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II

Traité entre la Russie et la Chine!

CONCERNANT LE RÉTABLISSEMENT DE L'AUTORITÉ DU GOUVERNEMENT CHINOIS DANS LE PAYS D'ILI.

Sa Majesté l'Empereur et Autocrate de toutes les Russies et sa Majesté l'Empereur de la Chine, désirant régler quelques questions de frontière et de commerce touchant aux intérêts des deux Empires, afin de cimenter les rapports d'amitié entre les deux pays, ont nommé pour leurs plénipotentiaires, à l'effet d'établir un accord sur ces questions:

Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies:

Son secrétaire d'État Nicolas de Giers, sénateur, conseiller privé actuel, dirigeant le ministère impérial des affaires étrangères ;

Et son envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près Sa Majesté l'Empereur de la Chine, Eugène de Butzow, conseiller d'État actuel.

Et Sa Majesté l'Empereur de la Chine:

Tseng, marquis de Neyong, vice-président de la haute cour de justice, son envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies, muni de pouvoirs spéciaux pour signer le présent traité en qualité d'ambassadeur extraordinaire.

Les susdits plénipotentiaires, munis de pleins pouvoirs qui ont été trouvés suffisants, sont convenus des stipulations suivantes :

ART. Ier. Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies consent au rétablissement de l'autorité du gouvernement chinois dans le pays d'Ili, temporairement occupé, depuis 1871, par les armées russes.

La Russie reste en possession de la partie occidentale de ce pays, dans les limites indiquées à l'art. VII du présent traité.

ART. II. Sa Majesté l'Empereur de la Chine s'engage à décréter les mesures propres à mettre les habitants du pays d'Ili, à quelque race et à quelque religion qu'ils appartiennent, à l'abri de toute poursuite, dans leurs biens ou dans leurs personnes, pour actes commis durant ou après les troubles qui ont eu lieu dans ce pays.

Une proclamation conforme à cet engagement sera adressée par les autorités chinoises, au nom de Sa Majesté l'Empereur de la Chine, à la population du pays d'Ili, avant la remise de ce pays aux dites autorités.

ART. III. Les habitants du pays d'lli seront libres de rester sur les lieux de leur résidence actuelle, comme sujets chinois, ou d'émigrer en Russie et d'adop

(1) Nous donnons d'après le Journal de Saint Pétersbourg 31 Août et Mardi 1" (12 et 13) septembre 1881 ce traité important; nous publierons à l'avenir tous les documents de cette nature pour qu'il soit facile de s'y référer en cas de besoin; l'expérience nous ayant démontré combien il était difficile de remettre la main sur ces pièces diplomatiques, lorsqu'elles ne sont pas classées.

ter la sujétion russe. Ils seront appelés à se prononcer à ce sujet avant le rétablissement de l'autorité chinoise dans le pays d'Ili, et un délai d'un an, à partir du jour de la remise du pays aux autorités chinoises, sera accordé à ceux qui témoigneront le désir d'émigrer en Russie. Les autorités chinoises n'opposeront aucune entrave à leur émigration et à l'exportation de leur propriété mobilière.

ART. IV. Les sujets russes possédant des terrains dans le pays d'Ili conserveront leurs droits de propriété, même après le rétablissement de l'autorité du gouvernement chinois dans ce pays.

Cette disposition n'est pas applicable aux habitants du pays d'Ili (qui adopteront la sujétion russe, lors du rétablissement de l'autorité chinoise dans ce

pays.

Les sujets russes dont les terrains sont situés en dehors des emplacements alfectés aux factoreries russes, en vertu de l'art. 13 du traité de Kouldja de 1851, devront acquitter les mêmes impôts et contributions que les sujets chinois.

ART. V. Les deux gouvernements délégueront à Kouldja des commissaires qui procéderont à la remise d'une part, et à la reprise de l'autre, de l'administration de la province d'Ili, et qui seront chargés, en général, de l'exécution des stipulations du présent traité se rapportant au rétablissement, dans ce pays, de l'autorité du gouvernement chinois.

Lesdits commissaires rempliront leur mandat, en se conformant à l'entente qui sera établie quant au mode de remise d'une part et de reprise de l'autre, de l'administration du pays d'Ili, entre le gouverneur général des provinces du Turkestan et le gouverneur général des provinces du Chan-si et du Kan-sou, chargés par les deux gouvernements de la haute direction de cette affaire.

La remise de l'administration du pays d'Ili doit être terminée dans un délai de trois mois ou plus tôt, si faire se peut, à dater du jour de l'arrivée à Taschkent du fonctionnaire qui sera délégué par le gouverneur général du Chan-si et du Kan-sou auprès du gouverneur général du Turkestan, pour lui notifier la ratification et la promulgation du présent traité par Sa Majesté l'empereur de la Chine.

ART. VI. Le gouvernement de Sa Majesté l'Empereur de la Chine paiera au gouvernement russe la somme de neuf millions de roubles métalliques, destinée à couvrir les frais occasionnés par l'occupation du pays d'Ili par les troupes russes depuis 1871, à satisfaire toutes les réclamations pécuniaires auxquelles ont donné lieu, jusqu'aujourd'hui, les pertes que les sujets russes ont subies dans leurs biens pillés sur territoire chinois, et à fournir des secours aux familles des sujets russes tués dans les attaques armées dont ils ont été victimes sur territoire chinois.

La somme susmentionnée de neuf millions de roubles métalliques sera versée, dans le terme de deux ans à partir du jour de l'échange des ratifications du présent traité, suivant l'ordre et les conditions convenus entre les deux gouvernements dans le protocole spécial annexé au présent traité.

ART. VII. La partie occidentale du pays d'Ili est incorporée à la Russie, pour servir de lieu d'établissement aux habitants de ce pays qui adopteront la

sujétion russe et qui, par ce fait, auront dû abandonner les terrains qu'ils y possédaient.

La frontière entre les possessions de la Russie et la province chinoise d'Ili suivra, en partant des montagnes Bédjin-Taou, le cours de la rivière Khorgos, jusqu'à l'endroit où celle-ci se jette dans la rivière Ili et. traversant cette dernière, se dirigera au sud, vers les montagnes Ouzounta ou, en laissant à l'ouest le village de Koldjat. A partir de ce point elle suivra, en se dirigeant au sud, le tracé fixé par le protocole signé à Tchougoutchak en 1864.

ART. VIII. Une partie de la ligne frontière, fixée par le protocole signé à Tchougoutchak en 1864, à l'est du lac Zaïsan, ayant été trouvée défectueuse, les deux gouvernements nommeront des commissaires qui modifieront, d'un commun accord, l'ancien tracé, de manière à écarter les défectuosités signalées, et à établir une séparation efficace entre les tribus kirghises soumises aux deux empires.

Il sera donné au nouveau tracé, en tant que possible, une direction intermédiaire entre l'ancienne frontière et une ligne droite se dirigeant des monts Kouïtoun vers les monts Saour, en traversant le Tcherny-Irtych.

ART. IX. Des commissaires seront nommés par les deux parties contractantes, pour procéder à la pose de poteaux de démarcation, tant sur le tracé fixé par les articles précédents VII et VIII que sur les parties de la frontière où il n'a pas encore été posé de poteaux. L'époque et le lieu de réunion seront fixés par une entente entre les deux gouvernements.

Les deux gouvernements nommeront également des commissaires pour examiner la frontière et pour poser des poteaux de démarcation entre la province russe de Ferganah et la partie occidentale de la province chinoise de Kachgar. Ces commissaires prendront pour base de leurs travaux la frontière existante.

ART. X. Le droit reconnu au gouvernement russe, par les traités, de nommer des consuls à Ili, à Tarbagataï, à Kachgar et à Ourga est étendu, dès à présent, aux villes de Sou-Tcheou (Tsia-yu-kouan) et de Tourfan. Dans les villes suivantes : Kobdo Ouliassoutaï, Khami, Ouroumtsi et Goutchen, le gouvernement russe établira des consulats au fur et à mesure du développement du commerce, et après entente avec le gouvernement chinois.

Les consuls de Sou-Tcheou (Tsia-yu-kouan) et de Tourfan exerceront les fonctions consulaires dans les districts voisins, où les intérêts des sujets russes réclameront leur présence.

Les dispositions contenues dans les articles 5 et 6 du traité conclu à Pékin, en 1860, et relatives à la concession de terrains pour les maisons des consulats. pour les cimetières et pour les pâturages, s'appliqueront également aux villes de Sou-Tcheou (Tsia-yu-kouan) et de Tourfan. Les autorités locales aideront les consuls à trouver des habitations provisoires jusqu'au moment où les maisons des consulats seront construites.

Les consuls russes en Mongólie et dans les arrondissements situés sur les deux versants du Tian-chan se serviront, pour leurs voyages et pour l'envoi de leur correspondance, des institutions postales du gouvernement, conformément aux stipulations de l'art. 11 du traité de Tien-tsin et de l'art. 12 du traité de

Pékin. Les autorités chinoises, auxquelles ils s'adresseront à ces fins, leur prêteront aide et assistance.

La ville de Tourfan n'étant pas une localité ouverte au commerce étranger, le droit d'y établir un consulat ne saurait être invoqué comme précédent pour obtenir un droit analogue par rapport aux provinces intérieures et à la Mandchourie.

ART. XI. Les consuls russes en Chine communiqueront, pour affaires de service, soit avec les autorités locales de la ville de leur résidence, soit avec les autorités supérieures de l'arrondissement ou de la province, suivant que les intérêts qui leur sont respectivement confiés, l'importance des affaires à traiter et leur prompte expédition l'exigeront. La correspondance entre eux se fera. sous forme de lettres officielles. Quant aux règles d'étiquette à observer lors de leurs entrevues et, en général, dans leurs relations, elles seront basées sur les égards que se doivent réciproquement les fonctionnaires de deux puissances amies.

Toutes les affaires qui surgiront sur territoire chinois, au sujet de transactions commerciales ou autres, entre les ressortissants des deux États, seront examinées et réglées, d'un commun accord, par les consuls et les autorités chinoises.

Dans les litiges en matière de commerce, les deux parties pourront terminer leurs différends à l'amiable, au moyen d'arbitres choisis de part et d'autre. Si l'entente ne s'établit pas par cette voie, l'affaire sera examinée et réglée par les autorités des deux États.

Les engagements contractés par écrit, entre sujets russes et chinois, relativement à des commandes de marchandises, au transport de celles-ci, à la location de boutiques, de maisons et d'autres emplacements, ou relatifs à d'autres transactions du même genre, peuvent être présentés à la légalisation des consulats et des administrations supérieures locales, qui sont tenus de légaliser les documents qui leur sont présentés. En cas de non-exécution des engagements contractés, le consul et les autorités chinoises aviseront aux mesures capables d'assurer l'exécution de ces obligations.

ART. XII. Les sujets russes sont autorisés à faire, comme par le passé, le commerce en franchise de droits dans la Mongolie soumise à la Chine, tant dans les localités et les aïmaks où il se trouve une administration chinoise, que dans ceux où il n'en existe point.

Les sujets russes jouiront également de la faculté de faire le commerce en franchise de droits, dans les villes et autres localités des provinces d'Ili, de Tarbagataï, de Kachgar, d'Ouroumtsi et autres, situés sur les versants nord et sud de la chaine du Tian-chan, jusqu'à la Grande-Muraille. Cette immunité sera abrogée, lorsque le développement du commerce nécessitera l'établissement d'un tarif douanier, conformément à une entente à survenir entre les deux gouvernements.

Les sujets russes pourront importer dans les susdites provinces de la Chine, et en exporter toute espèce de produits, de quelque provenance qu'ils soient. Ils pourront faire des achats et des ventes, soit au comptant, soit par voie d'échange; ils auront le droit d'effectuer leurs paiements en marchandises de toute espèce.

ART. XIII. Dans les localités où le gouvernement russe aura le droit d'établir des consulats, ainsi que dans la ville de Kalgan, les sujets russes pourront construire des maisons, des boutiques, des magasins et d'autres bâtiments, sur les terrains qu'ils acquerront par voie d'achat, ou qui leur seront concédés par les autorités locales conformément à ce qui a été établi pour l'Ili et le Tarbagataï, par l'article 13 du traité de Kouldja de 1851.

Les privilèges accordés aux sujets russes, dans la ville de Kalgan, où il n'y aura pas de consulat, constituent une exception qui ne saurait être étendue à aucune autre localité des provinces intérieures.

ART XIV. Les négociants russes qui voudront expédier de Russie, par voie de terre, des marchandises dans les provinces intérieures de la Chine, pourront, comme autrefois, les diriger par les villes de Kalgan et de Toun-tcheou, sur le port de Tien-tsin, et, de là, sur d'autres ports et marchés intérieurs, et les vendre dans ces différentes localités.

Les marchands se serviront de cette même voie pour exporter en Russie des marchandises achetées, tant dans les villes et ports susnommés, que sur les marchés intérieurs.

Ils auront également le droit de se rendre, pour affaires de commerce, à Soutcheou (Tsia-yu-kouan), point terminal des caravanes russes, et ils y jouiront de tous les droits accordés au commerce russe à Tien-tsin.

ART. XV. Le commerce par voie de terre, exercé par les sujets russes dans les provinces intérieures et extérieures de la Chine, sera régi par le règlement annexé au présent traité.

Les stipulations commerciales du présent traité ainsi que le règlement qui lui sert de complément, pourront être revisés après un intervalle de dix ans révolus, à partir du jour, de l'échange des ratifications du traité; mais si, dans le courant de six mois avant l'expiration de ce terme, aucune des parties contrac tantes ne manifeste le désir de procéder à la revision, les stipulations commerciales, ainsi que le règlement, resteront en vigueur pour un nouveau terme de dix ans.

Le commerce par voie de mer des sujets russes en Chine sera soumis aux règlements généraux établis pour le commerce maritime étranger en Chine. S'il devient nécessaire d'apporter des modifications à ces règlements, les deux gouvernements établiront une entente à ce sujet.

ART. XVI. Si le développement du commerce russe par voie de terre provoque la nécessité de l'établissement, pour les marchandises d'exportation et d'importation en Chine, d'un tarif douanier, plus en rapport que les tarifs actuellement en vigueur avec les nécessités de ce commerce, les gouvernements russe et chinois procéderont à une entente à ce sujet, en adoptant, pour base de la fixation des droits d'entrée et de sortie, le taux de cinq pour cent de la valeur des marchandises.

Jusqu'à l'établissement de ce tarif, les droits d'exportation, prélevés sur quelques espèces de thés de qualités inférieures, actuellement imposés au taux établi pour le thé de qualité supérieure, seront diminués proportionnellement à leur valeur. Il sera procédé à la fixation de ces droits, pour chaque espèce de thé, par une entente entre le gouvernement chinois et l'envoyé de Russie à Pékin,

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