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triomphe d'une coterie attaquant les royalistes, sous un roi deux fois rétabli sur son trône; entraînant ce monarque sur ses pas, et continuant son triomphe, malgré l'expérience de quatorze conspirations, et malgré l'assassinat d'un prince de la maison régnante. Voilà ce que vous ne trouverez dans aucune page de l'histoire des monarchies. Tant de constance d'un côté, tant de faiblesse de l'autre, devaient amener la catastrophe que nous avons vue en 1830, et dont toutes les causes datent des premiers jours de la restauration.

CHAPITRE VII.

Première loi électorale. Conduite de la Chambre de 1815 et des ministres. Lettre de plusieurs ecclésiastiques au roi. Elle exposait la conduite des royalistes de la Chambre, et s'en plaignait. Mes lettres au roi et à M. de Richelieu en faveur de la Chambre.

ON demandait avec instance une loi sur les élections. La Charte avait imposé l'obligation d'en faire une nouvelle, puisqu'elle avait fixé le cens d'éligibilité, puisqu'elle avait dit que l'organisation des colléges électoraux serait déterminée par des lois, et ordonné le renouvellement de la Chambre par cinquième. La commission déclara dans son rapport qu'il était im

possible de ne pas faire cette loi. En outre, la Chambre actuelle des députés avait été nommée d'après une ordonnance, sans s'astreindre aux lois anciennes.

Cette loi me concernait. Je recevais sans cesse des demandes pressantes d'un grand nombre de députés. Cependant je balançais; j'avais peine à me déterminer. Je savais par expérience combien cette loi serait controversée, dans une assemblée où les déplorables discours écrits permettent à un grand nombre d'orateurs de se jeter dans touts les raisonnements imaginables de politique, de métaphysique, de législation, et empêchent le simple bon sens de percer à travers ce dédale d'idées incohérentes; je redoutais de jeter un tel sujet de discussions interminables, au milieu d'une Chambre dont la grande majorité montrait sans cesse les sentiments les plus royalistes, mais laissait en même temps percer je ne sçais quelle inspiration démocratique, dont elle ne se rendait pas compte à elle-même, et qui provenait de cette extrême mobilité de notre esprit et de notre caractère.

Je me déterminai par une seule considération. Je pensai qu'il serait possible de faire une loi tellement monarchique, qu'elle empêcherait de réaliser le projet déjà trop formé de dissoudre

la Chambre. J'avoue que j'étais dans une grande erreur. Je devais considérer au contraire qu'une loi discutée dans cette Chambre, serait nécessairement altérée. Je savais qu'on y parlait déjà de se perpétuer pendant cinq années. J'avais trop suivi et étudié les travaux de toutes nos assemblées, pour n'être pas convaincu des obstacles que j'allais rencontrer. Il y a dans notre esprit une certaine faiblesse qui nous porte vers les théories, nous éloigne des idées positives, et nous empêche surtout de saisir dans une question le point principal, et de nous y attacher fortement. Nous voyons les choses sous mille faces différentes; nous nous égarons dans les abstractions et dans les détails. Si les dispositions impératives de la Charte ne m'en avaient empêché, j'aurais persisté dans ma première idée, qui me revenait sans cesse à l'esprit. Je me disais qu'en vain je présenterais une loi monarchique, que cette pensée principale de la monarchie serait perdue dans la discussion.

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Après de nombreuses délibérations dans le comité de l'intérieur du Conseil d'Etat, un membre de ce comité me présenta un gros cahier d'abstractions théoriques et métaphysiques. Je reculai d'effroi. J'expliquai au président de ce comité, M. Becquey, les bases sur lesquelles je croyais

que la loi devait être établie, et la nécessité d'avoir des électeurs de droit. Nous avions l'un et l'autre l'expérience de 1792; nous fûmes aisément d'accord. Quand la loi eut été discutée et achevée par le comité et par moi, je la présentai au conseil des ministres; elle n'y éprouva aucune difficulté. Elle fut ensuite discutée dans le conseil du roi. Le roi prit beaucoup d'intérêt à cette discussion. Le projet obtint l'assentiment de tout le conseil. Le roi nomma pour le proposer, MM. de Richelieu, Decazes, Becquey et

moi.

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La loi avait pour base des électeurs de droit. Elle donnait la liste des fonctions de toute es-. pèce qui conféraient le droit électoral; mais toujours à la condition de payer l'impôt exigé par la Charte. Elle ordonnait des colléges de canton qui nommaient les électeurs, et des colléges de département qui nommaient les députés. La démocratie avait donc sa part dans les premiers colléges, mais elle pouvait en abuser. Le remède devait se trouver dans la loi. Il Ꭹ était effectivement. On pouvait craindre qu'un grand nombre d'électeurs nommés par les cantons ne donnassent trop de force à la démocratie dans les colléges de département. La loi y remédiait par un moyen bien simple. Elle voulait que le

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