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Le manque de monnaie divisionnaire donnait naissance à l'arbitrage qui désolait les campagnes de tout le Département. L'Assemblée municipale de Saint-Germain-Laval constatait que l'on demandait sur un assignat de 5 livres jusqu'à 50 sols d'escompte et il demandait aux administrateurs du District de Roanne la faculté d'émettre dans le canton les billets de confiance auxquelles la municipalité de Roanne se proposait de donner cours, persuadée que les bons citoyens de la commune souscriraient pour assurer la sûreté des mandats à créer. Le Directoire accorda l'autorisation de mettre en circulation les billets de confiance émis par la ville de Roanne et le Conseil de Saint-Germain décida qu'il en serait delivré provisoirement pour 300 livres et enjoignit aux citoyens de les recevoir comme argent monnayé.

Peu après, à la veille des massacres, ia même administration, pour faciliter l'échange des petits assignats, permit l'émission de billets de confiance pour une somme de 3.000 livres, dont 1.000 livres en billets de 2 sols (1).

DEMOLITION DU CHATEAU DE SAINT-CHAMOND

Au commencement du mois de mai, des troubles se manifestèrent sur certains points du département; le manque de troupes et l'organisation très imparfaite de la garde nationale à ce moment laissaient possibles de tels mouvements.

Gallet de Montdragon était propriétaire à Saint-Chamond d'un château que Melchior Mitte, ancien marquis de Saint-Chamond, avait fortifié avec la permission du roi; ce dernier l'avait fait défendre par cinq bastions qui, avec les courtines et le fossé,

(1) Mairie de Saint-Germain-Laval. des 14 et 21 mars et 18 juin 1792.

· Registre des délibérations. Séances

étaient revêtues de pierres de taille. De Montdragon était considéré comme émigré; ses biens étaient donc mis sous séquestre et les revenus étaient versés dans les caisses de l'Etat ; en même temps, les habitants de la ville, égarés par les discours de gens intéressés à troubler l'ordre, ne supportaient qu'avec peine la vue des tourelles du château qui leur rappelaient une époque de servitude et de privilèges.

Le 7 mai, à deux heures du soir, le peuple se rendit en foule au château et, là, il démolit une partie des tours et des bastions. Le corps municipal, averti de cette émeute, se transporta au château pour dissiper l'attroupement, mais il ne put obtenir l'ouverture des portes. De retour dans la salle commune, il enjoignit aux officiers de la garde nationale, par voie de réquisition, de prêter leur secours pour dissiper l'attroupement et empêcher la démolition du monument; les officiers répétèrent en vain les appels ils ne purent rassembler leur troupe et l'attroupement finit par se dissoudre seul.

Le lendemain, le Directoire du District de Saint-Etienne, attendu que, Gallet étant émigré, ses biens étaient affectés à l'indemnité due à la Nation, fit établir l'inventaire des meubles et effets mobiliers du château, et dresser procès-verbal des démolitions et dégradations subies par celui-ci.

Le même jour, le Directoire du Département arrêtait que la municipalité de Saint-Chamond, le juge de paix et les gardes nationales seraient tenus, sous leur responsabilité, d'employer tous les moyens indiqués par la loi pour faire cesser les troubles et prévenir de plus grands désordres; il ordonnait aussi d'assigner, pour comparaître devant le Tribunal du District de SaintEtienne, les auteurs, fauteurs ou complices, à l'effet de voir prononcer la responsabilité et parvenir à rétablir dans son entier le gage de l'indemnité due à la Nation.

Les maires et officiers municipaux de Saint-Chamond étaient aussi assignés pour entendre déclarer, qu'à défaut par eux de s'être conformés aux lois citées ci-dessus, ils avaient encouru la responsabilité et qu'ils étaient solidairement condamnés à faire

réparer le dommage avec les auteurs des démolitions; ce dommage serait estimé à dire d'experts.

Le Directoire du District de Saint-Etienne, s'expliquant sur l'origine des troubles, écrivait aux administrateurs du Directoire du Département, que le défaut de force publique organisée rendait difficile sinon dangereux d'assurer l'exécution de la loi auprès de citoyens égarés et dont l'erreur, toujours coupable au point de vue légal, était cependant excusable aux yeux de la raison, parce qu'ils étaient séduits et mis en action par des factieux possédant le talent de se déguiser sous le masque du patriotisme; « on prêche partout hautement, ajoutait le Directoire, la désobéissance à la loi et le mépris des autorités constituées » (1).

Le Directoire du Département se fit l'interprète du Directoire du District auprès du Ministre de l'Intérieur et réclama l'envoi de troupes.

Les poursuites ne paraissent avoir été entreprises ni contre les autorités ni contre les particuliers, et le château de Saint-Chamond n'éprouva, pour le moment, aucune autre dégradation.

MÉTAL DES CLOCHES SOUS, FLANS

L'Assemblée nationale, par un premier décret du 14 avril 1791, commanda d'entreprendre des expériences sur l'appropriation du métal des cloches à la fabrication de monnaie de billon dont la rareté provoquait des plaintes dans toutes les communes ; les résultats obtenus étant favorables, un second décret des 3-6 août 1791 mit les cloches des églises supprimées à la disposition du Ministre des contributions publiques et ordonna la fabrication d'une menue monnaie avec ce métal; l'hôtel des Monnaies de Lyon était désigné pour recevoir les cloches des départements

(1) Archiv. nation. F. 73254.

voisins et il devait répartir les sous fabriqués contre remise en assignats de la valeur de ces monnaies aux directoires des départements tenus de les distribuer aux directoires de districts; l'hôtel de Lyon, était chargé de pourvoir à l'approvisionnement de six départements: Rhône-et-Loire recevait huit vingtièmes et Saône-et-Loire, Côte-d'Or, Jura, Ain et Isère, douze vingtièmes.

Bientôt un nouveau décret du 29 août 1791 disposa que les vases, meubles et ustensiles de cuivre et de bronze, provenant des communautés, églises et paroisses supprimées, seraient envoyés par les Directoires de Districts aux hôtels de Monnaies les plus voisins ou autres lieux destinés à la fabrication des flans. Les instructions ministérielles portaient que la descente des cloches se ferait à l'entreprise; l'adjudicataire devait les amener au niveau du sol avec précaution et prévoir tout accident; plus tard, cette façon de procéder présentant de graves inconvénients, on décida de briser les cloches pour en faciliter le transport. Ces lois ne recurent que lentement leur exécution, et une proclamation du roi du 20 octobre suivant ordonna de rendre compte des mesures prises dans chaque département pour arriver à ce résultat.

La Monnaie de Lyon, qui tirait une partie du cuivre nécessaire à sa fabrication des mines de Chessy, avait dù chômer pendant l'été jusqu'au mois de novembre, à cause de la sécheresse qui dura du 15 juillet au 20 octobre et qui avait obligé d'interrompre l'exploitation des mines; les travaux recommencèrent à la fin de novembre. La fabrication quotidienne était de 660.000 sous d'une valeur de 33.000 livres sur laquelle Saint-Etienne recevait 1.234 livres 10 sous, Montbrison 811 livres 10 sous et Roanne la même somme.

Cependant, un industriel roannais dont nous avons déjà parlé, Alcock, avait conclu avec le pouvoir exécutif un marché pour la fabrication des flans à un prix plus bas qu'aucun autre entrepreneur. On se hâta aussitôt de conduire à Roanne le métal des cloches et les vieux cuivres des églises supprimées pour servir de matière première; les Districts de Lyon, de la Campagne de

Lyon, de Villefranche, de Belley, de Saint-Marcellin, de SaintEtienne, de Montbrison, de Grenoble, de Vienne et de Valence, envoyèrent leurs métaux; les cloches parvenues durant la session de l'Assemblée législative représentaient 33.705 livres poids de marc, les vieux cuivres 1.668 livres, l'une des cloches de Charlieu pesait 2.525 livres; le Pouvoir exécutif avait fait expédier 44.576 livres de cuivre neuf pour allier au métal des cloches trop cassant.

Depuis le 16 décembre 1791, Alcock expédia 48.801 livres pesant de flans de 20 au marc. Ces flans étaient envoyés à l'hôtel des Monnaies de Lyon pour y recevoir l'empreinte, et ils étaient ensuite partagés, en échange d'assignats, entre les différents départements fournisseurs de la matière première.

Cette monnaie, retirée de la circulation par la cupidité à mesure qu'on l'y mettait, eût été loin de suffire aux besoins journaliers du commerce, si elle n'eût été suppléée par les billets de confiance créés par plusieurs municipalités.

Bientôt, pour éviter le transport des flans à Lyon, deux moutons furent installés à Roanne pour leur donner l'empreinte ; à la fin de la Législative, on attendait l'arrivée d'un commissaire monétaire pour mettre l'outil en mouvement.

La descente des cloches ne s'opéra pas dans toutes les communes sans provoquer des désordres. A Ambierle, l'abbé de la Rochefoucauld, prétendant avoir des droits sur l'une des cloches, au lieu de les exposer convenablement, accabla publiquement Alesmonière, commissaire du District de Roanne, des injures les plus grossières; l'administrateur lui infligea les arrêts et, bientôt, le Directoire chargea son procureur-syndic de porter plainte au tribunal de police correctionnelle d'Ambierle l'abbé fut élargi moyennant le versement d'une somme de 10.000 livres (1).

La production des hôtels des Monnaies ne suffisait point aux

(1) Archiv. départ. de la Loire. - Le Directoire du District de Roanne aux administrateurs du département. Roanne, le 1er février 1792. L. 228.

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