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CHAPITRE V.

Campagne de 1813 à 1814. Abdication de Napoléon.

MoN plan ne me permet de parler que trèsbrièvement des évènements de cette campagne; mais je dois remarquer que le 11 février 1814, le marquis de Wibranges, à la tête de la dépu→ tation de la ville de Troyes, demanda à l'empereur Alexandre le rétablissement de la maison de Bourbon. Ce prince, dans sa réponse, parla de consulter l'opinion publique, et dit ces paroles:

« Nous ne venons pas pour donner nous-mêmes << un roi à la France. Nous voulons connaître ses «< intentions, c'est à elle à se prononcer, mais

<< hors de notre ligne militaire; car il importe « qu'on ne croie pas que l'opinion a pu être in«<fluencée par la présence des armées. »

Le marquis de Wibranges répondit avec autant de raison que de dignité. Il parla de la crainte qu'inspirait Napoléon, et de l'impossibilité de se prononcer, tant qu'on n'aurait pas la certitude d'être appuyé par les alliés. Il représenta le danger d'engager ainsi les peuples à changer à volonté la dynastie de leurs souverains. Il réclama les droits de la légitimité. Les idées contraires répandues dans toute l'Europe par la révolution française, avaient germé dans les têtes mêmes des souverains. Ils fléchissaient devant ce qu'ils appelaient aussi l'opinion publique, expression vide de sens dans un vaste pays habité par un peuple nombreux, car il est impossible de la constater.. Les souverains montrèrent, pendant toute cette campagne, une résolution décidée de ne pas reconnaître les Bourbons. Après cette réponse de l'empereur Alexandre, et les tentatives que firent les alliés pour conclure la paix, tentatives que j'aurai soin de rappeler, comment peut-on dire et répéter touts les jours cette phrase mensongère : Les Bourbons sont revenus à la suite des bagages de l'armée! Montesquieu a eu bien raison de dire: "Il est des choses qu'on répète toujours,

<< uniquement parce qu'elles ont été dites une « fois. » Les Bourbons ne furent cause ni des désastres de Moscou et de la perte de la plus belle armée, ni de la défaite de Leipzick, ni des derniers revers de la campagne que je décris, ni de l'abdication de Napoléon. Tout cela fut l'ouvrage du seul Napoléon. Lui seul a creusé l'abîme où il s'est englouti, comme touts les princes qui, une fois assis sur le trône, n'en sont jamais tombés, et n'en peuvent tomber, que par leurs propres fautes.

Les alliés ne parlèrent des Bourbons dans aucune de leurs proclamations. Tels furent les évènements, et telle fut la conduite des princes alliés, que si Bonaparte avait eu plus de sagesse et de modération, il serait resté sur le trône de France. Les alliés furent souvent prêts à traiter avec lui. Il eut une occasion favorable, après la victoire de Montmirail. Il fit alors les manœuvres les plus hardies; il écrasa le corps russe commandé par le général Sacken. Le prince Guillaume de Prusse se trouva dans un péril imminent. Bonaparte attaqua ensuite l'armée du feld-maréchal Blücker, qui se retira sur Châlons. On ne cessa de combattre pendant trois jours. L'armée prussienne, beaucoup moins nombreuse, échappa au plus grand danger.

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Ainsi Bonaparte, dans les premiers jours de février 1814, avait ramené la fortune sous ses drapeaux. Il aurait pu, dans ce moment, traiter de la paix. L'exagération peignit ces succès comme décisifs. Le célèbre abbé Maury, archevêque de Paris, publia un mandement où l'on lisait ces mots : « O mon Dieu! daignez nous conserver le << héros que vous avez donné pour souverain à la << France, et dont nous bénissons l'autorité tuté<< laire, comme le plus grand de vos propres bien<< faits. >> Une colonne de six mille prisonniers ennemis, et quelques généraux, furent conduits en triomphe dans Paris. Les habitants leur offrirent des secours, et se conduisirent avec beaucoup d'humanité. L'argent, les vivres et les vêtements furent prodigués.

Les combats continuaient; les Français furent encore vainqueurs dans plusieurs actions; et vers le 17 février, la grande armée alliée, qui avait menacé la capitale, était en pleine retraite. C'était encore un moment bien favorable pour traiter de la paix. Il est certain que dans cette campagne, les alliés, si supérieurs en nombre, semblaient abattus par les moindres revers. Bonaparte paraissait victorieux. Les souverains n'ayant pas voulu proclamer les Bourbons, les esprits ne pouvaient être réunis, ni > excités par une pensée générale, par un désir na

tional. La France ne pouvait voir que deux choses frappantes: des étrangers qui la dévastaient, et Napoléon qui cherchait à les chasser, et qui montrait, dans cette lutte, autant de courage que de constance. Les alliés demandèrent un armistice; Napoléon rejeta les préliminaires de la paix. On assure quen déchirant le papier qui les contenait, il s'écria: «Je suis maintenant plus près « de Vienne, qu'ils ne le sont de Paris. » Je demande si ces offres des alliés, et ces refus de Bonaparte, étaient dictés par les Bourbons?

par

MONSIEUR, comte d'Artois, entrait alors en France la Franche-Comté. Il fut reçu partout avec un enthousiasme bien vrai, et conduit jusqu'à Nancy au milieu des bénédictions des peuples. Ce mouvement se serait étendu dans toute la France, si les alliés s'étaient prononcés pour les Bourbons. Mais la destinée de la guerre était encore incertaine; la paix était même probable alors; elle eût été conclue, sans l'aveugle obstination de Bonaparte.

Les alliés, cependant, s'attachèrent alors à faire une guerre prudente. Ils rallièrent l'armée de Silésie à la grande armée austro-russe. Mais c'était une retraite, faite, il est vrai, dans l'ordre le plus imposant. Napoléon fut ébloui par l'idée qu'il conçut de cette retraite. Il crut la coalisa

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