Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]
[ocr errors]

ciales et les propriétaires à les seconder dans ces marchés. Ainsi, les commissaires employant le nom du roi d'une manière agréable, au peuple, il aurait vu que l'intervention seule du roi adoucissait les maux de la guerre. Les réquisitions, qui sont un mal cruel, n'auraient été faites qu'aú nom des alliés. Les marchés, qui sont le remède, auraient été offerts au nom du roi.

Ce plan était très-bien conçu; il aurait produit les plus heureux résultats : les conséquences en auraient été de la plus haute importance. Les commissaires auraient fait fournir aux alliés toutes les subsistances nécessaires, et l'on n'aurait pas vu ces choses honteuses qui se sont passées : des préfets et des maires arrêtés, par ordre des généraux étrangers, pour les contraindre à des actes arbitraires. Ces subsistances étant données au nom du roi par des hommes revêtus de ses pouvoirs, le roi aurait paru agir avec les alliés pour une cause commune; et si l'on avait eu alors la scrupuleuse attention de montrer toujours le roi dans cette cause générale des souverains, tantôt en nourrissant les alliés, tantôt en faisant ouvrir les portes des places fortes, on aurait épargné bien des humiliations au nom français. Je développerai davantage ces graves considérations, lorsque je ferai le récit de mon ministère.

'On s'occupait de ce projet, quand j'arrivai à Gand. MONSIEUR en vit toutes les nobles conséquences; il le défendit fortement auprès du roi et dans son conseil : le plan y fut arrêté, et une ordonnance du roi en prescrivit les dispositions. J'étais nommé commissaire à une des armées , avec M. le maréchal Beurnonville; je ne sais pourquoi cette mesure n'a pas été exécutée. Ainsi, un prince et des hommes que l'homme d'Etat auteur de l'Histoire de la Restauration, représente occupés d'intrigues à Gand, s'occupaient de l'honneur national et de la dignité du trône. Je défie de me citer un seul homme du parti contraire qui ait rien proposé d'aussi noble que le plan de M. de Capelle, à moins qu'on ne cite ces Français qui demandèrent aux alliés de nommer un prince étranger souverain de la France.

Je ne tardai pas à m'apercevoir que plus d'une personne préparait les voies au retour de Fouché près du roi, et même à son entrée dans le ministère. On recevait des lettres de Paris, écrites en sa faveur, dans lesquelles on portait aux nues ses prétendus talents. Lui seul, disait-on, pouvait assurer le retour du roi dans Paris, et contenir les révolutionnaires. Le roi eut d'abord horreur de cette idée, et la repoussa fortement. Ceux qui avaient formé ce malheureux projet ne se rębu

tèrent pas; ils persistèrent dans les mêmes rapports, dans les mêmes discours : ils savaient bien qu'il n'y a pas d'idée ridicule ou dangereuse qu'on ne puisse faire adopter parmi nous, en la répétant sans cesse avec persévérance, sans jamais se lasser. Cette idée fatale fut combattue, repoussée par des personnes qui en voyaient toutes les conséquences; mais elle était soutenue avec non moins de force par des hommes qui cependant étaient dévoués au roi, mais qui voulaient, avant tout, le succès de la coterie et des intrigues auxquelles ils s'étaient attachés. Nous n'avons ni force ni constance pour soutenir hautement un noble parti avoué par des sentiments généreux; mais nous avons de la persévérance, de la chaleur, de la ténacité dans les intrigues: c'est là une des parties de notre caractère. Pour en être convaincu, il suffit de lire les Mémoires du cardinal de Retz.

Cette intrigue, fortement ourdie et suivie avec persévérance, eut des suites funestes: ceux qui la pratiquaient savaient bien que, s'ils parvenaient à mettre Fouché dans le conseil, touts ceux qui avaient trahi le roi rentreraient dans les places et dans les honneurs; ils voyaient les conséquences inévitables de leur plan; et s'ils allaient alors jusqu'à prévoir qu'ils feraient signer un jour au monarque l'amnistie des mili

taires qui l'avaient suivi à Gand, certes, ils avaient mesuré dans toute leur étendue les effets incalculables de la faiblesse.

Ainsi donc, ce projet si utile, si nécessaire, conçu par MONSIEUR, et rédigé par M. de Capelle, fut abandonné; et un plan funeste faisait touts les jours des progrès déplorables : on y joignait la disgrâce de M. de Blacas. Il est honorable pour lui d'avoir été le sujet constant des lettres écrites de Paris pour persuader que le peuple, et toujours le peuple, était ulcéré contre lui, et s'opposerait à son retour avec le roi. La coterie de la capitale a réussi dans les choses qu'elle a tentées pendant le séjour du roi à Gand.

Je voyais souvent M. le comte de Bruges, aide-de-camp de MONSIEUR. Il m'engagea à faire plusieurs Mémoires, et même des projets de proclamation: il les présentait à MONSIEUR, qui voulait bien les remettre au roi, après les avoir lus.

Le premier Mémoire établissait des principes généraux, relatifs à la fermeté nécessaire au gouvernement j'y développais la nécessité d'avoir un but déterminé, hautement déclaré, de marcher constamment vers ce but; affermir l'autorité royale, et détruire l'esprit de démocratie et ses profondes racines. Je disais : Si l'on n'a pas un plan fortement conçu, on ouvrira sous nos

pas un nouvel abîme. On peut, en suivant la Charte, fortifier l'autorité royale; mais on peut aussi, en la suivant, anéantir cette autorité je soutenais qu'elle ne peut rester stationnaire sans décroître. Je disais que l'autorité, une fois établie, devient ce qu'elle se fait elle-même; que si le roi n'avait pas saisi le droit de donner une Charte à la nation, on ne lui aurait certainement pas donné ce pouvoir. Il l'a eu, parce qu'il l'a pris avec fermeté. Je développai cette pensée dans toute son étendue.

Dans le second Mémoire, j'établissais que le roi devait gouverner seul et organiser son ministère. Je montrais les défauts de l'administration établie sous l'empire, et dont les bases, posées par le génie de Napoléon, avaient été altérées par les ministres. J'en montrais les défauts qui multipliaient les rouages, et produisaient un enchevêtrement continuel de toutes les parties les unes sur les autres; j'entrais dans beaucoup de détails sur ces défauts et leur résultat, et j'indiquais les moyens de simplifier l'administration. Mais j'insistais surtout sur la nécessité de lui imprimer de la grandeur. Pour y parvenir, je demandais le rétablissement des provinces, mais avec des moyens qui ne privaient aucune ville des avantages que leur donnait la démarcation

« PrécédentContinuer »