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royaliste, qu'on avait trouvé très-mauvais que j'eusse improvisé mon discours, et que beaucoup de députés avaient dit : « Le ministre ne nous a pas jugés dignes d'entendre un discours écrit. » Ce furent ses propres expressions. Je n'ai pas besoin de dire quelle pitié m'inspirèrent ces paroles; il n'y a qu'en France qu'on puisse en entendre de semblables. Dans toutes les assemblées délibérantes, chez toutes les nations, en France même, dans les anciens Etats de province, on n'a jamais permis les discours écrits: l'Assem blée constituante à, la première, donné ce fu neste exemple. Ils ont enfanté ce mélange inoui de métaphysique et d'abstractions unies par le déraisonnement à la législation et à la politique; ils ont produit une sorte de démence, qu'il est impossible de bien caractériser. La première source de ce fatal usage est dans la vanité. On veut faire des livres à la tribune. La seconde source est dans la jalousie de ceux qui ne peuvent parler, envers ceux qui en sont capables. Je traiterai ailleurs cette question; elle est de la plus grande importance. Tant que les discours écrits seront permis, nos assemblées présenteront une déraison sententieuse, un luxe de phrases oratoires et inutiles, un vain désir de briller, et un éloignement habituel des choses positives,

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pour se jeter dans des théories et des abstractions: vous en verrez la preuve dans les remarques de plusieurs orateurs qui ont parlé sur la loi que j'examine avec vous.

J'avais donc commis deux grands crimes : j'avais cité Montesquieu, et j'avais parlé, au lieu de lire. Mais mon plus grand crime était d'avoir conservé le renouvellement par cinquième : presque touts les députés étaient mécontents de cette résolution. Le roi et son conseil s'étaient déter

minés par le motif puissant de ne point s'écarter de la Charte dans des choses importantes. Les circonstances donnaient beaucoup de force à cette détermination. On convenait que le renouvellement intégral présentait de grands avantages; qu'il pourrait un jour être établi : mais que le roi, en conservant l'acte fondamental qu'il venait de sanctionner encore tout récemment par le discours qu'il avait adressé aux Chambres, se plaçait dans une position digne de sa couronne; tandis qu'au contraire, un changement important annoncerait une légèreté bien prompte. Il fallait considérer aussi la nécessité de détruire les dangereuses espérances inspirées par la proposition imprimée et publiée du dernier, ministère, de réviser quatorze articles de la Charte. D'ailleurs, et je vous prie d'arrêter ici votre atten

tion, ce n'était pas dans une loi relative uniquement à l'élection qu'il fallait proposer un changement si fondamental: il aurait exigé une proposition toute particulière de la part du roi, motivée sur de graves circonstances.

Je présentai souvent ces considérations à beaucoup de députés, lorsqu'ils furent obligés d'avouer le vrai motif de leur mécontentement; je les présentai aux membres de la commission chargée d'examiner la loi. J'eus plusieurs conférences avec eux ; je les réunis chez moi. MM. de Richelieu et Decazes vinrent un jour à la commission, et parlèrent dans le même sens que moi. Enfin, après avoir pris les ordres du roi, j'allai jusqu'à leur dire et leur répéter: « Si vous présentez par amendement le renouvellement intégral, le roi ne pourra l'accepter. Il serait d'un exemple bien dangereux de faire par amendement des changements de cette espèce à la Charte; ce serait contraire à la dignité de la couronne. Mais autant qu'il peut m'être permis de vous donner mon opinion personnelle, je puis vous promettre que si la loi est acceptée, en évitant toute observation contraire aux intentions du roi, j'aurai le plaisir de venir vous soumettre en son nom la proposition de vous maintenir pendant cinq années en place. Cette proposition ne sera pas un

changement perpétuel à la Charte, mais une simple dérogation momentanée, fondée sur les circonstances qui commandent de ne point faire de nouvelles élections, et de conserver une Chambre qui a rendu de si grands services à la monar chie. Ce sera une démarche libre du roi, conforme à sa dignité, et bien flatteuse pour vous. L'article 14 de la Charte, et des circonstances extraordinaires autant qu'imprévues, la motiveront suffisamment. >>

Je prie le lecteur de donner toute son attention à ce que je viens de dire. Je crois qu'il en sera frappé, et qu'il pensera que cette commission ne pouvait rien exiger de plus. Eh bien! j'eus la douleur de voir que je' je ne ne faisais pas la moindre impression sur la majorité. Depuis ce temps, et dans un moment où la faction alarmait les royalistes, M. de Cardonnel me parlant du regret qu'il avait toujours de cette erreur, je lui rappelai ce que je viens de dire, et qu'il avait alors très-bien entendu, parce qu'il avait assisté à cette séance de la commission. Il me dit lorsque j'en étais sorti, un député leur avait dit: M. de Vaublanc nous trompe, parce qu'il est trompé lui-même. M. de Cardonnel m'assura qu'il avait fortement repoussé ce reproche.

que

La Chambre discuta d'abord les articles cons

titutionnels. Je ne fus pas le seul à combattre l'imprudente proposition du renouvellement total. M. Becquey, commissaire du roi, ne laissa rien à désirer dans la méthode et la clarté de son argumentation. Ce fut toujours le caractère de ses discours. M. Lainé, qui présidait, cessa momentanément ses fonctions, et parla avec beaucoup de force. Je trouve dans son discours : « La com<< mission ne vous a point dissimulé que le renou« vellement total était une réforme de l'article << de la Charte qui veut le renouvellement par « cinquième. » M. Beugnot alla droit au fait, en demandant à la Chambre « de déclarer qu'à dé« faut d'initiative de la part du roi, elle ne peut « délibérer sur le changement de l'article 37 de « la Charte, relatif au mode du renouvellement « de la Chambre. »

M. Bellart parla très-fortement contre ce changement, et déclara qu'il était dangereux. M. Pasquier fut du même avis. M. de la Bourdonnaye repoussa les idées trop démocratiques; il témoigna ses regrets de ne pouvoir élever la contribution demandée aux députés; et il proposa un article par lequel les assemblées primaires ne pourraient choisir les électeurs que dans la liste des plus imposés. M. Royer-Collard soude longs raisonnements que la dénomi

tint par

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