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disserter encore sur Platon après ce qu'en ont dit Clément d'Alexandrie, Origène, Eusèbe ; Plotin, Porphyre, Iamblique, Proclus; Denys d'Halicarnasse et Maxime de Tyr; Cicéron, Sénèque et Apulée; Dacier, Voltaire, Arnaud, quelques écrivains plus récens, et les derniers éditeurs étrangers. On a trop parlé de Platon : j'ai mis plus de huit années de travaux et de soins à le faire parler lui-même. Comme rien n'est si pénible que des compilations où il faut tout redire sans paraître copier, je traduis la Vie de Platon, par Diogène Laërce, dont j'ai conservé les détails et les précieux monumens sans les discuter. Mais je retranche le sommaire incomplet et obscur de la philosophie Platonicienne; c'est dans le philosophe même qu'on doit en chercher les secrets.

Ajoutons seulement qu'il est temps de revenir à ces nobles pensées qui jadis ont élevé si haut le disciple de Socrate, à ces inspirations du génie, à ces révélations du cœur, que les merveilles de l'esprit ont fait oublier. Nous avons tout approfondi, tout divisé, tout expliqué dans notre nature; l'entendement a sans cesse multiplié ses découvertes: mais la raison paraît s'être enfermée ellemême dans cet ingénieux labyrinthe; moins téméraire, elle est moins céleste, et l'homme, à force d'analyser un point, n'a plus pensé à l'immensité. Que sont devenues les belles et grandes conceptions des sages de l'Orient? Aimez-vous

mieux les subtiles conjectures, les abstractions savantes, les obscurités impénétrables, enfin les systèmes? Bossuet, Malebranche et Platon parlent à l'âme laissez vos docteurs qui raisonnent, et livrez-vous aux prophètes sacrés qui font converser la terre avec les cieux. Nos philosophes regardent en pitié ce qu'ils appellent les rêveries de Platon; mais qui nous donnera des songeurs comme lui? où trouverons-nous ce charme, cette illusion, qui nous entraînent dans le monde enchanté dont il s'environne? O sophistes raisonnables, que ne nous enchantez-vous?

J'ignore si mes faibles essais donneront quelque idée de cette âme noble, sensible, religieuse. Mais je répète qu'il me serait impossible de faire dignement le portrait de Platon. Devais-je même parler de lui? ce n'est pas moi qu'il faut entendre..

AVIS.

Nous avons ajouté à cette seconde édition, revue et corrigée soigneusement, une Histoire abrégée du Platonisme, page 21, un commentaire philologique sur le texte, page 407, et quelques nouvelles notes sur la traduction.

VIE DE PLATON,

PAR

DIOGÈNE LAËRCE.

PLATON naquit à Athènes d'Ariston et de Périctione. La famille de sa mère remontait jusqu'à Solon: Dropide, frère du législateur, eut pour fils Critias, père de Calleschrus; Calleschrus eut deux fils, Critias, un des trente tyrans, et Glaucon; de celui-ci naquirent Charmide et Périctione, mère de Platon, qui descendait de Solon au sixième degré. Or Solon tirait son origine de Nélée, fils de Neptune. On ajoute qu'Ariston rapportait la sienne au même dieu par Codrus, fils de Mélanthe, à qui Thrasyle donne ce dieu pour ancêtre.

Speusippe dans le Souper de Platon, Cléarque dans son Eloge, et Anaxilide au second livre des Philosophes, nous transmettent un bruit qui courait à Athènes. Périctione, disent-ils, dont la beauté enflammait son nouvel époux, lui refusa obstinément le prix de son amour; mais il vit en songe Apollon qui, jusqu'au jour de l'accouchement, lui ordonnait de respecter ses refus. Et cependant Platon naquit, suivant les Chroniques d'Apollodore, dans la quatrevingt-huitième Olympiade, le 7 du mois Thargélion, PENS. DE PLAT.

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VIE

le jour même où les Déliens placent la naissance d'Apollon. Il mourut, dit Hermippe, la première année de la cent-huitième Olympiade, assistant à un repas de noces, à l'âge de quatre-vingt-un ans ; Néanthe dit quatre-vingt-quatre.

Il est donc de six ans moins ancien qu'Isocrate : car Isocrate est né sous l'archontat de Lysimaque, et Platon, sous celui d'Aminias, l'année de la mort de Périclès.

Il était du bourg de Collyte, s'il faut s'en tenir à la Chronologie d'Antiléon; d'autres, comme Favorinus, Mélanges historiques, le font naître à Egine, dans la maison de Phidiadas, fils de Thalès. Ils prétendent que son père, envoyé dans cette île avec d'autres Athéniens pour y former une colonie, ne revint à Athènes qu'au moment où ils furent chassés par les Lacédémoniens, protecteurs des Eginètes. Mais Platon fut Chorège à Athènes, et Dion fit les frais, au rapport d'Athénodore, huitième livre des Promenades.

Platon eut deux frères, Adimante et Glaucon, et une sœur nommée Potone, mère de Speusippe.

On lui donna pour maîtres, dans ses études littéraires, le grammairien Denys, qu'il cite au dialogue des Rivaux, et dans la gymnastique, Ariston d'Argos, qui le nomma Platon à cause de ses larges épaules car on l'avait appelé jusque-là du nom de son aïeul, Aristoclès. Telle est du moins l'opinion d'Alexandre, Successions des philosophes; d'autres voient l'origine de ce nom dans la largeur de son style, d'autres dans celle de son front, et c'est l'avis

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de Néanthe. Quelques-uns disent même, comme Dicéarque, premier livre des Vies, qu'il disputa le prix de la lutte aux jeux Isthmiques. Il s'occupa de peinture; il fit aussi quelques poëmes, d'abord des dithyrambes, ensuite des odes et des tragédies. Sa voix était grêle, disent les Vies de Timothée l'Athé

nien.

On raconte un songe de Socrate : il croyait tenir sur ses genoux un jeune cygne; tout-à-coup les ailes lui naissent, il vole, et fait entendre les plus doux accens. Le lendemain, on amène le jeune Platon au philosophe. Voilà, dit Socrate, le cygne de cette

nuit.

Il avait suivi ses premières leçons philosophiques dans l'Académie, puis dans un jardin près de Colone. (Alexandre, histoire des Successeurs d'Héraclite.) Il n'en voulait pas moins se présenter au concours de la tragédie sur le théâtre de Bacchus. Mais à peine eut-il entendu Socrate, qu'il brûla ses vers en s'écriant:

Viens, dieu du feu! Platon réclame ton secours.

Il avait vingt ans, et il ne quitta plus Socrate. Privé de son maître, il écouta ensuite Cratyle, disciple d'Héraclite, et Hermogène, sectateur de Parménide.

A trente-deux ans, dit Hermodore, il vint à Mégare entendre Euclide avec plusieurs disciples de Socrate; de là il se rendit à Cyrène, où il vit le mathématicien Théodore; de Cyrène, il alla trouver en Italie les Pythagoriciens Philolaüs et Euryte; il

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