut ne pas exister d'or dans les parties liquides.

M. Orfila évapore les liqueurs à siccité et carbonise le résidu par l'acide azotique et le chlorate de potasse, page 480. Il agit de même sur les parties solides. Les cendres, mêlées à de l'or métallique, sont lavées à plusieurs reprises avec de l'eau acidulée par l'acide azotique pour dissoudre les sels; la partie indissoute, traitée à chaud par l'eau régale, donne un chlorure qui, filtré, évaporé à siccité, chauffé pendant quelques minutes dans une capsule de porcelaine, laisse de l'or métallique. Il a empoisonné des chiens avec 12 gram. d'hydro-chlorate d'or, a lié l'œsophage et la verge, et a retiré de l'or par le même procédé du foie, de la rate, ainsi que des urines après les avoir évaporées à siccité. Toutes les matières aurifères suspectes, sou

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