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gers. Laviron, chargé par le ministre de la guerre de former une légion étrangère, invite tous ceux qui voudront combattre pour la cause de la liberté, à se présenter à la Pillota où ils seront immédiatement inscrits et organisés en légion. Oublions, pour l'honneur de notre pays, que cet homme a porté les épaulettes d'artilleur de la garde nationale de Paris.

Les brigandages exercés par les soldats des corps francs, à Rome et dans les campagnes, avaient pris un tel caractère de gravité, que le ministre de la guerre menaça pour la troisième fois de jugements militaires les soldats qui se rendraient coupables de réquisitions arbitraires et d'arrestations. Il se plaint amèrement de ce qu'ils perdent la République par des actes infinis de scandale, de bassesse et de cupidité.

Les triumvirs, de leur côté, instituent une commission chargée de juger sévèrement tous les actes de violence contre les personnes et de rapine contre les propriétés. Sterbini, lui-même, nommé conservateur des monuments, va plus loin, il rend justice à ses auxiliaires en lançant une proclamation dans laquelle il déclare que les ennemis de la République ont acheté des bandes de voleurs pour piller les propriétés particulières et nationales, pour dévaster les monuments; que déjà l'action scélérate de ces infâmes s'est manifestée en plusieurs

lieux; que le cri universel dans Rome est : Mort aux voleurs.

Comme on le voit les gouvernants de Rome en contradiction permanente avec leurs proclamations apprenaient eux-mêmes à l'Europe civilisée quelle était la nature des éléments chargés au nom de Dieu et du peuple de sauver la république romaine. Cet état d'anarchie officiellement avoué, ces attaques incessantes contre les propriétés et les monuments de la ville éternelle agrandissant la question, la rendaient européenne; l'intervention de l'armée française était plus que justifiée dans son but et dans ses moyens.

Le 7 mai le gouvernement romain conseillé par le comité démocratique de Paris, décida que les deux cent cinquante prisonniers, faits le 30 avril, seraient rendus solennellement à l'armée française. << La générosité est la vertu des hommes forts, avait dit Mazzini à ses collègues. Elle est aussi parfois, avait répondu le méticuleux Armellini, le sage calcul d'une habile politique. » Quoi qu'il en soit ce fait devint pour les Romains un moyen d'habile hypocrisie et pour nos soldats une occasion de loyale fermeté. Ceux-ci avaient su résister aux menaces de la violence, ils ne faiblirent point devant les charmes de la séduction. Après un discours perfidement adroit de citoyen Philopanti, le premier député qui avait formulé la déchéance de la papauté,

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les prisonniers s'avancèrent triomphalement, pour ainsi dire, à travers les rues de la ville. Une foule immense, parée comme aux jours de fêtes, les escortait aux cris mêlés de: vive la république française! vive la république de Rome! A chaque instant la colonne se trouvait arrêtée pour subir d'astucieuses avances. Pressions de main, libations exquises, pluie de fleurs, accolades fraternelles, baisers de femmes, offres d'argent, d'honneurs et d'amour, rien ne fut épargné pour arriver au cœur inaccessible des soldats de la France. Ils rejoignirent dans la journée du 8 leurs frères d'armes qui les reçurent avec joie sans songer à les féliciter de leur fidélité au drapeau..

Le renvoi des prisonniers, répétons-le, émanait essentiellement d'un calcul politique; le triumvirat espérait par ce moyen se créer des partisans parmi l'armée française. On en trouve la preuve dans l'extrait d'une lettre que Mazzini lut le même jour en séance publique à l'Assemblée constituante: « Vous connaissez, dit-il, notre décision à l'égard des prisonniers français. Nous envoyons ainsi des apôtres dans le corps expéditionnaire, et nous contribuons puissamment par cet acte au developpement de l'opinion en notre faveur qui devient chaque jour plus forte en France. Les nouvelles de Paris sont bonnes. »

La veille le triumvirat avait publié en français

une proclamation pour exciter à la révolte et à la désertion les hommes que le lendemain ils devaient rendre libres.

Le général en chef répondit par de chevaleresques représailles à la mise en liberté des deux cent cinquante prisonniers. Il renvoya au gouvernement romain le bataillon de huit cents hommes qu'il s'était vu contraint de désarmer à Civita-Vecchia. En même temps il réclama de nouveau la liberté du lieutenant-colonel Leblanc et du capitaine Boissonet,qui envoyés en parlementaires dès le jour du débarquement, avaient aussi été retenus prisonniers à Rome contre le droit des

gens.

La mauvaise foi et l'esprit de parti avaient travesti en France les résultats de la journée du 30 avril. Les hommes du parti qui tirait à la Bidassoa sur le drapeau français et souhaitaient plus tard une tempête à l'armée qui traversait la mer pour donner à la France les provinces de l'Algérie, en échange d'un coup d'éventail, ces mêmes hommes entonnaient un Te Deum démocratique en l'honneur du prétendu triomphe remporté par les armes romaines sur leurs compatriotes. L'Assemblée constituante elle-même, travaillée par l'opposition montagnarde, surprise par la calomnie, perdant le sens patriotique, prononçait un vote qui blâmait formellement la marche de l'armée sur Rome.

Étrange revirement de la pensée humaine, on

vit ce jour-là s'allier dans un vote anti-national ceux-là mêmes qui avant le 10 décembre avaient réuni à Marseille le corps expéditionnaire destiné à protéger la papauté dans ses droits et son au

torité.

La presse démagogique ne voulut pas rester en arrière de l'Assemblée législative, elle la surpassa. L'une avait blâmé, l'autre se fit l'insulteur public de l'armée.

Répudiant son titre, le National, après avoir dit: «Que nos soldats aient été vaincus ou vainqueurs, peu importe, » prononce ces incroyables paroles: « Ce sont nos amis qui sont contraints de repousser à main armée nos coupables agres

sions. >>

La Démocratie pacifique est non moins explicite: << Le Dieu de justice, dit-elle, le Dieu des nations opprimées, a donné la victoire au bon droit.>> Puis, versant de feintes larmes sur la honte prétendue de nos troupes, elle s'écrie: Cette honte leur était due.

Le Peuple va plus loin, digne émule de cet autre peuple qui avait assassiné le général Bréa, il insulte aux cadavres de nos soldats; il exalte en un concert de reconnaissance la gloire des vainqueurs du 30 avril : « Courage, et toujours du courage, s'écrie-t-il; non, tout n'est pas désespéré...>>

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