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CHAPITRE VI.

Mesures pour diminuer la centralisation. Économies sur le ministère de l'intérieur. Outrages adressés aux préfets dans la Chambre. Je les repousse. Arrêté sur les poids et mesures. Mon travail avec MONSIEUR, colonel général des gardes nationales de France. Discours étranges à ce sujet. Intrigue de la coterie pour jeter la discorde dans la famille royale. Tenta tives pour établir un accord ministériel entre M. de Richelieu et moi, par l'ancien évêque de Rennes, son ami.

ON a vu jusqu'à présent bien des preuves de ma constante attention à donner de la force et de l'activité à l'administration. Je me concertais avec M. le duc de Feltre pour tout ce qui pouvait avoir quelque rapport à son ministère; et

nous étions toujours d'accord. Le roi nomma une commission chargée d'examiner la conduite des officiers de l'armée pendant les cent-jours. M. le maréchal de Bellune la présidait. Il avait besoin de renseignements. Je traçai aux préfets la marche qu'ils devaient suivre pour prendre des renseignements sur lesquels on pût compter, en y mettant autant d'équité que d'exactitude, et en éloignant de leurs informations la plus faible apparence d'une recherche déplacée, indigne de leurs fonctions et du gouvernement.

On a parlé bien souvent de la centralisation, qui amène toutes les affaires à Paris, pour être décidées par les bureaux, après des lenteurs interminables. On a demandé une loi pour la détruire. J'ai toujours pensé que cela ne pouvait se faire que partiellement, et par les ministres. Quelque loi que l'on puisse faire sur cet objet, il serait toujours facile à un ministre de l'éluder. Je suis même persuadé qu'elle tomberait promptement en désuétude. De semblables dispositions ne peuvent être l'objet d'une loi.

J'avais le dessein de diminuer cette centralisation. J'ordonnai, par exemple, que les employés attachés à l'administration et au service des hospices, seraient nommés par ces administrations, et seraient révocables par elles; que les médecins,

chirurgiens et pharmaciens seraient nommés par les préfets, sur la présentation de trois candidats désignés par les commissions administratives.

Je dispensai les préfets de m'adresser les comptes trimestriels et annuaires de la dépense des prisons. J'ordonnai de rendre ces comptes au conseilgénéral, et je ne m'en réservai l'examen que dans le cas d'une contestation entre le conseilgénéral et le préfet. Je ne demandais que la situation sommaire des dépenses et du service.

Le roi, sur ma proposition, chargea les préfets de régler les recettes et dépenses des villes dont les revenus ordinaires ne s'élevaient pas 30,000 fr. C'était un grand moyen de diminuer la centralisation. Dans une instruction subséquente, je simplifiais, autant qu'il était possible, touts les détails des comptes.

Les formalités des comptes à rendre par les receveurs des hospices étaient compliquées. Les sous-préfets, les administrations, des commissions composées de trois espèces de personnes, devaient concourir aux arrêtés de ces comptes. Ils n'étaient exécutés qu'après l'approbation du ministre, donnée sur une proposition spéciale du préfet. On voit combien tout cela était compliqué. Aussi, dans beaucoup de départements, on n'avait pu former ces.commissions. Les ministres n'avaient pu faire

vérifier ces comptes; et depuis 1811, tout était en retard. J'ordonnai, après avoir pris les ordres du roi, que ces comptes seraient désormais arrêtés définitivement par les préfets, en conseil de préfecture, et-qu'ils arrêteraient de même les comptes des années antérieures, qui ne l'auraient pas encore été. Il était difficile de plus combattre la centralisation.

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Je ne crois pas qu'on puisse rien imaginer de plus bizarre que le modèle des états qu'on avait envoyés aux préfets pour rendre compte de la dépense des prisons. Figurez-vous la feuille de papier la plus grande qu'il soit possible d'avoir, et cette feuille partagée en un nombre infini de colonnes, formant des carrés avec les lignes transversales. C'était dans ces divisions et subdivisions qu'il fallait placer des chiffres innombrables. Les yeux s'y perdaient; on avait la plus grande peine à suivre et à distinguer les colonnes et les lignes; on courait risque à chaque instant de s'y méprendre, et d'appliquer des sommes à des articles auxquels elles n'étaient pas applicables. J'avais maudit ce ridicule tableau à Metz; il donnait aux commis une peine infinie; il emportait une perte de temps considérable. Je le supprimai pendant mon ministère, et je rétablis l'ancienne méthode. Elle consistait tout bonne

ment à écrire les articles de dépense à la suite les uns des autres, à faire l'addition des chiffres à la fin de la page, et à la reporter à la page suivante. Rien n'était plus simple et plus facile. Mais on avait juré d'être neuf en tout, et surtout on avait la manie du siècle, celle de se donner un air savant par l'accumulation des chiffres.

que

11 y avait dans les dernières années de l'empire, à la tête du bureau appelé récemment bureau de la statistique, un homme la nature avait pétri des idées les plus minutieuses. Il adressait des questions aux maires sur les choses les plus indifférentes et les plus ridicules. On a souvent ri de ses demandes, toujours faites au nom du ministre. J'en ai parlé dans un des chapitres précédents.

Ce même bureau avait adressé aux préfets les questions les plus minutieuses et les plus compliquées sur les forges. J'avais reçu ces demandes dans le département de la Moselle, où il y avait beaucoup de forges. Pendant mon ministère, un chef de division fit un projet de circulaire, dans lequel il demandait avec instance ces sortes d'états; il y avait inséré une louange indirecte, adroitement énoncée, sur la manière dont j'avais rem pli ces états, étant préfet. Je le fis appeler, et je lui dis : J'espère que je vais vous dégoûter de

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