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« exercés à profiter de toutes les circonstances, « et plus habiles à dissimuler leurs intentions << secrètes. Les hommes de ce parti ne croiront jamais que la cause légitime puisse devenir la leur. Ils se croiront toujours humiliés par elle. « Tout ce qu'on fera pour les ramener leur pa«raîtra de la crainte; et ils ne cesseront de cons«pirer, tant qu'ils auront le sentiment de leur << force et de la faiblesse du parti contraire. »

Je cherchais ensuite à prouver qu'il fallait nécessairement que le gouvernement s'appuyat sur le parti royaliste. Je convenais de l'irritation de ce parti; mais je l'attribuais à l'espèce d'incerti. tude que l'on remarquait dans la marche du gouvernement. Je demandais qu'on en fît disparaître jusqu'à l'ombre de l'hésitation.

« Avec cette conduite, ajoutais-je, le succès << sera certain. Mais il faut se hâter; il n'y a pas « un moment à perdre. Si l'on s'arrête seulement, <«< on ne tardera pas à voir éclater cette masse «énorme d'intérêts froissés, d'ambitions trom«pées, de mécontentements exaspérés, funestes « suites des évènements, et qu'il faut comprimer, abattre sans retour, si l'on ne veut périr par eux.

« Et peut-être est-il vrai de dire que les minis#tres de Votre Majesté, et moi le premier, ne

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« sont pas assez pénétrés de ces impérieuses obli«gations. Il n'est pas moins difficile aux âmes «< nobles et généreuses de se défendre de l'indul«<gence et de la sécurité qui leur sont naturelles, qu'il n'est difficile à l'homme public de se dé«fendre des insinuations fausses ou perfides, par << lesquelles on cherche à l'entraîner hors de cette << ligne d'inflexibilité, à laquelle les circonstances « le condamnent, quelque pénible qu'elle soit. »> De ces réflexions, je passais à des considérations sur la Chambre des députés, sur ses sentiments, sur sa conduite. J'examinais les fautes qu'on lui reprochait; et j'observais que les députés étaient touts instruits des trames ourdies dans les provinces, qu'ils m'en parlaient sans cesse, et que la marche du gouvernement ne les rassu

rait pas.

« Mais, disais-je en parlant des députés, le << dévouement est respectable jusque dans ses ex«< cès; il ne peut être aussi entier, sans être mé« fiant. Peut-on, après tant de trahisons et de « malheurs, blâmer une méfiance si salutaire? »>

Je concluais ainsi : « Tout ce que je viens de « dire à Votre Majesté se réunit aux lois et à l'expérience des gouvernements représentatifs, « pour imposer aux ministres de Votre Majesté l'impérieuse obligation de s'unir étroitement à

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<< la majorité de la Chambre des députés, de tout préparer, de tout faire avec elle. Cette union « fera cesser l'exaltation et la résistance; et bien« tôt après, ce sera le ministère qui entraînera «la Chambre. >>

Je prie le lecteur qui aura lu avec attention ce Mémoire, de se demander, dans la justice de son cœur, si j'ai rempli les devoirs que m'imposait ma place dans de si graves circonstances, dans lesquelles je voyais un avenir menaçant.

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On voit par ce Mémoire combien j'avais de motifs de croire à l'existence et aux mouvements de la faction. On y voit aussi ma constante résolution de réunir, autant qu'il dépendait de moi, le ministère au parti royaliste. Je ne voyais et je ne pouvais voir que dans ce système simple et naturel, l'affermissement de la monarchie. Je relis ces Mémoires en 1829, et je remarque plus que jamais que tout est mis en question par la faiblesse du gouvernement. Après avoir relevé le parti démocratique, il lui a donné des garanties, et le voilà forcé de revenir sur ses pas. Toujours la même marche, la même faute que je repoussais pendant mon ministère.

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CHAPITRE V.

Voyage de Mer le duc d'Angoulême dans le Midi. Il y connaît les efforts et les espérances de la faction. Intrigue de quelques Anglais pour exaspérer les protestants de France. Société biblique de Londres.

COMME je ne refusais jamais une audience particulière, demandée par quelque personne que ce fût, j'apprenais souvent des choses intéressantes. Jamais je n'ai employé le moindre espionnage, ni dans mes préfectures, ni pendant mon ministère, et cependant j'étais très-instruit de tout ce qui se passait, par cette facilité à écouter les personnes qui voulaient me parler. J'entendais bien des choses inutiles, souvent ab

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surdes; mais une seule chose importante m'en dédommageait : c'est ainsi que j'appris les liaisons de M. , protestant, avec la société biblique de Londres. Je lui écrivis de venir me parler. A peine fut-il arrivé, qu'assis vis-à-vis de lui, et le regardant attentivement, je le priai de répondre simplement à mes questions. Ses réponses me prouvèrent que j'étais bien informé; elles concernaient son départ de Calais, son arrivée à Portsmouth, la manière dont il avait été reçu dans ce port par un membre de la société biblique, comment il avait été conduit et présenté dans cette société, la place d'honneur qu'on lui avait donnée auprès du président, les discours qu'on lui avait adressés, et ses réponses; ils roulaient sur les prétendues persécutions exercées en France contre les protestants, depuis le retour du roi, et sur les mesures qu'il fallait prendre pour les faire cesser.

Quand j'eus entendu toutes les réponses de M. ***, je le priai d'écrire le récit qu'il venait de faire, et de le signer; je lui promis de n'en pas faire d'autre usage que de le communiquer au roi, et de le remettre ensuite à M. le duc d'Angoulême. Ce document, lui dis-je, est absolument nécessaire au prince, parce qu'il va faire un voyage xdans le Midi de la France. Comme il hésitait,

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