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gémissante est enchaînée par ses enfans: tel fut toujours le désir de l'ambitieux.

Il est vrai que ces hommes se font assez connaître, même avant de régner: sans cesse environnés d'une troupe servile, dont rien n'effraie la basse complaisance; prêts à ramper eux-mêmes, à prendre toutes les formes du dévouement quand ils sollicitent, pour les quitter quand ils obtiennent; forcés d'être toujours maîtres ou esclaves, sans avoir un ami, et de traîner une vie pénible loin de la vraie liberté comme de l'amitié véritable; ils n'ont dans l'âme que des perfidies et des crimes. Mais si nous voulons voir le coupable tout entier, mettons-le sur le trône. Qu'un homme, tyran par caractère, devienne souverain; et plus il régnera, plus il sera tyran.

Est-il heureux avec son impitoyable autorité? A mesure qu'il l'étend et qu'il en abuse, il augmente en effet ses tourmens; on a tort de croire à son bonheur. La nation même qu'il opprime n'est-elle pas l'image de l'homme tyrannique, comme la démocratie nous représente le républicain? Il en est ainsi des autres gouvernemens selon qu'ils sont heureux et justes, l'homme a plus ou moins de bonheur et de vertu. Comparons donc l'Etat despotique à la monarchie. Il ne s'agit pas de savoir, puisqu'on ne peut en douter, lequel des deux Etats est le meilleur, mais si le meilleur est le plus heureux. Et ne nous laissons pas

τώμεθα πρὸς τὸν τύραννον ἕνα ὄντα βλέποντες, μηδ ̓ εἴ τινες ὀλίγοι περὶ ἐκεῖνον· ἀλλ ̓, ὡς χρή, ὅλην τὴν πόλιν εἰσελθόντες θέασασθαι, καταδύντες εἰς ἅπασαν, καὶ ἰδόντες, οὕτω δόξαν ἀποφαινώμεθα. Καὶ δῆλον παντὶ, ὅτι τυραννουμένης μὲν οὐκ ἔστιν ἀθλιωτέρα, βασιλευομένης δὲ οὐκ εὐδαιμονεστέρα.

Ἄρ ̓ οὖν καὶ περὶ τῶν ἀνδρῶν τὰ αὐτὰ ταῦτα προκαλούμενος, ὀρθῶς ἂν προκαλοίμην, ἀξιῶν κρίνειν περὶ αὐτῶν ἐκεῖνον, ὃς ἂν δύνηται τῇ διανοίᾳ εἰς ἀνδρὸς ἦθος ἐνδὺς διϊδεῖν, καὶ μὴ, καθάπερ παῖς, ἔξωθεν ὁρῶν ἐκπλήττηται ὑπὸ τῆς τῶν τυραννικῶν προστάσεως, ἣν πρὸς τοὺς ἔξω σχηματίζεται, ἀλλ ̓ ἱκανως διορᾷ· εἰ οὖν οἰοίμην δεῖν ἐκείνου πάντας ἡμᾶς ἀκούειν τοῦ δυνατοῦ μὲν κρι ναι, ξυνῳκηκότος δὲ ἐν τῷ αὐτῷ καὶ παραγεγονότος ἔν τε ταῖς κατ' οἰκίαν πράξεσιν, ὡς πρὸς ἑκάστους τοὺς οἰκείους ἔχει, ἐν οἷς μάλιστά τις γυμνὸς ἂν ὀφθείη τῆς τραγικῆς σκευῆς, καὶ ἐν αὖ τοῖς δημοσίοις κινδύνοις· καὶ ταῦτα πάντα ἰδόντα κελεύοιμεν ἐξαγγέλλειν, πῶς ἔχει εὐδαι μονίας καὶ ἀθλιότητος ὁ τύραννος πρὸς τοὺς ἄλλους; Βούλει οὖν, προσποιησώμεθα ἡμεῖς εἶναι τῶν δυνατῶν ἂν κρῖναι καὶ ἤδη ἐντυχόντων τοιούτοις, ἵνα ἔχωμεν, ὅς τις αποκρινεῖται ἃ ἐρωτῶμεν ;

άθε δή μοι, ὧδε σκόπει τὴν ὁμοιότητα ἀναμιμνησκό μενος τῆς τε πόλεως καὶ τοῦ ἀνδρὸς, οὕτω καθ ̓ ἕκαστον ἐν μέρει ἀθρῶν, τὰ παθήματα ἑκατέρου λέγε. Πρῶτον μὲν, ὡς πόλιν εἰπεῖν, ἐλευθέραν ἢ δούλην τὴν τυραννουμέ νην ἐρεῖς; Ως οἷόν τε μάλιστα δούλην. Καὶ μὴν ὁρᾷς γε ἐν αὐτῇ δεσπότας καὶ ἐλευθέρους. Ὁρῶ σμικρόν γέ τι τοῦτο

éblouir par le magnifique appareil du tyran et de sa cour interrogeons tout son empire; que rien ne nous échappe; c'est d'après nos yeux qu'il faut juger. Il est clair que nous verrons toutes les calamités sous la tyrannie, et le bonheur sous la royauté.

Ne soyons pas moins scrupuleux pour juger l'homme lui-même; n'en croyons que la parole de l'observateur dont l'œil pénétrant sait voir jusqu'au fond de l'âme, et qui, sans s'arrêter comme un enfant aux vains dehors, ose examiner l'homme à travers ce nuage de faste et d'orgueil où il voudrait se cacher. O philosophe qui que tu sois, dont le sort fut de vivre avec un tyran, et qui peux nous instruire de sa destinée; toi qui l'as étudié de près, et dans les crises politiques, et surtout dans l'ombre de sa vie privée, où tu l'as vu dépouillé de ses habits de théâtre; dis-nous ce que tu penses du bonheur qu'on trouve au despotisme? Mais nous-mêmes, supposons que c'est à nous de juger, que nous avons vu de tels hommes, et que nous pouvons répondre.

Alors, suivant notre règle, que tout gouvernement n'est que l'image d'un caractère, commençons par chercher les rapports du caractère tyrannique et du peuple qu'un tyran gouverne. Et d'abord ce peuple est-il libre ou asservi? Il est asservi comme le dernier des esclaves: si vous en exceptez quel

τὸ δὲ ὅλον, ὡς ἔπος εἰπεῖν, ἐν αὐτῇ καὶ τὸ ἐπιεικέστατον ἀτίμως τε καὶ ἀθλίως δοῦλον. Εἰ οὖν ὅμοιος ἀνὴρ τῇ πόλει, οὐ καὶ ἐν ἐκείνῳ ἀνάγκη τὴν αὐτὴν τάξιν ἐνεῖναι, καὶ πολλῆς μὲν δουλείας τε καὶ ἀνελευθερίας γέμειν τὴν ψυ χὴν αὐτοῦ; καὶ ταῦτα αὐτῆς τὰ μέρη δουλεύειν, ἅπερ ἦν ἐπιεικέστατα, σμικρὸν δὲ καὶ τὸ μοχθηρότατον καὶ μανι κώτατον δεσπόζειν ; Τί οὖν ; δούλην ἢ ἐλευθέραν τὴν τοιαύτην φήσεις εἶναι ψυχήν ; Δούλην δή που. Ούκουν ἤ γε αὖ δούλη καὶ τυραννουμένη πόλις ἥκιστα ποιεῖ, ἃ βούλεται ; Πολύ γε. Καὶ ἡ τυραννουμένη ἄρα ψυχὴ ἥκιστα ποιήσει · ἃ ἂν βουληθῇ, ὡς περὶ ὅλης εἰπεῖν ψυχῆς· ὑπὸ δὲ οἴστρου ἀεὶ ἑλκομένη βίᾳ, ταραχῆς καὶ μεταμελείας μεστή ἔσται. Πῶς γὰρ οὔ ; Πλουσίαν δὲ, ἢ πενομένην ἀνάγκη τὴν τυ ραννουμένην πόλιν εἶναι; Πενομένην. Καὶ ψυχὴν ἄρα τυραννικὴν, πενιχρὰν καὶ ἄπληστον ἀνάγκη ἀεὶ εἶναι. Οὕτως. Τί δέ ; φόβου γέμειν ἆρ ̓ οὐκ ἀνάγκη τήν γε τοιαύτην πόλιν, τόν τε τοιοῦτον ἄνδρα; Πολύ γε. Οδυρμούς δὲ καὶ στεναγμοὺς καὶ θρήνους καὶ ἀλγηδόνας οἴει ἔν τινι ἄλλῃ πλείους εὑρήσειν ; Οὐδαμῶς. Ἐν ἀνδρὶ δὲ ἡγεῖ τὰ τοιαῦτα ἐν ἄλλῳ τινὶ πλείω εἶναι, ἢ ἐν τῷ μαινομένῳ ὑπὸ ἐπιθυμιῶν τε καὶ ἐρώτων τούτῳ τῷ τυραννικῷ;

Εἰς πάντα δὴ, οἶμαι, ταῦτά τε καὶ ἄλλα τοιαῦτα ἀποβλέψας, τήν γε πόλιν τῶν πόλεων αθλιωτάτην ἔκρινας. Καὶ μάλα· ἀλλὰ περὶ τοῦ ἀνδρὸς αὖ τοῦ τυραννικοῦ τί λέγεις, εἰς ταυτὰ ταῦτα ἀποβλέπων ; Μακρῷ ἀθλιώτατον εἶναι τῶν ἄλλων ἁπάντων. Τοῦτο οὐκέτ ̓ ὀρθῶς λέγεις· οὔπω, οἶμαι, οὗτός ἐστιν ὁ τοιοῦτος μάλιστα· ὅδε ἴσως σοὶ ἔτι δόξει εἶναι τούτου αθλιώτερος, ὃς ἂν, τυραννικός

c'est

ques chefs qu'on peut croire libres, les autres citoyens, surtout les bons, vivent chargés de fers et gémissent déshonorés. L'homme qui a la tyrannie dans le cœur est donc nécessairement enchaîné comme les victimes d'un maître absolu, et toute son âme est la proie de l'esclavage; ou si une partie d'elle-même commande encore, la raison qui cède à la bassesse, au crime, à la fureur : est-ce là, croyez-vous, la liberté ? est-il une plus infâme servitude? L'Etat despotique ne fait point ce qu'il veut; l'âme gouvernée comme lui n'est donc pas maîtresse de sa volonté; mais, entraînée au gré des passions qui l'aiguillonnent, elle court dans l'abîme où l'attend le repentir. Une nation est pauvre sous un tyran; l'âme tyrannisée sera pauvre aussi, et rien n'assouvira ses besoins. L'une et l'autre seront tourmentées de continuelles alarmes. Enfin, où trouverez-vous plus de sanglots, de plaintes, de gémissemens et de souffrances, que chez ce peuple esclave, et dans le cœur de cet homme, misérable jouet de ses vices et de sa folie?

En contemplant ces maux et tant d'autres encore, vous vous êtes dit : Voilà le plus malheureux des gouvernemens, voilà le plus malheureux des hommes. Cependant il est encore une plus grande infortune que la sienne, celle de l'homme qui avec la tyrannie des passions dans le cœur, trouve des sujets et un trône pour exercer la ty

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