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MELLIN DE S. GELAIS. ÉPIGRAMMES. - Pour me naurer, son fort arc enfonça : Mais de malheur sa flesche m'offença Au propre lieu où Amour mit la sienne; Et, sans entrer, seulement avança Le traict d'Amour en la playe ancienne.

AUTRE.

NULLE amitié, soit de Dicu ou des hommes,
Ne prend ailleurs qu'en nos cœurs fondement;
Et le désir, selon ce que nous sommes
Passe bientost, ou dure longuement.

Si donc un ferme et bon entendement
Prend à servir Dieu, ou les damoiselles,
Il continue à aymer luy ou elles,

Et l'inconstant aime sans seureté :
Mais nous donnons à Cupido des aisles,
Pour excuser nostre légèreté.

PLAINTE

SVR LA MORT DE SYLVIE.

RVISSEAU
VISSEAU qui cours après toy-mesme

Et qui te fuis toy-mesme aussi,

Arreste vn peu ton onde icy,

Pour escouter mon deuil extrême :

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Puis quand tu l'auras sceu, va-t'en dire à la mer, Qu'elle n'a rien de plus amer.

Et

que

RACONTE-LUX comme Syluie,
Qui seule gouuernoit mon sort,
A reçeu le coup de la mort
Au plus bel âge de la vie ;

cet accident triomphe en mesme iour
De toutes les forces d'Amour.

LAS! ie n'en puis dire autre chose, Mes souspirs tranchent mon discours : Adieu, Ruisseau, reprends ton cours, Qui non plus que moy ne repose : Que si par mes regrets i'ay bien peu t'arrester, Voylà des pleurs pour te haster.

INCONSTANCE.

ON

N deuroit bien trouver estrange
Que ma muse n'ait mis au iour
Quelque œuure digne de louange
Sur le sujet de mon amour :
le m'en estonnerois moy-mesme;
Mais dans mon inconstance extresme,
Qui va comme vn flus et reflus,
Je n'ay pas sitost dit que l'ayme,
Que ie sens que ie n'ayme plus.

IL est uray que ie sçay bien feindre,
Et qu'il n'est esprit si rusé,

Lorsque ma bouche se veut plaindre,
Qui ne s'en trouuast abusé.

Mon cœur, plein d'infidèles charmes,
N'espargne ni souspirs, ny larmes
Pour essayer d'y paruenir;
Et mes paroles sont des armes
Contre qui rien ne peut tenir.

ÉPIGRAMMES.

SUR VN PORTRAICT DV. ROY.

Icy l'art passe la nature,

Puisque par cette portraicture,

Dont tous les yeux sont esblouys,
Il a fait vn autre Louys :
Pour moy ie pense qu'il aspire
A faire que, sans mescontens,
On puisse voir dans cet empire
Viure deux roys en mesme-temps.

AUTRE.

THIBAUT se dit estre Mercure,
Et l'orgueilleux Colin nous iure
Qu'il est aussi bien Apollon
Que Boccan est bon violon.
Ces deux auteurs pour la folie,
La fraude, la mélancholie,
La sottise, l'impiété,
L'ignorance et la vanité,

Ne sont rien qu'vne mesme chose:
Mais en ce poinct ils sont divers;
C'est que l'un fait des vers en prose,
Et l'autre de la prose en vers,

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AUTRE, sur l'incendie du Palais de Justice.

CERTES, l'on vit vn triste jeu,
Quand à Paris dame Iustice,
Pour auoir trop mangé d'espice,
Se mit tout le palais en feu.

AUTRE

VN poëte à la douzaine
Se vantoit impudemment,
Me discourant de sa veine,
Qu'il escriuoit doucement:
Moy que la raison oblige
A l'en rendre mieux instruit,
Quy, si doucement, luy dis-je,
Que tu ne fais point de bruit.

POÉSIES DIVERSES.

ЁРІТАРНЕ.

Cx gist dans cette triste fosse
Le corps du pauure Iambedosse,
Qui par un vent traistre et malin
Fut écrasé dans vn moulin,

Cù, voulant son blé faire moudre,
Luy-mesme il fut réduit en poudre:
Et quoy qu'innocent auoué,
Très malheureusement roué.

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