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qu'il resterait Platonicien (1). Un autre Chrétien de ce siécle, Némésius, évêque d'Emésa en Phénicie, adopta aussi les dogmes Socratiques dans son excellent traité sur la Nature de l'homme, attribué autrefois à Grégoire de Nysse, frère de Saint Basile. Malgré les décrets des conciles, Théodoret, savant interprète de la foi, enrichit des idées sublimes du philosophe ses douze Discours contre le culte des idoles. La philosophie, ou la raison naturelle, passait alors dans les rangs de ces pontifes, qui, après avoir applaudi long-temps ses leçons éloquentes dans les gymnases d'Alexandrie, la servaient encore en attaquant par tout l'univers les derniers appuis, non de cette raison éternelle et sacrée, mais des vicilles superstitions.

Macrobe, appelé chrétien par les uns, païen par les autres, commentait, vers ce temps-là, le Songe de Scipion, où il retrouvait sans cesse le dixième livre de la République; mais ce compilateur n'a pas toujours entendu ce qu'il transcrit.

Il y a aussi des traces de Christianisme dans Ammien Marcellin, Symmaque, Ausone, Claudien, disciples de la philosophie Alexandrine. Thémistius avait déjà donné l'exemple d'un tel mélange : il fallait bien qu'un homme, également favorisé par Constance et par Julien, ne fût ni tout-à-fait païen, ni sectateur de la religion nouvelle. Symmaque, sous Théodose, nous explique cette neutralité politique, si commune alors, et non moins commune depuis. Il dit au jeune Valentinien, dans sa requête pour l'autel de la Victoire : « Il est juste de penser que nous

(1) Et marié, suivant Evagrius, Hist. Eccl. I, 15; Photius, Cod. 26; mais ce point difficile n'est pas de notre sujet. Assez d'autres l'ont discuté, Luc Holsténius, Fleury, Tillemont, Lacroze, Brucker, Malleville, etc.

PENSEÉS DE PLATON.

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n'avons tous qu'un seul objet de culte; nous contemplons les mêmes astres; le même ciel éclaire tant de peuples; le même monde nous environne. Qu'importe par quel système on cherche la vérité? Un seul chemin peut-il conduire à ce grand mystère (1)? » Scepticisme d'un ambitieux, qui trouve toujours quelque raison pour ne pas contredire le souverain : ce n'est point là le raisonnement des martyrs. Ainsi, quand la cour d'Angleterre, de 1534 à 1558, changea quatre fois de religion, les consciences. faibles ne purent sans doute se défendre de l'incertitude ai même de l'indifférence. Heureuses les nations, quand l'athéisme, avec sa corruption et ses crimes, ne vient pas les punir de s'être fait une religion de courtisans!

Cependant quelques hommes généreux et sages relevèrent peu-à-peu dans Athènes les ruines de l'Académie, trop long-temps dédaignées par les sophistes qui remplissaient le palais de Julien. Plutarque l'Athénien et son élève Syrianus, d'Alexandrie, commencent sous de funestes auspices cette nouvelle et dernière chaîne de Platoniciens. Ce n'était plus le temps où la Grèce victorieuse accourait aux entretiens de Socrate et de ses amis. Alaric venait de ravager Athènes : comment le barbare eût-il épargné les jardins de Platon, détruits autrefois par Sylla? Le génie de Stilicon n'avait pu délivrer l'univers de ce fléau qui déjà menaçait l'Italie; les fils de Théodose laissaient tomber Rome et sa gloire; Claudien chantait ces faibles princes dans une langue dégénérée ; la ville de Constantin ne connaissait plus que la flatterie, les jeux du cirque,

(1) Epist. X, 54. Thémistius parle à-peu-près de même, Orat. XVII, p. 414, edit. Petav. 1613. Maxime de Madaure fait la même réponse à St. Augustin, ap. August. Ep. XVI, t. II, p. 15. Ammien, Synımaque, etc., sont bien jugés par Mosheim, De turbata per recent. Platonic. Ecclesia, c. 30 sqq. p. 29.

les défaites le culte de la philosophie et des nobles pensées va jeter un dernier éclat sur ce malheureux empire.

Le paganisme s'était reconnu vaincu depuis la mort de Julien ; les miracles deviennent plus rares dans l'histoire des philosophes; la doctrine primitive est moins altérée par l'envie d'étonner et de subjuguer les peuples.

Proclus de Byzance, surnommé tantôt diadochus, c'est-à-dire, successeur désigné de Syrianus son maître, tantôt le Lycien, de l'origine de sa famille, nous semble le premier ou du moins le plus utile de tous les Néo-Platoniciens dont nous connaissons les ouvrages. Quand on étudie les monumens originaux de l'école Socratique, on se félicite de l'avoir pour guide. Formé dès son jeune âgé par les savans d'Alexandrie, il les surpassa tous. Son commentaire sur le Timée, un des plus riches trésors de l'ancienne philosophie, ouvrage écrit à vingt-huit ans, sa Théologie de Platon, ses explications de la République, du premier Alcibiade, du Parménide, attestent encore aujourd'hui l'étendue et la variété de son instruction, l'ordre et la clarté de son esprit. Initié à tous les mystères de l'Egypte et de l'Orient, il épura l'Eclectisme; et l'intégrité de ses mœurs, son zéle pour la vérité, la noblesse de son caractère, le mirent à l'abri des reproches qu'on a justement faits aux suppôts de la théurgie, Apollonius, Iamblique, Maxime d'Ephèse. Ne confondons avec eux ni Plotin, qui eut de l'élévation, de grandes idées, une imagination religieuse; ni Proclus, qui, avec moins de sublimité, mais plus de science, de méthode, de sagesse, embrassa tout le cercle des connaissances et des incertitudes humaines.

Marinus, de Sichem ou Flavia-Néapolis en Palestine, successeur de Proclus vers 485, nous a laissé une vie

trop fabuleuse de son maître. Il l'intitule, Proclus ou du Bonheur. Ce titre ne peut convenir qu'à la Vie d'un vrai philosophe. Il ne fallait donc pas qu'elle fût écrite par un fourbe ou par un sot. Mais quelle est la bonne foi de Brucker, qui juge le savant interprète du Platonisme sur les inepties de son biographe ou les préventions de quelques modernes, et non sur ses écrits, qu'il semble à peine connaître? Est-ce là le devoir d'un historien de la philosophie?

Parmi les ouvrages perdus des nombreux auditeurs de Proclus, nous devons regretter surtout celui d'Asclepiade, de l'Accord de toutes les religions. Mais il nous reste des fragmens curieux, soit imprimés, soit manuscrits, d'Isidore et de Damascius, successeurs de Marinus dans l'école d'Athènes, et les derniers "interprètes publics de ⚫ la philosophie réformée par Ammonius.

Hiéroclès d'Alexandrie, contemporain de Proclus, et qu'il faut distinguer, quoi que prétende l'auteur des Martyrs, de ce préfet de Bithynie, complice de la persécution sous Dioclétien, avait renouvelé de son côté, dans sa patrie, la gloire de l'école Egyptienne. Dans son livre sur la Providence, dont Photius nous a conservé des fragmens, il prouvait que le Timée enseigne un Dien créateur. Nous avons encore son Commentaire sur les Vers dorés, recueil précieux de traditions morales et théologiques, qui, par cet ouvrage, se sont perpétuées jusqu'à nous.

Vers 480, son disciple Enéas de Gaza, Chrétien, avait publié le dialogue Platonique admis dans la collection des Pères de l'Eglise, Théophraste, ou sur l'immortalité de l'âme et la résurrection. Il reproche déjà aux Alexandrius leur insouciance pour l'étude et l'instruction: ils durent moins regretter, en 64o, leur bibliothèque brûlée

par les Sarrazins. On peut comparer à quelques parties de ce dialogue le livre d'un autre Platonicien, Zacharie, évêque de Mitylène, contre les Manichéens, et son Dialogue contre l'éternité du monde.

Enfin, Olympiodore, différent sans doute du concitoyen et de l'ami d'Hiéroclès, fit paraître à une époque incertaine sa Vie de Platon, son commentaire sur le premier Alcibiade, et d'autres commentaires qui sont encore inédits. La plupart des Scholiastes, le lexique de Timée, les Notes publiées par Ruhnken et Wyttenbach, sont peut-être du sixième siècle.

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Constantin avait le premier fermé l'Académie; Justinien, à son exemple, frappa d'un coup terrible les restes du Platonisme, qui survivait seul à la philosophie vaincue. Isidore, Damascius, Simplicius, Hermias, Diogène, se dérobèrent à la persécution par l'exil. Nouschirvan, roi de Perse, nommé Chosroës par les historieus Byzantins, et qui avait fait traduire Platon en persan, suivant Agathias, n'accueillit pas, comme il l'avait promis, les héritiers de ce grand nom. Ils ne trouvèrent plus de Julien.

Du septième au quinzième siècle, Platon est presque onblié dans l'Europe. Léon l'Isaurien, au lieu de rendre un asyle aux philosophes, brûlait leurs livres et leurs maisons, parce qu'ils n'étaient pas iconoclastes. Quoique Michel Psellus, né l'an 1020, ait écrit sur les Démons, il a plus souvent commenté Aristote, et il doit être regardé comme Péripatéticien. Aristote, protégé par les Arabes, régnait déjà dans tout l'Orient,

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