7 n'avons lous qu'un seul objet de culte; nous contemplons les mêmes astres ; le même ciel éclaire tant de peuples ; le même monde nous environne. Qu'importe par quel système on cherche la vérité ? Un seul chemin peut-il conduire à ce grand mystère (1)? » Scepticisme d'un ambitieux, qui trouve toujours quelque raison pour ne pas contredire le souverain : ce n'est point là le raisonnement des martyrs. Ainsi, quand la cour d'Angleterre , de 1534 à 1558, changea quatre fois de religion, les consciences faibles ne purent sans doute se défendre de l'incertitude jui même de l'indifférence. Heureuses les nations, quand l'athéisme, avec sa corruption et ses crimes, ne vient pas les panir de s'être fait une religion de courtisans ! Cependant quelques hommes généreux et sages relevèrent peu-à-peu dans Athènes les ruines de l'Académie, trop long-temps dédaignées par les sophistes qui remplissaient le palais de Julien. Plutarque l'Athénien et son élève Syrianus, d'Alexandrie, commencent sous de funestes auspices cette nouvelle et dernière chaîne de Platoniciens. Ce n'était plus le temps où la Grèce victorieuse accourait aux entretiens de Socrate et de ses amis. Alaric venait de ravager Athènes : comment le barbare' eût-il épargné les jardins de Platon, détruits autrefois par Sylla? Le génie de Stilicon n'avait pu délivrer l'univers de ce fléau qui déjà menaçait l'Italie ; les fils de Tbéodose laissaient tomber Rome et sa gloire ; Claudien chantait ces faibles princes dans une langue dégénérée ; la ville de Constantin ne connaissait plus que la flatlerie, les jeux du cirque, (1) Epist. X, 54. Thémistius parle à-peu-près de même, Orat. XVII, p. 414, edit. Petav. 1613. Maxime de Madaure fait la même réponse à St. Augustin , ap. August. Ep. XVI, t. II, p. 15. Ammien , Synımaque , etc. , sont bien juges par Mosheim, De turbala per recent. Platonic. Ecclesia, c. 30 sqq. p. 29. les défaites : le culte de la philosophie et des nobles pensées va jeter un dernier éclat sur ce malheureux empire. Le paganisme s'était reconna vaincu depuis la mort de Julien ; les miracles deviennent plus rares dans l'histoire des philosophes; la doctrine primitive est moins altérée par l'envie d'étonner et de subjuguer les peuples. Proclus de Byzance , surnommé tantôt diadochus , c'est-à-dire, successeur désigné de Syrianus son maître, tantôt le Lycien , de l'origine de sa famille, nous semble le premier ou du moins le plus utile de tous les Néo-Platoniciens dont nous connaissons les ouvrages. Quand on étudie les monumens originaux de l'école Socratique, on se félicite de l'avoir pour guide. Formé dès son jeune âge par les savans d'Alexandrie, il les surpassa tous. Son commentaire sur le Tömée , un des plus riches trésors de l'ancienne philosophie, ouvrage écrit à vingt-huit ans, sa Théologie de Platon, ses explications de la République, du premier Alcibiade , du Parménide, attestent encore anjourd'hui l'étendue et la variété de son instruction, l'ordre et la clarté de son esprit. Initié à tous les mystères de l'Egypte et de l'Orient, il épura l’Eclectisme; et l'intégrité de ses meurs, son zéle pour la vérité, la noblesse de son caractère, le mirent à l'abri des reproches qu'ont a justement faits aux suppôts de la théurgie, Apollonius, Iamblique, Maxime d'Ephèse. Ne confondons avec eut ni Plotin, qui eut de l'élévation, de grandes idées, une imagination religieuse; ni Proclus, qui, avec moins de sublimité, mais plus de science, de méthode, de sagesse, embrassa tout le cercle des connaissances et des incertitudes humaines. Marinus , de Sichem ou Flavia-Neapolis en Palestine, successeur de Proclus vers 483 , nous a laissé une vie 7 trop fabuleuse de son maître. Il l'intitule, Proclus ou du Bonheur. Ce titre ne peut convenir qu'à la Vie d'un vrai philosophe. Il ne fallait donc pas qu'elle fût écrite par un fourbe ou par un sot. Mais quelle est la bonne foi de Brucker, qui juge le savant interprète du Platonisme sur les ineplies de son biographe ou les préventions de quelques modernes, et non sar ses écrits , qu'il semble à peine connaître ? Est-ce là le devoir d'un historien de la philosophie ? Parmi les ouvrages perdus des nombreux auditeurs de Proclus, nous devons regretter surtout celui d'Asclepiade, de l'Accord de toutes les religions. Mais il nous reste des fragmens curieux, soit imprimés, soit manuscrits, d'Isidore el de Damascius, successeurs de Marinus dans l'école d'Athènes, et les derniers 'interprètes publics de . la philosophie réformée par Ammonius. Hiéroclès d'Alexandrie, contemporain de Proclus, et qu'il faut distinguer, quoi que prétende l'auteur des Martyrs, de ce préfet de Bithynie, complice de la persécution sous Dioclétien, avait renouvelé de son côté, dans sa patrie, la gloire de l'école Egyptienne. Dans son livre sur la Providence , dont Photius nous a conservé des fragmens, il prouvait que le Timée enseigne un Dieu créateur. Nous avons encore son Commentaire sur les V'ers dorés , recueil précieux de traditions morales et ihéologiques, qui, par cet ouvrage, se sont perpétuées jusqu'à nous. Vers 480, son disciple Enéas de Gaza, Chrétien, avait publié le dialogue Platonique admis dans la collection des Pères de l'Eglise, Théophraste , ou sur l'immortalité de l'âme et la résurrection. Il reproche déjà aux Alexandrios leur insouciance pour l'élude et l'instruction : ils durent moins regretter, en 640, leur bibliothèque brûlée par les Sarrazins. On peut comparer à quelques parties à de ce dialogue le livre d'un antre Platonicien , Zacharie, évêque de Mitylene, contre les Manichéens , et son Dialogue contre l'éternité du monde. Enfin, Olympiodore, different sans doute du concitoyen et de l'ami d'Hiéroclės, fit paraître à une époque incertaine sa Vie de Platon, son commentaire sur le premier Alcibiade, et d'autres commentaires qui sont encore inédits. La plupart des Scholiastes, le lexique de Timée, les Notes publiées par Ruhnken et Wyttenbach , sont peut-être du sixième siècle. Constantin avait le premier fermé l'Académie; Justinien, à son exemple, frappa d'un coup terrible les restes du Platonisme, qui survivait seul à la philosophie vaincue. Isidore, Damascius, Simplicius, Hermias, Diogène, se dérobèrent à la persécution par l'exil. Nouschirvan, roi de Perse, nommé Chosroës par les historiens Byzan-. tins, et qui avait fait traduire Plalon en persan, suivant, Ayathias, n'accueillit pas, coinme il l'avait promis, les héritiers de ce grand nom. Ils ne trouvèrent plus de Julien. Du septième au quinzièine siècle, Platon est presque onblié dans l'Europe. Léon l'Isaurien, au lieu de rendro un asyle aux philosophes, brûlait leurs livres et leurs maisons , parce qu'ils n'étaient pas iconoclastes. Quoique Michel Psellus, né l'an 1020, ait écrit sur les Démons, il a plus souvent commenté Aristote , et il doit être regardé comme Péripatéticien. Aristote, protégé par les Arabes, régnait déjà dans tout l'Orient. 7 CHAP. V. Moyen áge, Académie de Médicis. 7 Je laisse à de plus savans que moi le soin de démêler ca qu'il peut y avoir de Platonismc dans les rêveries talmu у diques et cabbalistiques, dans les hérésies de Valentin et d'Arius, dans les livres des Orientaux modernes. Qu'il suffise de rappeler que le Talmud et le Jésirah sont remplis d'imaginations bizarres, attibuées long-temps à Pythagore ou à Platon, et qu'au treizième siècle la vénération du peuple d'Israël pour ces anciens sages était encore si profonde, que le rabbin Joseph Aben Caspi commentait la République. Il est inutile aussi de prouver combien ļes Eons de Valentin et la Trinité d'Arius ressemblent anx opinions Alexandrines. Contentons-nous, enfin, d'indiquer en passant le souvenir conservé jusqu'à nous d'une traduction de la République et des Lois, faite en arabe, au commencement du neuvième siècle, par l'ordre du khalise Almamoun, dont le génie philosophique et littéraire, gloire immortelle de la dynastie des Abbasides, semblait reprocher à notre Occident son ignorance et ses ténébres; le commentaire inédit sur la République, de Thograi d'Ispahan, mort vers 1121 ; l'Homme instruit par lui-même, célèbre ouvrage de Tophail de Séville, admiré par Averrhoës son contemporain, analysé par Leibnitz, traduit dans plusieurs langues de l'Europe, et où l'Aristotélisme des Arabes fait souvent place aux hardiesses de l'enthousiasme et aux révélations de la conscience; la paraphrase qu’Averrhoës lui-même fit de la République, non sur le texte qu'il n'entendait pas , |