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tion de Roanne comparaissaient devant Charles Populle, maire de la Ville, dans la grande salle de l'Assemblée du département, sur l'invitation de Michon-Dumarais, procureur-syndic, afin d'exposer leurs vœux relatifs à la future Assemblée des EtatsGénéraux. Ils les formulèrent ainsi :

1o Que dans la convocation prochaine des Etats-Généraux, la ville de Roanne ait le droit d'envoyer des députés en nombre proportionné à son commerce et à l'étendue de son territoire, comme étant le chef-lieu d'une sénéchaussée créée au mois de septembre 1645;

2o Que les députés du Tiers-Etat soient en nombre égal à ceux des autres Ordres réunis ;

3o Que les députés qui représenteront le Tiers-Elat ne puissent être pris que parmi les citoyens qui sont véritablement de cet. Ordre, sans qu'ils puissent être choisis ni parmi les ecclésiastiques, ni parmi les nobles, ni parmi les anoblis;

4o Qu'il soit statué que, dans l'Assemblée des Etats Généraux, les Ordres se tiendront réunis, délibèreront en commun et voteront par tête;

5° Que l'Assemblée supplie très respectueusement Sa Majesté d'accorder au Forez des Etats particuliers, à l'instar de ceux de la province du Dauphiné, sous la condition expresse qu'ils siégeront alternativement dans les villes de Saint-Etienne, Montbrison et Roanne.

Enfin, il fut convenu qu'une expédition de la délibération serait envoyée aux municipalités du Département avec un mémoire explicatif du vœu de l'Assemblée, en même temps qu'au Ministre des finances et à l'Intendant de la province qui serait prié de la mettre sous les yeux du roi (1).

Les officiers municipaux de Feurs délibèrent dans le même sens, le 20 décembre; ils observent que la nation française doit

(1) Arch. nat. Elections aux Etats-Généraux. B III. 170.

au Tiers-Etat son agriculture, son commerce, sa navigation et ses manufactures; que le droit de voter à la prochaine Assemblée nationale appartient à chaque individu de quelque ordre qu'il soit, qu'il faut par conséquent que les ordres de l'Etat soient représentés aux Etats-Généraux de manière à établir une égalité parfaite dans le suffrage de la nation; finalement, ils adhèrent aux délibérations prises par les communautés, corporations et citoyens particuliers de l'ordre du Tiers-Etat des villes et provinces de Normandie et de Bretagne pour la formation de la prochaine assemblée des Etats-Généraux (1). Un gentilhomme de cette ville, Poncins (J.-H. Montaigne (marquis de), est partisan de ces principes et offre le sacrifice de ses privilèges personnels (2).

En Bretagne, le Tiers-Etat avait demandé à être représenté dans l'Assemblée en nombre égal aux deux autres ordres; de plus, il proposait le vote par tête et l'égale répartition des impositions entre tous les citoyens.

Bien des communautés de faible importance envoyèrent des adresses à Necker ne différant pas sensiblement de celle de Montaud dont nous donnons ici la teneur:

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<< Pourquoi le Tiers-Etat, l'ordre le plus utile, le plus laborieux, disait le corps municipal, se trouve-t-il chargé de presque tous les impôts? Par quelle fatalité les établissements les plus « avantageux sont-ils sans effet? Sa Majesté, en créant les assemblées provinciales, n'a eu en vue que le bonheur de son << peuple; elle a voulu que chaque ordre de l'Etat y fut appelé proportionnellement pour balancer ou détruire les intérêts particuliers, tyrans de l'humanité; et coopérer au bonheur public et à tout ce qui peut tendre à l'avantage commun; il <«est bien à craindre que nous ne le voyons réaliser, car l'Assem<< blée de cette Généralité, quoique composée d'hommes recommandables, n'a pas été formée avec cette proportion si << nécessaire dix-neuf sont ecclésiastiques, nobles ou privilégiés, cinq sont taillables.

(1) Arch. nat.

Elections aux Etats-Généraux. B III. 166.

(2) Biblioth. de la Diana. - Instructions sur la formation du Tiers-Etat de la province du Forez.

<< Comment une question qui intéressera le Tiers-Etat y sera«t-elle résolue? L'ordre cultivateur, commerçant, le plus industrieux, succombera; il sera la victime de l'intérêt particulier; « ce qui nous donne ces craintes, Monseigneur, c'est que dans «la dernière assemblée du département tenue en cette ville, la « question de la contribution représentative de la corvée a été <«mise en délibération pour que les trois Ordres y contribuassent; <«< cette question devait se résoudre par un principe de justice, «et point du tout; elle a été renvoyée aux Etats-Généraux ; l'on <«< choisit pour le Tiers-Etat des personnes d'un autre ordre que «le sien et jouissant des privilèges auxquels ils ne participent « pas ; si on lui ôte la faculté de choisir ses députés, enfin si l'on <<< n'obtient pas une proportion pour le nombre respectif des représentants de la nation, que va devenir le malheureux « Tiers-Etat! Peut-il échapper à une situation pire que la servi«tude? Il sera sacrifié.

«Nous avons appris de nos ayeux que dans les siècles anté«rieurs la Noblesse et le Clergé servaient l'Etat à leurs frais; il « était sans doute juste que ces deux ordres fussent gratifiés par « des privilèges; mais aujourd'hui qu'ils reçoivent les hono

raires dus à leurs services, que leur fortune prend un nouveau « lustre, sans contredit, les privilégiés de ces deux ordres sont «à charge au troisième, s'ils ne contribuent pas aux charges <«< publiques proportionnellement. D'abord ils retirent le plus grand avantage des grandes routes, et jouissent des plus riches possessions, pourquoi ne fléchiraient-ils pas devant la raison <«<et devant l'esprit de justice et le bien public?

<« Nous voyons notre bon roi impatient de connaître avec « sûreté ce qu'il peut faire de mieux pour le bonheur de ses << peuples; il veut s'y donner tout entier, il est le conciliateur naturel, le protecteur de tous les droits mis sous sa tutelle, il « a les titres les plus sacrés à notre zèle, à notre respect, à notre << amour, et nous sommes prêts à verser jusqu'à la dernière goutte de notre sang pour la gloire de son nom.

Vous, Monseigneur, qu'il a rappelé pour l'administration de ses finances, que vous n'auriez jamais dù quitter, vous « l'espoir des Français, portez aux pieds du tròne nos justes.

plaintes; nous devons tout espérer de votre sagesse, de vos lumières; vous ne prenez pour guide que l'opinion publique ; « c'est d'elle seule que vous recevrez les éloges qui vous sont dus; jouissez de votre gloire et qu'elle passe jusqu'à la posté«rité la plus reculée. Nous sommes avec le plus profond respect <« les membres composant l'assemblée de la municipalité de «Monteau (1): Jean Davèze, syndic; Jean-Baptiste Cusset, etc... >>

Les maire et lieutenant de maire de Saint-Etienne, de Montviol et de la Chance, rappelèrent aussi à Necker, le 23 décembre, que Roanne et Saint-Etienne avaient vu créer par Louis XIV, en 1645, deux sénéchaussées pour ces deux villes; le bailliage de Montbrison avait ensuite obtenu qu'elles lui seraient réunies et seraient exercées par ses officiers, mais ces sénéchaussées subsistaient toujours et Saint-Etienne devait conserver la faculté de députer aux Etats-Généraux. Ils demandaient, en conséquence, de comprendre Saint-Etienne, dont la population était quatre fois supérieure à celle de Montbrison, et le ressort de la sénéchaussée, dans l'état de celles qui devaient fournir des députés et, à cet effet, d'ordonner que, par le bailli de Montbrison ou son lieutenant général, les députés des villes et communautés du ressort seraient convoqués pour élire leurs députés aux EtatsGénéraux (2).

Trois jours après, les échevins, les syndics des différents corps et communautés de Saint-Etienne et autres habitants se réunirent à l'Hôtel-de-Ville et prirent, en exécution de l'arrêt du Conseil du 5 juillet, une délibération importante.

De Tours, premier échevin, rappelle que le roi a ouvert la route par laquelle le Tiers Etat peut faire parvenir au pied du Trône ses doléances, que le Clergé et la Noblesse, ces deux colosses jusques à présent redoutables au Peuple, avaient voulu obstruer, en aspirant toutes les gràces et tous les privilèges.

« Jusques à présent, dit de Tours, le Tiers-Etat, qui fait seul

(1) Arch. nat.

(2) Arch. nat.

Elections aux Etats-Généraux. B III. 170.
Elections aux Etats-Généraux. Ba 54.

fleurir le Royaume et en est le fondement solide, a été dans <«<l'avilissement et l'opprobre; le plébéïen n'a pu faire entendre «sa voix dans ces Assemblées augustes, où le moindre sujet a << droit de parler; jusques ici, le laboureur n'a point trouvé de <«< cœurs sensibles où il pût déposer la douleur qui le consumait « et qui faisait naître en lui le découragement et le désespoir; <«< une main puissante lui a toujours fait courber la tête lorsqu'il «ne la levait que pour chercher dans les yeux de ses concitoyens « des sentiments de compassion.

«Le Clergé et la Noblesse ont toujours dominé le Tiers-Etat ; « celui-ci, dénué de force, abandonné à lui-même, sentait bien « le poids qui l'écrasait, mais il n'osait point s'en plaindre; <«l'artisan et le laboureur payaient les impôts en retranchant «de leur nécessaire, tandis que le Clergé et la Noblesse fermaient tranquillement les yeux sur les maux sans nombre que <«causait cette injustice.

<«Le mal enfin est parvenu à son comble; la voix de la douleur « a percé le voile dont la couvraient l'intérêt et l'ambition : le «Ministère n'a vu d'autres ressources que dans l'affection des « sujets de l'Etat, et le roi lui-même, touché des abus innom<«brables qui ont toujours affligé son cœur paternel, n'a vu << d'autres moyens de les extirper que dans la convocation des « Assemblées nationales ».

L'Assemblée arrête :

1° Que le Tiers-Etat, constituant véritablement la Nation, supportant presque l'universalité des impôts, payant seul les tailles de toute espèce, et l'imposition représentative de la corvée en nature, contribuant, pour la majeure partie, aux charges de l'Etat, doit être représenté aux Etats-Généraux par des députés de son Ordre, en nombre au moins égal à celui du Clergé et de la Noblesse réunis ;

20 Que, par une suite des mêmes principes, les députés du Tiers-Etat doivent être nommés par leurs pairs, seulement par la voie du scrutin; toutes les villes et communautés composant le district de chaque bailliage ou département, concourant même

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