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Goulard refusa également de donner lecture en chaire de l'Instruction ainsi que ses vicaires, mais le maire de Roanne se rendit, le 20 février, à la messe et lut le décret de l'Assemblée.

A Saint-Bonnet-le-Château, D. Farges, curé, ne voulut pas lire l'instruction et refusa d'en ordonner la lecture; dans cette situation, le premier officier municipal, Malboz, en l'absence du maire, pria le vicaire, A. U. S. Faure, de faire cette lecture. Après le prône, ce prêtre monta en chaire et commença, mais le curé l'interrompit, il en résulta un scandale dans l'église ; néanmoins la lecture put se terminer. Le Conseil général de la commune décida de dénoncer au procureur-général syndic du département et au procureur-syndic du District de Montbrison, la conduite du curé Farges.

CONDUITE DE GOULARD

Goulard, après avoir refusé le serment constitutionnel, ne s'était pas rendu à l'Assemblée où le devoir l'appelait; demeuré à Roanne, il se distinguait par son acharnement à critiquer les décrets concernant le Clergé et il était en réalité, dans le District, le chef des partisans de l'Eglise ultramontaine.

Dès le mois de mars, le Directoire du département avait déclaré comme non avenus son serment et ceux de ses trois vicaires et le Directoire du District avait appelé l'attention des officiers municipaux sur les discours tenus en chaire par le curé en les invitant à faire cesser un scandale qui pouvait avoir des conséquences dangereuses. Dans un sermon du 15 mars, quelques jours après l'élection de Lamourette, il avait annoncé que « l'abomination de la désolation était dans le diocèse et que l'on devrait repousser de l'autel l'impie, l'intrus qui le remplacerait ».

Le Directoire recommandait de s'assurer des délits de Goulard et de le dénoncer à l'accusateur public (1).

Les délits étaient connus et Populle, maire de la ville, les porta à la connaissance du Directoire du département dans un mémoire. Goulard représentait comme une persécution contre l'Eglise les principes constitutionnels décrétés par l'Assemblée ; il dénonçait comme schismatiques et intrus les évêques et curés nommés par les électeurs; il déclarait que la hiérarchie de l'Eglise était interrompue et que les évêques n'étant plus les successeurs des apôtres, les sacrements qu'ils donneraient seraient nuls dans leurs effets; en un mot, il troublait et alarmait les consciences.

Goulard était en congé pour raison de santé : or, il montait trois fois en chaire par jour, lisait le procès-verbal. La municipalité suppliait le Directoire de solliciter de l'Assemblée, le rappel de ce député; « le bon ordre de la ville, affirmait le maire, et la tranquillité dans les opérations qu'exigent les lois constitutionnelles sur le Clergé pouvaient en dépendre » (2).

Le Directoire du département, dans une lettre adressée au président de l'Assemblée nationale, insista vivement pour obtenir le rappel de Goulard. « Il ne craint pas, dit le Directoire, de débiter les maximes les plus attentatoires à l'autorité des lois. Il multiplie journellement le nombre de ses prosélytes et il serait peut-être dangereux de procéder à son remplacement selon la forme des décrets. D'ailleurs, le caractère d'inviolabilité à l'abri duquel ce fonctionnaire se livre à tous ces excès, ne contribue pas peu à l'enhardir à la manifestation de ces dangereux principes » (3).

(1) Arch. départ. de la Loire. 17 mars 1791 ; L. 219.

Correspondance du District de Roanne,

(2) Arch. nat.

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Mémoire de Populle, maire de Roanne, aux administrateurs du Directoire de Rhône-et-Loire. C. 129.

(3) Arch. parlement. de 1787 à 1799, tome 24, procès-verbal de la séance du 22 mars 1791.

L'Assemblee nationale rendit en conséquence le décret suivant dans sa séance du 22 mars :

« L'Assemblée nationale, ouï la lecture d'une lettre des administrateurs composant le Directoire du département de Rhôneet-Loire et d'une pétition de la municipalité de la ville de Roanne, décrète que M. Goulard, l'un de ses membres, absent par congé, se rendra à ses fonctions dans le délai de huit jours après la réception de la lettre du Président, que le Directoire dudit département sera chargé de lui faire remettre par ladite municipalité de Roanne; et au surplus, considérant que l'inviolabilité des représentants de la Nation, relativement aux délits commis hors de leurs fonctions, n'empêche point les tribunaux d'informer sur ces mêmes délits suivant les formes ordinaires, cette inviolabilité les obligeant seulement de soumettre, avant le décret, les informations au Corps législatif, qui seul a le droit de déclarer qu'il y a lieu à accusation contre un de ses membres, l'Assemblée passe à l'ordre du jour ».

Le 2 avril, la municipalité de Roanne reçut du président de l'Assemblée une lettre l'invitant à notifier à Goulard le décret ci-dessus; le député du Clergé du Forez s'y conforma.

ÉLECTION DE LAMOURETTE

De Marbeuf, archevêque de Lyon, ne consentait ni à prêter le serment constitutionnel, ni à résider dans son diocèse, malgré les avertissements de l'administration. La municipalité de Lyon le dénonça et le procureur-général syndic du département avisa les électeurs que la nomination de son successeur aurait lieu le 27 février 1791.

Dès que cette nouvelle fut annoncée, les adversaires de la Constitution civile entreprirent une propagande active contre le

nouvel état de choses. D'abord une brochure intitulée Lettre aux Electeurs fut distribuée dans tout le département. Ensuite, de Marbeuf intervint et, dans un Avertissement pastoral, envoyé également aux électeurs (8 février 1791), il interprétait à son gré les lois de l'Eglise, confondait sans cesse l'exercice de l'autorité spirituelle avec celui de l'autorité civile, déclarait que le siège archiepiscopal n'était pas vacant et que tout successeur qui lui serait donné dans cette situation serait un intrus, un usurpateur; de même toute élection ayant pour objet de nommer à ce siège serait d'une nullité absolue. Il frappait d'anathème son successeur, les ministres qui lui obéiraient et les fidèles qui le reconnaîtraient. Il considérait le territoire confié à sa sollicitude pastorale comme une propriété dont on ne pouvait le dépouiller sans se rendre coupable de sacrilège. En terminant, de Marbeuf s'exprimait ainsi :

<< En conséquence, nous déclarons intrus et schismatique, l'ecclésiastique qui aura, d'après une telle élection, la témérité << d'envahir et d'occuper notre siège. Déclarons, en outre, nuls « et de nul effet tous les actes de juridiction épiscopale qu'il << ferait dans son diocèse.

<< Déclarons également nulles et de toute nullité, les élections <<< qui se feraient ou qui se seraient faites des curés de notre << diocèse, d'après les formes nouvelles, et spécialement dans le <«< cas où lesdites cures ne seraient point canoniquement << vacantes. Nous prononçons la nullité de tous les actes de « juridiction que feraient ces curés intrus.

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« Nous déclarons nulles et de nul effet, sous le rapport de la juridiction spirituelle, toutes les érections de paroisses en circonscriptions de territoire, soit dans la ville de Lyon, soit << dans notre diocèse, lesquelles auraient été faites, ou se << feraient sans être autorisées par une ordonnance émanée << de nous.

<< Protestons, de la manière la plus formelle et la plus expresse, << contre l'élection qui se fera ou qui serait faite pour nous << donner un successeur, tant que notre siège ne sera pas légiti<<< mement vacant. Appelons de cette injustice notoire et de cette

<<< violation de notre propriété, au défaut de tous les tribunaux << auxquels nous puissions recourir, et dénonçons cet attentat << contre l'autorité et la juridiction que nous tenons d'un droit <divin, à l'église catholique, au saint-siège et au premier << concile national ou œcuménique qui se tiendra.

<<< Déclarons les électeurs qui auraient procédé ou qui procé«deraient à l'élection d'un archevêque de Lyon responsables << devant Dieu, quant au salut des fidèles de notre diocèse, de <<< toutes les suites funestes qui résulteraient de cette démarche ».

C'est ainsi que l'ancien archevêque de Lyon cherchait à épouvanter les consciences, à forcer à la résistance aux lois les ecclésiastiques timorés, et à porter le trouble au milieu d'un troupeau qu'il n'avait jamais consolé par sa présence.

Un mois plus tard, le Directoire de Rhône-et-Loire improuvait l'avertissement dont de Marbeuf était l'auteur, comme séditieux, plein de fausses maximes, propre à jeter l'alarme dans les consciences, à tromper le peuple et à troubler la tranquillité publique, et comme attentatoire au respect dû aux lois du Royaume. Il en ordonna l'envoi à l'Assemblée nationale et le dénonça à l'accusateur public près le Tribunal du District de Lyon pour informer contre de Marbeuf; enfin, il en défendit la lecture publique dans les églises et autres lieux.

Le maire de Montbrison transmit l'arrêté du Département aux différents curés de la ville avec invitation d'en faire lecture à l'issue de l'office, comme le prescrivait ledit arrêté. Le curé de Saint-André se conforma à cette instruction, mais les autres n'en tinrent aucun compte ; pour y suppléer, le procureur de la commune demanda que des membres du Conseil donnassent connaissance de l'arrêté, le premier dimanche, à l'issue de la messe, dans les églises de la Madeleine, de Saint-Pierre et de Sainte-Anne. Le Conseil approuva et la lecture eut lieu.

Captier, curé de Parigny, avait refusé également de se conformer à l'arrêté et, le 27 mars, le maire et les officiers municipaux du Coteau se rendirent avec un piquet de la Garde nationale

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