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MÉLANGES

I

Pastiche Chinois

En bateau 1.

Une barque de cèdre et des rames d'ébène,
Des voix tendres chantant sous les rouges falots,
Du vin d'or parfumant la blanche porcelaine....
J'emmène le plaisir avec moi sur les flots!

Tandis que, chevauchant sur leurs cigognes jaunes2,
Les esprits immortels m'attendent dans les cieux,
Moi, j'erre insouciant sous la fraîcheur des aulnes
Parmi les blancs oiseaux du lac silencieux !

Joyeux, voguons au son d'une musigue folle,
Effeuillons les lotus que nous ferons plier,
Et si les fleurs se fanent et si l'heure s'envole
Buvons, ô mes amis, afin de l'oublier!

T. CHOUTZÉ.

1) Imité de deux poésies chinoises du vir siècle, l'une de Li Taï-pe, l'autre de Ouang-Oey, toutes deux traduites par M. le marquis d'Hervey-Saint-Denys dans son recueil de Poésies de l'époque des Thang, pp. 8 et 203.

1) Les personnages de la mythologie Tao-sse qui ont obtenu l'immortalité voyagent dans les airs, montés sur des cigognes jaunes (H..St.-D.)

II

Souvenirs de Pékin

La prière au temple de OUO-FOH-SSE 1.

Un appel vibre encor sur la cloche de bronze.
Des coups lents et rythmés ont donné le signal;
Devant le Bouddha d'or au torse colossal,

Au front puissant, vient s'agenouiller le Grand Bonze.
D'autres viennent après, un à un, tête nue,

Le crane bien rasé. Leurs robes jaune feu
Dans les vapeurs du SIANG 2 s'effacent peu à peu,

Et l'on distingue à peine une forme perdue.

La prière commence, à voix basse et très lente,
Murmure continu que l'on dirait pareil
Au bourdonnement sourd d'une ruche au soleil
Ou bien au bruit lointain de la vague montante.

Mais bientôt se dégage une musique étrange :
Le Vieux Chef a frappé la grenouille de bois,
Le tambourin laqué sur son socle chinois
Marque le mouvement qui s'anime et qui change,

Le gigantesque gong comme la foudre tonne,
Le chant se précipite et les bonzes en chœur
Hurlent comme des fous, formidable clameur,

Sons rauques et confus, tout tremble et tout résonne........

Lui, le dieu calme et bon, sait qu'il doit tout entendre;
A ce tumulte affreux il sourit finement,

Mais des prêtres il voit le saint recueillement....

Et le Bouddha géant semble ne plus comprendre.

1) Temple du Foh couché, à l'ouest de Pékin.

2) Bâtonnet que l'on brûle comme cierge et comme encens.

3) Tambour de bois laqué rouge ayant la forme d'une grenouille.

C. D.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

China. By Robert K. Douglas, of the British Museum, and Professor of Chinese at King's College London. With Map. Pu-blished under the direction of the Committee of General Literature and Education appointed by the Society for Promoting Christian Knowledge. London, 1882, in-8, pp. 400, 2 ff. prél.

Il ne faut pas demander à cet ouvrage ce qu'il n'a pas l'intention de donner. C'est un livre populaire, n'ayant aucune prétention scientifique, compilé d'après les travaux de Legge, de Gray, de Doolittle, de Mayers, de Davis, etc. La lecture en est agréable, ne fatigue en aucune façon par des aperçus originaux ou des découvertes

nouvelles. Quelques gravures complètent un texte destiné évidemment à des lecteurs qui n'ont jamais ouvert un livre sur la Chine et qui désirent avoir quelques-unes des connaissances générales que doit posséder tout homme sur chaque contrée du globe. Il est parfaitement inutile à toute autre classe de lecteurs.

Among the Sons of Han. Notes of a Six years' residence in various parts of China and Formosa. With Map. By Mrs. Thomas Francis Hughes. London, Tinsley Brothers, 1881, in-8, pp. vi304.

Encore un de ces livres bien anodins dont la suppression ne laisserait aucun vide dans la masse énorme de livres relatifs à la Chine. Depuis dix ans tout voyageur, homme ou femme, qui fait le voyage de Marseille à Shanghaï par Suez et Pointe de Galles, séjourne dans quelques ports de Chine, éprouve le besoin naturel de faire part de ses

impressions dans des lettres à ses amis. Les compliments suivent; l'on cède à une douce violence et l'on tire d'une correspondance, souvent fort agréable pour les intimes, un volume souvent fort médiocre pour les indifférents. Le livre que nous avons devant nous rentre dans cette catégorie d'ouvrages dont on n'a à dire ni bien ni mal; les erreurs

qui peuvent s'y trouver ne feront de mal à personne : ceux qui connaissent la Chine n'ayant pas besoin de l'ouvrir; ceux qui ne la connaissent pas le liront que comme passe-temps

dans un voyage en chemin de fer; comme il est écrit dans un style léger, il n'ennuiera pas plus que n'importe quel autre ouvrage du même genre.

TRÜBNER'S Catalogue of Dictionaries and Grammars of the Principal Languages and Dialects of the World. Second Edition, considerably enlarged and revised, with an alphabetical index. A Guide for Students and Booksellers. London, Trübner, 1882, in-8, pp. vш-170.

La première édition de ce livre contenait 1,100 titres et 64 pages; celle-ci renferme 3,000 titres et 170 pages; dans la préface les éditeurs nous préviennent que les additions ont été faites en majeure partie par M. Hiersemann. C'est un bon catalogue de vente, à des prix généralement assez élevés, mais qu'il ne faudrait pas prendre pour une bibliographie scientifique des dictionnaires et des grammaires. Ainsi, le dictionnaire de Callery, Macao, 1841, 2 vol. in-8, est porté avec des titres différents, des prix différents à deux pages différentes: pages 32 et

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OUVRAGES RECUS:

The Mind of Mencius... By the Rev. E. Faber; translated from the German by the Rev. Arthur B. Hutchinson. - Anton von Schiefner's Tibetan Tales... done into english from the German by W. R. S. Ralston. - Maxwell's Manual of the Malay Language. - Ad. F. de Fontpertuis. Chine, Japon, Siam et Cambodge. D. C. Boulger's History of China, vol. II: The Chinese... By W. A. P. Martin, D. D. Cornelio Desimoni. Pero Tafur i suoi Viaggi... -L'Encre de Chine par Maurice Jametel. Études sur divers points d'astronomie et de chronologie indienne par M. Allégret.

Des comptes rendus de ces ouvrages seront donnés dans les prochains numéros de la Revue.

CHRONIQUE

I

FRANCE.

On mène grand bruit depuis quelques jours autour d'un livre de M. le comte d'Hérisson sur la Campagne de Chine. C'est, croyons-nous, faire much ado about nothing. Nous ne nous expliquons nullement la saisie du livre qui a été faite au nom de M. le Ministre de la Guerre. L'ouvrage de M. le comte d'Hérisson n'est en effet appelé à faire aucune sensation parmi les gens au courant des choses de l'Extrême-Orient. Il pourra nous fournir quelques documents inédits, donner des détails complémentaires sur des faits déjà connus, ajouter aux portraits de personnages que d'autres actions ont mis en évidence, autant sinon plus que l'expédition de Chine, mais il ne nous révélera rien d'assez im portant pour modifier l'opinion que l'on peut avoir sur cette guerre. Et cela, grâce aux Anglais, dont on prétend ménager aujourd'hui les susceptibilités.

Si nous n'avions que le Livre jaune formé de dépêches mutilées du baron Gros ou les récits de quelques officiers français publiés sous l'œil vigilant d'une censure militaire ou politique, nous pourrions attendre avec impatience les révélations de l'ouvrage de M. d'Hérisson; mais, heureusement pour l'historien, les Anglais n'apportent pas dans la publication de documents contemporains la même réserve que nous. Nous ne parlons pas de cette nuée d'articles, de cette série de volumes écrits, tantôt par un correspondant du Times, comme G. Wingrove Cooke, tantôt par un aumônier comme M' Ghee, soit par un médecin, Rennie, soit par un officier, G. Wolseley, mais bien de publications officielles. Il n'y a pas moins de quatorze blue books sur la Chine publiés pendant l'année 1860. Les deux secrétaires particuliers de Lord Elgin, l'ambassadeur anglais, Laurence Oliphant qui ne nous est pas précisément favorable, et Henry Brougham Loch, nous ont raconté, l'un dès 1859, l'autre en 1870, l'histoire des deux missions de leur maître. Les récits de ces secrétaires ont été complétés en 1872 par la publication des lettres mèmes et des journaux de Lord Elgin ! Et l'on a fait des

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