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encore, avait été interrompu et que, par la force, on avait arraché une décision à une Assemblée qui n'avait cédé que pour éviter le désordre et sur une demande formulée par une députation qui impuissante pour arrêter un attroupement dans la ville où il s'était formé, était venue prévenir Montbrison des dangers courus.

Le Département ne crut pas davantage devoir recourir à la force pour arrêter de nouveau Archimbaud et il pensa que sa mise en liberté apaiserait la fermentation qui régnait dans la région; suivant lui, il convenait de laisser aller les choses afin de donner aux citoyens égarés le temps de se calmer. Aucun trouble ne se manifesta à Montbrison, où étaient arrivés, le 2 mai, après le départ d'Archimbaud, les cinquante chasseurs réclamés à Roanne, ce qui n'empêcha pas l'administration municipale de demander des armes au Département; le 15 mai, les chasseurs repartirent pour Roanne.

Il convient d'ajouter qu'à la suite de ces mouvements, Gérentet, maire de Saint-Rambert, donna sa démission.

LE CLERGÉ SOUS LA LÉGISLATIVE

Lorsque, par son décret du 2 novembre 1789 accepté par le roi, l'Assemblée nationale déclara que les biens ecclésiastiques étaient à la disposition de la Nation, elle ne le fit qu'à la charge de pourvoir d'une manière convenable aux frais du culte et à l'entretien de ses ministres.

La loi du 12 juillet 1790, pour la Constitution civile du clergé, titre III, détermine la quotité du traitement de chaque fonctionnaire futur, et celle du 24 du même mois, celle du clergé actuel. Mais comme la fixation de ces traitements était subordonnée aux populations et aux revenus de chaque bénéficier, les Directoires de Districts furent chargés de faire les liquidations et

travaux préliminaires pour les mettre en état, le Directoire du Département de les régler. D'après les évaluations, il devait en coûter pour le District de Saint-Etienne une somme annuelle de 293.472 fr. 15.

Les prêtres réfractaires venaient de bénéficier de l'amnistie du 14 juillet; toutes les peines prononcées contre eux avaient été levées et toutes les poursuites commencées avaient été abandonnées; prenant cet acte de clémence pour de la faiblesse, ces hommes continuèrent avec plus d'ardeur la guerre entreprise contre l'ordre de choses établi, guerre sans trève qui se continua dans Rhône-et-Loire jusqu'à la fin de la Révolution.

Lorsque l'Assemblée législative succéda à l'Assemblée nationale, ce département fut donc agité sur bien des points. Beaucoup de localités devinrent le théâtre de désordres fomentés le plus souvent par des anciens desservants, et les administrations départementales recevaient fréquemment des rapports leur signalant une situation déplorable.

Le Conseil du District de Montbrison traçait un tableau des plus attristants des communes de son territoire.

Dans les unes, les esprits égarés par le fanatisme cherchaient à accréditer les erreurs les plus grossières; ils ne voulaient apercevoir qu'irréligion ou schisme dans la sagesse des décrets qui rendaient à l'état ecclésiastique sa primitive splendeur.

Dans les autres, on refusait de reconnaître les prêtres constitutionnels. Leurs jours étaient en danger; le culte était négligé ; le service public souffrait.

Dans d'autres encore, on élevait dans le sein même de la commune, malgré l'unité du dogme et de la foi, un nouveau temple, un nouvel autel. On présentait les ministres, appelés par la loi, comme indignes des fonctions sacrées du sacerdoce.

<<< Partout, disait le Conseil du District, les consciences étaient alarmées, les discussions domestiques désolaient les familles. L'épouse craignait la présence de son époux ; elle voulait s'en

séparer. Le fils fuyait son père, la voix de la nature n'avait plus aucun empire ».

Pour connaître à quels excès on était sur le point de se livrer, il fallait parcourir les cantons de Saint-Bonnet-le-Château, de Saint-Jean-la-Vestre et de Chevrières on y voyait les citoyens armés prêts à en venir aux mains. Les uns, par amour de la Constitution, demandaient que les ministres nouvellement élus exerçassent exclusivement les fonctions publiques; les autres, séduits par l'exemple de leurs anciens pasteurs, étaient les imitateurs aveugles de leur conduite. Les prêtres non conformistes habitaient presque tous les paroisses dont ils avaient été les pasteurs ; d'autres, non sujets au serment, se joignaient à eux pour préconiser leurs opinions, confessaient, baptisaient et administraient les sacrements.

Des communes demandaient à établir un culte particulier. Le Conseil du District, après avoir signalé la situation, était d'avis de s'adresser à l'Assemblée pour fournir les moyens de l'améliorer.

A Saint-Bonnet-le-Château, après l'adoption de l'arrêté du 15 août du District de Rhône-et-Loire permettant l'exercice d'un culte particulier dans un endroit désigné par l'administration, les habitants, en nombre assez considérable, avaient tenu une assemblée qui fut suivie d'un tumulte et d'un désordre effrayant menaçant la sûreté publique; les officiers municipaux n'avaient pris aucune disposition pour maintenir l'ordre et le Directoire du District de Montbrison s'était vu dans l'obligation de mettre la sûreté des personnes sous la sauvegarde et la protection de la municipalité rendue responsable et « attendu les circonstances actuelles, il était sursis à la célébration d'aucun office dans l'édifice particulier portant inscription du culte public protégé par la loi, jusqu'à décision de l'administration du Département » (1). Une décision semblable fut prise envers la paroisse

(1) Arch. départ. de la Loire. Délibération du District de Montbrison, 22 octobre 1791.

de Saint Marcellin où Cherbuet, ancien curé insermenté, suscitait des troubles.

La municipalité de Saint-Bonnet protesta immédiatement et prévint les corps administratifs que le culte autorisé, à la tête duquel étaient Farges, ancien curé, Buhet, ex-vicaire, tous deux réfractaires, Rony et Richard-Montchaut, prêtres non conformistes, troublait l'ordre dans la ville. La Commune ne voyait pas avec plaisir que ces quatre prêtres, déchus par la loi de leurs fonctions, eussent trouvé le moyen de s'immiscer dans l'exercice des mêmes fonctions; le 23 octobre, rassemblés dans une chapelle construite par eux, ils avaient fait une procession autour de cet édifice, décorés du camail, marque distinctive abrogée par les décrets et malgré un arrêté municipal. Ce culte, disait la municipalité, n'était autre chose que la réunion des ennemis de la Constitution (1).

Les différentes questions religieuses causaient aussi des troubles dans le District de Roanne. Des prêtres enthousiastes ou trompeurs présentaient la Constitution civile du Clergé comme contraire aux principes dans lesquels les habitants du pays avaient vécu jusqu'à ce moment et l'horreur qu'ils inspiraient pour elle s'étendait sur toute la Constitution française. Dévouée à ses anciens pasteurs, la population des campagnes repoussait ceux que les suffrages des électeurs leur avaient donnés, et elle montrait hautement l'exemple de la désobéissance aux lois.

Le Directoire du District ne cessa d'employer les voies de douceur et de persuasion pour ramener les esprits égarés et prévenir des combats entre les deux partis, presque aussi intolérants l'un que l'autre.

Le Conseil voulut suivre la voie tracée par le Directoire et faire sentir, aux uns, que la tolérance s'arrêtait au moment où l'ordre public était troublé, aux autres, que c'était aux magistrats seuls

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(1) Arch. départ. de la Loire. Registre des délibérations du Conseil municipal de Saint-Bonnet-le-Chateau. 23 octobre 1791, L. 372.

à protéger cet ordre, et que des menaces et des persécutions de leur part seraient un abus de la force que la loi repoussait.

Si l'on entre dans les détails, on constate bientôt que les moyens préconisés par le District de Roanne furent sans résultat et que les exemples d'insoumission à la loi étaient fréquents.

Dès que Goulard fut de retour à Roanne, il se distingua par son langage inconstitutionnel et, le 10 novembre, la municipalité, pour le soustraire à la fureur populaire, le fit conduire dans la maison d'arrêt; deux jours après, on le mit en liberté.

Lespinasse, ex-curé de Saint-Just-la-Pendue, était l'un des prêtres réfractaires les plus ardents. Une première fois, remplacé par Bouquin, il avait eu le secret de l'intimider et de lui faire donner sa démission en indisposant la population contre lui et contre la Constitution civile du Clergé. De même, il était parvenu à empêcher la prise de possession de Désestrait, second curé élu de Saint-Just qui, quoique assisté de troupes et de gardes nationales, fut repoussé et chassé par les citoyens aveuglés et trop confiants en leur ancien pasteur. Le Directoire du District de Roanne constatait que les désordres coupables et réitérés avaient existé, qu'ils n'avaient eu lieu que par les insinuations de Lespinasse et de son vicaire, que quatre-vingts gardes nationaux avaient failli être égorgés, et il demandait d'appliquer à l'ancien curé les dispositions de l'arrêté du 31 août (1). Quelques jours après, les officiers municipaux conseillaient de patienter, et ils espéraient arriver à rétablir l'ordre.

Le curé de Saint-Symphorien-de-Lay donna également sa démission; la population demanda un prêtre desservant à · l'évêque, en attendant la réunion des électeurs; le 17 décembre, le Conseil métropolitain fit droit à cette demande.

La commune de Cordelles était troublée depuis le remplacement de l'ancien curé; la municipalité était en butte aux insultes et aux menaces pour avoir installé le curé constitutionnel qui, de son côté, n'était pas mieux partagé. Le 16 octobre, 100 jeunes

(1) District de Roanne. L. 171..

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