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SECTION 1.

POISONS MÉTALLOIDES.

Quoique l'arsenic soit considéré comme un métalloïde, nous le plaçons parmi les poisons de la 4o section, parce qu'il s'emploie toujours à l'état d'oxyde, de sulfure, de sel; que les moyens de réduction, les recherches chimiques, sont établis d'après les mêmes principes. Le phosphore, l'iode, le brome, le chlore, sont les seuls métalloïdes connus sous le point de vue toxique, et encore, il n'y a guère que le premier qui ait acquis une certaine importance, car depuis 1845, on a observé un assez grand nombre de suicides et surtout d'homicides par les pâtes, les allumettes phosphorées. Les deux premiers sont solides, les deux autres liquides; tous donnent, surtout à chaud, des vapeurs âcres, caustiques, rougissant ou décolorant le tournesol; blanches alliacées et phosphorescentes à l'obscurité, avec le phosphore; violacées et bleuissant le papier amidonné, avec l'iode; rougeâtres ou rutilantes, avec le brôme; jaunes-verdâtres, avec le chlore. Sous l'influence de l'eau, des matières organiques, surtout en présence de la lumière, des alcalis, ils se transforment en hydracides et oxacides; c'est même par suite de cette transformation, ou plutôt en la subissant, qu'ils agissent comme poisons, donnent lieu aux mêmes effets locaux que les acides, et, en raison de cette analogie, ils pourraient être décrits dans la même section. Tous sont absorbés, mais, en général, après avoir subi cette transformation, s'être combinés avec les bases alcalines, être passés à l'état de sel; c'est ordinairement en cet état qu'ils se rencontrent dans les organes, le sang, les urines et autres liquides.

EMPOISONNEMENT PAR LE PHOSPHORE, SES ACIDES.

4o PHOSPHORE. Découvert par Brandt en 4669, il est en

TOME I.

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petits bâtons cylindriques, plus rarement en masses ou en petits grains (phosphore en poudre), translucide, incolore ou opalin, flexible, sécable, fusible dans l'eau à + 44°, volatil à + 290°. Il se colore en rouge à la lumière solaire, en noir, quand il est chauffé à + 70o et refroidi subitement. Conservé dans l'eau aérée, il se couvre d'une couche blanche, opaque (hydrate de phosphore), conserve sa transparence à l'intérieur et devient cassant. Sa densité est de 1,770.

Caractères chimiques. 1° A l'air il donne des vapeurs blanches, alliacées, phosphorescentes à l'obscurité, en passant à l'état d'acides phosphoreux et hypophosphorique. 2o Desséché au papier joseph, déposé sur une capsule et couvert d'une cloche aussi bien desséchée, si on l'enflamme, il brûle avec une lumière très-vive, donne des vapeurs blanches d'acide phosphorique, qui se condensent en flocons neigeux, se dissolvent dans l'eau avec décrépitation, et laisse un disque rougeâtre (oxide rouge de phosphore), insoluble dans ce liquide. 3o Chauffé à 90° et plongé immédiatement dans l'eau froide, le phosphore ne s'enflamme plus à l'air (M. Schroetter).

2o PHOSPHORE ROUGE OU AMORPHE, OXIDE ROUGE. Ce produit, envoyé d'Allemagne, est pulvérulent, de couleur brune briquetée, inodore, non lumineux à l'obscurité, très-peu altérable à l'air. Sur les charbons ardents il s'enflamme, brûle plus lentement que le phosphore, sans répandre d'odeur. Chauffé à l'abri de l'air, il se volatilise en petits globules transparents (phosphore) et en sublimé rouge-orangé, laisse un résidu noir, charbonneux et siliceux, et un peu d'acide phosphorique. A chaud, avec l'acide azotique, il donne, comme le phosphore, de l'acide phosphorique ordinaire ou tri-hydraté.

3o ACIDES DE PHOSPHORE. Le phosphore forme quatre composés acides. Tous, mêlés à du charbon et chauffés fortement dans un creuset de platine ou de Hesse, dont le couvert est muni d'une petite ouverture, ou dans un tube de verre réfractaire, donnent du phosphore qui s'enflamme à l'air. Les acides

phosphoreux et hypophosphorique fournissent, par l'action seule de la chaleur, des vapeurs phosphorescentes. Ils réduisent les sels d'argent qu'ils précipitent en noir, ainsi que les sels d'or, décolorent le persulfate de manganèse, le ramènent à l'état de protosel, retardent l'action décolorante du chlore sur le sulfate d'indigo, sur l'iodure d'amidon (voyez caprès). L'acide phosphorique ordinaire ou tri-hydraté est solide ou liquide, ne précipite pas l'albumine; saturé par la potasse, il précipiteen jaune l'azotate d'argent. L'acide pyrophosphorique ou bi-hydraté précipite l'albumine, en blanc l'azotate d'argent. Ces deux acides donnent, avec les sels de plomb, l'eau de chaux, de baryte, un précipité blanc, soluble dans un excès d'acide et l'acide azotique, quí, chauffés avec du potassium dans un tube sont transformés en phosphure, lequel, au contact de l'eau, dégage du gaz hydrogène phosphoré, spontanément inflammable à l'air.

4o PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES. Le phosphore est insoluble dans l'eau, mais il communique à ce liquide les propriétés des acides phosphoreux et hypophosphorique. Par 30 gram. l'alcool, l'acide acétique contiennent 10 centig. de phosphore; l'éther, l'huile, 20 centig.; l'axonge, 60 centig. Ces préparations, chauffées ou agitées dans l'obscurité, sont phosphorescentes, rougissent le papier tournesol, réduisent les sels d'or, d'argent, décolorent le persulfate de manganèse, retardent la décoloration du sulfate d'indigo, de l'iodure d'amidon par le chlore, propriétés qu'elles doivent à la présence des acidés phosphoreux et hypophosphorique, donnent de l'acide phos phorique par l'acide azotique, le chlore. L'eau, l'acide acétique, l'alcool, l'éther, évaporés, laissent un résidu qui noircit par l'azotate d'argent; les deux derniers sont inflammables, dégagent, vers la fin, des vapeurs blanches, laissent un résidu adhérent aux parois du vase (acide phosphorique), qui rougit le tournesol. Pour constater ce caractère avec l'huile, la pom-made phosphorées, il faut en imprégner un papier et l'enflammer.

5° ALLUMETTES PHOSPHORÉES. Elles se composent d'une pâte formée de phosphore, 20 p.; gomme arabique, 50 p.; chlorate de potasse, 30; bleu de Prusse, 0,5, fixée à l'extrémité d'une allumette soufrée. Elles s'enflamment par frottement; comme elles ont l'inconvénient de déflagrer, de répandre l'odeur sulfureuse, on a remplacé le chlorate par l'azotate de potasse, de plomb, et imprégné le bout de l'allumette d'acide stéarique. On emploie aussi comme colorants le vermillon, le bi-oxyde de plomb. Voici la composition d'une pâte à la colle phosphore, 2,5; colle forte 2,5; eau, 4,5; sable fin, 2; ocre rouge, 0,5; vermillon, 0,1. La colle peut être remplacée par la même quantité de gomme. Les allumettes ainsi que les bougies stéariques brûlent plus longtemps, donnent plus de lumière sans odeur ni déflagration.

6o PATES PHOSPHORÉES. Quoique de composition variable, elles peuvent être considérées comme du phosphore associé à des corps gras et féculents. Ainsi phosphore, 4 p., fondu au bain Marie, dans: eau, 10 p., rendue mucilagineuse par 5 p. de farine, mélangée ensuite dans un mortier avec lard, 5 p.; farine, 750; sucre, 50, et suffisante quantité d'eau pour faire une pâte consistante, qui est divisée en petites boulettes destinées à intoxiquer les souris.

Recherche du phosphore dans les matières organiques.

Le phosphore, qu'il soit administré à l'état solide, comme dans les allumettes, les pâtes, ou en dissolution dans un vehicule, passe peu à peu, au contact de l'air, des matières organiques à l'état d'acides phosphoreux, hypophosphorique et phosphorique qui, en se combinant avec les bases de ces matières, donnent lieu à des phosphates. Il peut donc se rencontrer sous ces quatre états dans les matières alimentaires, celles des vomissements, des déjections, le tube intestinal, etc. Comme l'acide phosphorique, les phosphates font partie constituante des aliments, de nos organes, de nos.

liquides, de la terre, il faut, autant que possible, rechercher ce poison à l'état de phosphore, d'acide phosphoreux et hypophosphorique, parce qu'il ne se rencontre pas ainsi dans les matière qui sont habituellement le sujet des expertises. Les expériences seront comparatives avec des matières vierges de même nature, surtout pour la recherche de l'acide phosphorique, des phosphates.

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A. Recherche du phosphore en nature. 1o Examiner si, dans les matières suspectes, le tube intestinal, sur les parois ou au fond des vases, il n'y a pas de fragments de phosphore, de pâtes, d'allumettes phosphorées, qu'on séparerait par le triage, le lavage. 2o Séparer les parties liquides des solides, en les passant à travers un linge, et les analyser séparément. 3o Etaler par couches les matières solides sur des plaques de verre et s'assurer si à l'obscurité elles ne sont pas phosphorescentes, surtout en les remuant, si elles n'ont pas l'odeur alliacée, caractères qui peuvent manquer, quoiqu'elles contiennent du phosphore. 4° Chauffées ensuite graduellement, elles dégagent des vapeurs blanches, phosphorescentes, alliacées, avec flamme et décrépitation s'il y a du phosphore entier; après, si l'on ajoute un soluté d'azotate d'argent, elles brunissent, noircissent, se couvrent, au bout d'un certain temps, d'une couche ayant l'aspect métallique; elles offrent enfin les caractères des acides phosphoreux et hypophosphorique. 5° Délayées dans l'eau seule ou acidulée d'acide sulfurique, pour saccharifier l'amidon, et chauffées audessus de 44°, le phosphore se liquifie, gagne le fond du vase, se prend, après refroidissement, en un petit bouton translucide, qu'on sépare par décantation. Si c'étaient des allumettes, une pâte phosphorées, la graisse surnagerait; la gomme, la gélatine, le chlorate, l'azotate de potasse dissous par l'eau, seraient séparés par l'alcool qui précipite les deux premières substances, et les sels obtenus par évaporation. Siles matières colorantes, oxyde de plomb, vermillon, etc., se déposaient avec le phosphore, on les isolerait par l'éther qui dissout

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