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des Romains, tant que ces magnifiques ruines frapperont leurs yeux :

Quod non fecerunt Barbari fecere Barbarini.

Je cherchais ces fameux palais des empereurs, bâtis par Auguste et ses successeurs, sur le mont Palatin; il ne reste plus que des ruines informes. Mais en les fouillant, on a trouvé des statues, des médailles, des salles et des bains richement ornés. Je vis, non loin de là, les lieux occupés par le palais et les jardins de Mécène; ils me rappelaient les Odes d'Horace. Elles vivent encore, et les palais sont détruits.

Je ne parlerai point de l'église de Saint-Pierre, dont on a des descriptions plus exactes que celle que j'en pourrais faire; mais j'avoue que le portail ne m'a point paru digne de l'église. Mes deux compagnons et moi, nous avons trouvé qu'il ressemblait trop à la façade d'un hôtel de Paris. Mais ce qui nous a le plus frappés, c'est l'obélisque égyptien de granit sur la place Saint Pierre. Il a, je crois, cent vingt pieds de hauteur, et sans aucun ciment. Transporté à Rome, sous Caligula, il restait enterré, à cause de sa pesanteur. Sixte-Quint, qui ne trouvait rien impossible, chargea Fontana de le relever. C'était bien difficile. On a décrit les machines qui furent in

ventées et employées par l'architecte. On raconte qu'au moment décisif, il fut défendu, sous peine de mort, de parler, et qu'au signal donné par un coup de canon, l'obélisque fut relevé.

Je remarquai, dans l'église de Saint-Pierre, la statue en bronze de ce saint. On prétend que c'est un Jupiter capitolin dont on a changé le nom. Le pied qui est avancé est usé les baisers. par Aucun Italien ne se dispense de cette cérémonie. Au moment où j'entrais dans l'église, j'entendis un Romain qui, d'une voix élevée, haranguait un groupe de soldats français, et leur reprochait de regarder cette statue d'un air peu respectueux.

Nous montâmes au haut du dôme. C'est là qu'on est frappé d'étonnement et d'admiration, par les dimensions colossales de tout ce qu'on voit autour de soi, et par la hardiesse de l'entreprise. M. Regnault, peintre français, m'a raconté que, dans sa jeunesse, il avait parié, avec d'autres élèves de l'école de peinture, que, debout sur la corniche intérieure, il ferait le tour du dôme. Il marchait de côté, le mur derrière lui, et l'abîme à ses pieds. Parvenu à une certaine distance, il s'aperçut qu'une construction avancée ne lui permettait pas d'aller plus loin. Il ne se sentait pas la force de rétrograder. Des ou

vriers travaillaient sur un échafaud vis-à-vis de lui. Il leur cria de lui lancer une corde; il eut le honheur de la recevoir; il l'attacha fortement autour de son corps, et après avoir averti les ouvriers, il s'élança. Suspendu un instant dans les airs, il fut hissé sur l'échafaud. On ne peut penser sans frémir à une entreprise si périlleuse, et à la cruelle situation dans laquelle se trouva M. Regnault. Qu'avait-il parié? un cahier de papier d'Hollande.

Ce que j'ai le plus admiré à Rome est le nombre, la grandeur et la beauté des fontaines publiques. Combien touts nos ouvrages sont petits auprès de ceux-là! L'utilité y est jointe à la magnificence. Les sommets de toutes les collines ont des fontaines abondantes. Celle du Janicule est admirable. En la voyant, j'avais honte du souvenir de nos robinets. C'est dans des ouvrages de cette espèce que devrait se déployer la magnificence d'un gouvernement. Bonaparte avait conçu une pensée semblable, quand il ordonna de faire venir une rivière dans Paris. Mais l'exécution n'a point répondu à la grandeur de la pensée. J'avoue que j'ai lu et relu plusieurs fois, avec un sentiment de plaisir et de reconnaissance, l'inscription de la fontaine Felice: « Clément XII, « souverain pontife, a fait orner avec cette ma

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gnificence la fontaine de l'Eau-Vierge, célèbre << par son abondance et sa salubrité. » J'aimais à voir cette belle eau sortant d'un rocher avec impétuosité.

La fontaine de la place Navonne présente quatre grands rochers, d'où l'eau sort en abondance. Au-dessus est un obélisque égyptien, de soixante pieds de hauteur. Toutes ces eaux me rappelaient les tristes bassins des Tuileries, leur petite nappe croupissante pendant toute la semaine, et donnant un maigre jet d'eau le dimanche et les fêtes.

Quand je montai au Capitole, le nom seul me frappa. Rien ne me rappelait ce qu'il avait été. Les Sept-Collines ne sont plus ce qu'elles furent autrefois. Le terrain s'est élevé considérablement dans les intervalles. Dans quelques endroits, on a trouvé l'ancien pavé à trente pieds de profondeur.

Les restes des temples anciens attestent qu'ils étaient très-petits. Cela explique le grand nombre de ces temples. Les Romains n'en avaient pas de semblables à ces églises chrétiennes, si vastes et si élevées. Le Panthéon est bien conservé. La noblesse du vestibule nous frappa. Mais combien fut extraordinaire la pensée de Michel-Ange, quand il dit à Paul III : « Je placerai ce temple « au-dessus de l'église de St.-Pierre!» Il a exé

cuté ce qu'il disait, et c'est là bien certainement une des conceptions les plus hardies de l'esprit humain.

Nous admirâmes les beaux tableaux de Raphaël, peints à fresque dans le Vatican. Il me semble que l'école d'Athènes est la plus belle composition que nous ait laissée la peinture. La distribution des groupes, l'espace entre eux et entre les personnages, rendent ce tableau différent d'un grand nombre de tableaux où l'on ne voit que des figures entassées les unes sur les autres. On nous dit qu'un duc de Northumberland en avait fait faire une copie à l'huile par Raphaël Mengs, et qu'il l'avait payée soixante mille francs. Touts les tableaux à fresque de Raphaël sont gâtés par les stylets dont on s'est servi pour les calquer. On obtenait des gardiens, à force d'argent, de laisser faire ce funeste travail.

Je ne parlerai pas de touts les tableaux et des statues qui frappèrent mes regards. On en trouve des descriptions dans un grand nombre de livres; et j'avoue que malgré mon goût constant pour les beaux-arts, j'en étais moins occupé que de notre situation politique. Je rapportais tout à cette idée.

Ma famille s'était rendue aux Etats-Unis de l'Amérique. J'avais un grand désir d'aller la re joindre. J'avais même écrit à Hambourg, pour

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