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douces, etc., données seules ou incorporées dans un verre des vé-
hicules précédents : du lait pur ou coupé avec parties égales
d'eau: enfin, l'émulsion ordinaire. Ces boissons ont non-seu-
lement pour avantage de faciliter les vomissements, mais en-
core d'invisquer les parois gastro-intestinales, comme le disaient
les médecins anciens, d'affaiblir ainsi l'action locale âcre, irri-
tante de ces poisons, de s'opposer à leur absorption. Les mé-
decins rasoriens préfèrent les boissons huileuses aux boissons.
aqueuses, parce que ces dernieres auraient pour inconvénient
de dissoudre ces poisons, de favoriser leur absorption, et d'ac-
croître par conséquent leurs effets toxiques. Nous accorde-
rions la préférence aux huileux, ou plutôt aux huileux mêlés
aux mucilagineux, parce que, jouissant des propriétés laxatives,
ils auraient pour avantage de provoquer l'expulsion du poison
par les selles. Lorsque le poison a été administré depuis quel-
que temps, lorsqu'il a déjà pénétré dans les intestins, ce qu'in-
diquent les coliques, les douleurs abdominales, les épreintes,
la diarrhée, etc., on donne des lavements émollients, mucilagi-
neux, albumineux ou huileux, composés de même que les
boissons précitées. Ces lavements pourraient être rendus laxa-
tifs
par l'addition de 0 a 60 grammes de manne, de miel com-
mun, de cassonade brute, d'huile de ricin, mème du sul-
fate de soude, de senné. Il nous semble qu'on redoute trop
l'emploi des laxatifs par la bouche, car, lorsque ce sont des
poisons à ne pas produire une constipation opiniâtre, comme
les poisons acides, on provoquerait ainsi plus promptement leur
expulsion par ces deux voies.

20 Contre-poisons. Les boissons, les lavements, composés comme nous l'avons indiqué, peuvent, dans quelques cas, agir comme contre poisons, en se combinant avec les poisons, en les enveloppant, et formant des composés insolubles et inertes: tels sont les liquides albumineux pour les acides, les sels d'étain, de cuivre, de mercure, etc. Il est à désirer qu'on trouve un contre poison capable de neutraliser tous les poisons inorganiques Le savon, selon nous, serait la substance qui pourrait le mieux remplir cette indication générale, puisqu'il trans

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forme en composés insolubles ou neutralise ces poisons, excepté ceux à base de potasse, de soude, d'ammoniaque, d'arsenic. Ce contre-poison, à la portée de tout le monde, peut-être administré sans inconvénient à la dose de 15 à 50 grammes et plus. (Voyez Poisons acides.) Lorsque la substance toxique est connue, on emploie le contre-poison indiqué par l'observation, par l'expérience le chlorure de sodium, pour les sels d'argent et les protosels de mercure; le sulfate de soude, pour les sels de plomb, de baryte; le savon, la magnésie, les carbonates alcalins, pour les poisons acides; les boissons acides, pour les poisons alcalins, etc.

3 Combattre les effets du poison. Comme les effets des poisons minéraux sont locaux et généraux, le traitement se divise en local et général. Cependant ces deux ordres d'effets ne sont pas tellement indépendants les uns des autres pour qu'on puisse les considérer isolément, et quoique, ou plutôt parce qu'ils ne présentent pas la même expression symptômatique, c'est sur leur ensemble qu'on doit asseoir les bases d'une bonne thérapeutique toxicologique.

Les toxicologistes de nos jours ne sont point d'accord sur la thérapeutique de l'intoxication par les poisons minéraux. MM. Orfila et Devergie, ayant égard plutôt à l'action locale. acre, irritante de ces poisons, qu'aux effets généraux, prescrivent le traitement antiphlogistique. Nous ne parlerons pas de la médication diurétique indiquée tout récemment par M. Orfila, parce qu'elle n'a été expérimentée qu'avec quelques poisons et qu'elle n'a pas encore reçu la sanction de l'observation chez l'homme. Les médecins rasoriens, ayant surtout égard aux effets dynamiques ou vitaux, lesquels sont en général de nature hyposthenique, prescriventes médicaments toniquesstimulants. Des expériences sont entreprises par les partisans de ces deux opinions, afin d'apprécier la valeur thérapeutique de ces deux méthodes; mais elles n'apporteront une conviction entière chez les personnes non systématiques, qu'autant que les observations au lit des malades en viendront confirmer les résultats, et nous feront connaître, s'il convient d'a

dopter l'une de ces méthodes, à l'exclusion de l'autre, ou de les marier ensemble. Dans l'état actuel de la science, pour nous diriger dans le traitement de l'intoxication par les poisons inorganiques, nous n'avons que l'analogie symptômatique et le résultat des observations chez l'homme, deux ordres de faits auxquels nous ajoutons autant et plus de confiance qu'aux résultats des expériences sur les animaux.

Pour combattre les effets locaux, après avoir expulsé le poison par les vomissements ou par les selles, après l'avoir neutralisé par le contre-poison, on continue l'usage des boissons émollientes ou lactées, administrées par petites quantités, auxquelles on peut associer quelquefois des fomentations, des bains de même nature. On n'a recours aux antiphlogistiques directs que lorsque l'inflammation est intense, les douleurs vives, etc. On se contente presque toujours de l'application des sangsues sur les parties correspondantes à l'organe souffrant, ou à l'anus. Il faut les appliquer en petit nombre, sauf à les réappliquer de nouveau. Ce n'est que lorsque la réaction générale est très-marquée, que le pouls est plein, développé, fréquent, le système capillaire injecté et le malade bien constitué, qu'on a recours aux saignées générales. Elles doivent être peu abondantes, proportionnées à la force du sujet, à l'intensité de l'inflammation locale et à la réaction générale. En s'écartant de ces règles, on s'expose à favoriser l'absorption du poison, à trop déprimer l'organisme, à enlever aux organes les forces nécessaires pour résister à ses effets meurtriers.

Dans la période hyposthénique, faut-il continuer la médication antiphlogistique, ou bien la remplacer par les toniquesstimulants, comine l'indiquent les médecins rasoriens? L'effet hyposthénisant des poisons minéraux peut dépendre, soit de leur action locale cautérisante ou désorganisatrice, comme cela s'observe dans quelques inflammations ulcéreuses ou gangreneuses du tube intestinal et dans les brûlures profondes, soit de leur absorption et de leurs effets délétères sur le sang, sur les organes centraux, et en particulier sur ceux qui président à l'innervation, à la circulation, soit enfin de ces deux causes

taux,

réunies. Quelle que soit l'opinion qu'on adopte, il est évident que cet effet hyposthénique n'est point en rapport avec la nature âcre, irritante de ces poisons, avec leur effet local, qu'il y a enfin quelque chose de spécial, comme dans les inflammations spécifiques. S'il était démontré que cet état hyposthénique ne dépendît pas de l'intensité de l'inflammation, qu'il résultât, au contraire, de l'action délétère du poison sur le sang, le système nerveux, enfin sur les phénomènes dynamiques ou viil est certain que, pour relever les forces organiques, et en particulier celles de l'innervation et de la circulation, il conviendrait d'employer les toniques-stimulants, pris surtout parmi les aliments liquides, le vin, le bouillon dégraissé, étendus d'eau, auxquels on pourrait joindre, si on le jugeait nécessaire, les infusés aromatiques de café, de thé, des labiées, etc. Ces divers agents seraient administrés par la bouche et par petites quantités, ou plutôt en lavements, si l'ingestion en était pénible, douloureuse. On seconderait l'emploi de ces médicaments par les stimulants externes, les frictions sèches ou alcooliques, l'application des corps chauds, des cataplasmes sinapisés aux extrémités inférieures. Il faudrait graduer ce traitement au degré de l'hyposthénie, le suspendre lorsqu'on aurait relevé les forces organiques, et surtout l'innervation, la circulation et la calorification. Tel est le traitement recommandé par les médecins rasoriens pour combattre l'effet hyposthénisant des poisons minéraux. N'étant nullement systématique, nous dirons qu'en thérapeutique toxicologique il n'y a pas plus de méthode exclusive de traitement qu'en thérapeutique médicale proprement dite, et que, dans la majorité des cas, on est obligé de faire de la médecine symptômatique. Heureux celui qui sait bien interpréter les symptômes, en apprécier la nature, la valeur, remonter enfin à leur cause! Si l'on voulait toute notre pensée, nous dirions qu'un relevé d'un certain nombre d'observations d'empoisonnements par les poisons minéraux, nous a convaincus qu'on avait obtenu autant de guérisons par l'emploi des émollients que par l'emploi des toniques-stimulants, et que, dans la majorité des cas, lorsque le poison a été ex

pulsé, soit naturellement, soit par les secours de l'art, la nature a fait ensuite elle-même tous les frais pour remédier aux accidents qu'il avait développés, et qu'on n'avait en besoin que de la seconder. Il nous serait facile d'étayer ces assertions par le résultat des expériences sur les animaux.

Lorsqu'on a combattu les effets immédiats ou primitifs deş poisons, le traitement est ensuite presque tout hygiénique. 11 ne faut pas trop se håter de donner une alimentation solide on commence d'abord par les aliments lactés, mucilagineux, gélatineux, féculents, et on arrive peu à peu à une nourriture un peu plus substantielle. S'il se manifestait des accidents nerveux, soit pendant les effets primitifs, soit pendant les effets consécutifs, on les combattrait, s'ils ne dépendaient. pas de l'inflammation locale, par les antispasmodiques, les opiacés; ces derniers médicaments, conviennent surtout pour calmer les douleurs qui ont un caractère nerveux, pour procurer un peu de calme, de sommeil aux malades. Nous verrons dans l'empoisonnement par les acides minéraux combien il faut s'astreindre à une diététiqu sévère dans la période des effejs consécutifs.

Pronostic. Le pronostic dans l'intoxication par les poisons minéraux est très-grave, car, s'il existe plusieurs observations de guérison complète, on peut aussi citer beaucoup de cas mortels, ou ayant laissé à leur suite des accidents qui ont persisté pendant très-longtemps, et même pendant toute la vie.

Ces idées générales sur les poisons inorganiques découlent de l'observation rigoureuse des faits. Elles s'appliquent surtout aux poisons les plus importants et le plus souvent employés. Cependant il n'y a pas de règle sans exception, et la connaissance de ces généralités ne doit pas dispenser de l'étude de chaque poison en particulier. En médecine, comme dans les autres sciences, ce n'est que par l'étude approfondie des faits dont elle se compose, et par la comparaison de ces faits entre eux qu'on peut arriver à des données positives; les connaissances ainsi acquises sont à jamais ineffaçables. Accueillons les idées du maître, mais ne les acceptons complétement qu'après les avoir vérifiées ou sanctionnées par notre propre observation.

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