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Viteffe.

Fig. III.

ploïé, & que les parties fe font dilatées.

On a donc cherché dans l'obscurité de diverfes conjectures, une cause qui eft trés fimple & qui fe prefente très naturellement. Le mouvement eit une maniere d'être fucceffive: Puifque c'est une maniere d'être, par là même qu'il a commencé d'exifter, il est determiné à continuer & à continuer tel qu'il eft, tel qu'il a commencé En commençant d'être, il a été fucceffif; fans cela il ne feroit pas mouvement. 11 est donc determiné à continuer d'être fucceffif.

Le mouvement étant un flux continuel, une fucceffion non interrompuë, la difference d'un mouvement vifte d'avec un mouvement lent, ne peut pas venir de ceque l'un eft interrompu par un plus grand nombre de morules de repos, ou par de plus longs intervales de ceffations.

Faites tourner la ligne AB autour de fon milieu C, en frapant fon extremité B, le point A fera précisement autant de chemin que le point B, & aura la même vitelle. Tout ce qu'il y a fur cette ligne de B en C & de C en A fe mouvra en même temps que les deux extremités de 4 & de B, & les points D & E ne demeureront pas fans avancer aucunement pendant que B avancera de B vers F fur la circonference BFGA. Pour petit que foit cet arc, le raïon CB, qui l'aura decrit, aura changé de place, & parvenu en F, fera avec la pofition precedente l'angle BCF, & le point H se sera éloigné du point D, comme le point & du point E. On voit par là que la viteffe peut croître & diminuer à l'infini. En effet, comme nous l'avons déja remarqué, qui dit changement, qui dit fucceffion, dit quelque chofe qui ne peut être fixe. Dès qu'une application n'eft pas fur les mêmes parties, elle peut toujours de venir plus fucceffive; un changement peut toûjours devenir plus grand & toûjours moindre auffi, par degrés, jufqu'à ce qu'il foit nul. Une viteffe plus grande

c'eft une application à un plus grand nombre de parties pendant le même temps ; c'eit une application plus fucceffive, plus variée. Il n'y faut pas chercher autre

chose.

Mais l'efprit humain n'aime pas ce qui eft tant multiple Il en eft fatigué, & le même principe qui Tui a fait fupofer des atomes, où il bornât fes divifions & fes fubdivifions, lui a fait encore imaginer des Morules, des intervales de repos, qui lui fourniffent la commodité de concevoir toutes les viteffes égales en elles-mêmes, tous les mouvemens également fucceffifs.

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Voici un exemple qui force de reconoître qu'un plus grand nombre de parties égales peuvent être parcouruës dans un temps que dans un autre, quoique ces deux temps foient toûjours égaux & qu'il n'y ait au rement point plus de morules dans un de ces cas que dans l'autre. Que la furface ac coule le long de la furface co fuppofée d'abord en repos; & qu'elle la parcoure Fig. IV. dans deux minutes. Après cela que la furface oe par

coure à fon tour auffi dans deux minutes la furface ca
qui lui eft égale & qui demeure en repos. Que ces deux
fupofitions foient fuivies d'une troifiéme. Que le pre-
mier rectangle fe meuve de a en e avec la même vî-
teffe qu'auparavant, & le second de o en e avec la mê-
me vîteffe encore. Il eft indubitable que dans une mi
nute, le point a fera vis-à-vis de f, cette f étant vis-
à-vis de la moitié de eo. Dans une minute auffi le point
o fera vis-à-vis de g, & dans la ligne fg o fera donc
;
vis-à-vis de a, & la furface ac aura parcouru dans une
minute toute la furface eo avec la vîteffe précisement
qui lui auroit fait parcourir la premiere fois la moitié
de co. Dans le premier cas, il n'y avoit point eu un ́ ́
plus grand nombre de morules, ni de plus longues que
dans celui-ci, car les vîtesses n'ont point changé ; ce-
pendant l'application a été plus fucceffive, & une plus-
grande longueur a été parcourue dans un des tems que
dans l'autres

M. Bayle, dont la fantaisie étoit d'établir le Pyrrhe nifine & d'infpirer aux hommes de l'éloignement pour la Raison, allegue cet exemple ( à l'article de Zenon) comme une preuve fans replique d'une incomprehenfibilité, & un cas qui met à bout toutes nos lumieres. Il favoit bien que fon Dictionnaire feroit lû par une infinité de gens qui ne feroient point faits à refoudre des Sophifmes, qui même ne feroient point accoutymés à reflechir, & qui loin d'avoir des principes folides fur les fciences, n'en auroient même aucune teinture. Il favoit bien qu'il n'y avoit qu'à éblouir une par. tie des fes Lecteurs pour les amener où il lui plairoit. Mais pour trouver dans cet exemple une incomprehen fibilité qui mette à bout toute nôtre raifon, il faut fuppoter que nous fommes neceffités à concevoir une ap ap plication fucceffive comme quelque chote de fixe & de reglé tur une certaine mefure. Il faut fuppofer outre cela que la Raifon eft à bout dès qu'elle est obligée de convenir qu'un effet qui refulte des impreffions conjointes de deux caufes d'égale force, eft double de ce qu'il feroit s'il n'étoit produit que par l'impreffion d'une feuie. J'ai déja eu occafion de faire mention du temps en Temps. parlant du mouvement. La fuite des matieres demandera encore qu'on y faffe plus d'attention. 11 eft done important d'éclaircir ce terme & de s'en former une julte idée. Cette idée même doit entrer dans l'explica tion du mouvement, elle appartient à fa nature, puif qu'une des proprietés effentielles du temps, c'est d'être la mesure du mouvement. Si l'on n'établit pas bien ces idées, on paroîtra même tourner dans ce qu'on appelle un Cercle vicieux, car d'un côté dés qu'il s'agira de comparer deux viteffes inégales, il faudra les rappeller à quelque uniformité, & faire attention aux longueurs qu'elles font parcourir dans des temps égaux, & d'un autre les temps égaux font ceux pendant lefquels des forgueurs égales font parcouruës par des vitelles éga

les

les. Je reprendrai donc dès les premiers principes, une matiere qui, comme on le voit, n'eft pas fans obfcurité. Aucun Etre n'eft different de fon exiftence: Quand je tiens ma plume, je n'ay point deux chofes dans la main, ma plume & fon existence ; mais l'existence de ma plume, c'eft ma plume même.

i

On a arrêté fon attention fur divers objets : Quand on les a confiderés comme des Etres, l'idée qu'on a formé pour s'en representer un à cet égard, à été la même dont on s'eft fervi quand on a pensé à un autre, en le confiderant auffi comme un Etre. On s'eft servi d'un nom pour exprimer cette idée également applicable à toute forte d'Etres ; c'est le nom fubstantif. mais vague & abftrait, d'existence.

Un corps qui demeureroit immobile & qui garderoit constamment la groffeur, fa figure, tous fes atributs en un mot, & qui ne fubiroit aucune variation quelle qu'elle fût, demeurant abfolument le même à tous égards, auroit auffi fon existence invariée, puifque fa propre existence ne peut pas differer de lui même. Telle encore feroit l'existence d'un Etre penfant, & qui fe feroit constamment occupé de la même idée ou du même fentiment, fans même que la reflexion fur la duréc de ce fentiment aportât la moindre varieté dans sa maş niere de penfer & d'exifter.

Ou dit bien qu'un corps s'eft repofé pendant une heure, un jour, une année; mais ce font là des denominations exterieures. On exprime fon état & fa maniere d'exifter par des noms qui, au lieu d'être tirés de ce qu'il renferme effectivement, font empruntés de ce qui fe pafle au dehors de lui, de ce qui est tout different de lui & le laiffe tel qu'il eft. Ainsi que dans ce moment on me loue ou l'on me blame, que je fois vé ou defaprouvé, que je fois connu ou ignoré à cent lieües de moi, c'eft ce qui ne m'appartient en aucune façon, qui n'affecte point mon existence, qui ne modi

G

aprou.

fie point ma maniere d'être, qui ne fait rien à ce que je fuis. Ce font des noms dont on me defigne, mais tirés de ce qui fe paffe chés les autres, & dont certainement on abufe quand, après les avoir joint au mien, on les regarde comme exprimant quelqu'un de mes attributs. Je fuis à la gauche d'un homme : Il fe leve & après avoir fait un demi tour, il me presente la droire. Il ne m'eft furvenu aucun changement ; c'est lui qui a changé la place & fa fituation, & fi on dit en Latin comme on le peut dire fuivant l'ufage, que ex finiftro factus fum dexter, cette expreffion ne fera pas jufte, car elle paroîtra pofer en fait qu'il m'eft arrivé quelque changement, & joindra à mon nom des termes empruntés de ce qui eft arrivé à une autre perfonne.

Il n'y a donc que les corps à qui il furvient quelque changement, il n'y a que les corps fur qui le mouvement produit quelque effet, & par confequent il n'y a que les corps qui ont eux-mêmes quelques mouvemens, qui éprouvent quelque variation dans leur maniere d'exifter, dont l'existence foit fucceffive & porte à juste titre le nom de Temps. L'existence du mouvement dans un corps, eft donc l'existence du tems dans ce corps; & le temps & le mouvement d'un corps c'est la même chose...

On eit tellement accoûtumé à regarder comme très juftes des expreffions établies par un long ufage, & qu'on a repeté mille & mille fois dès fon enfance, & on eft tellement accoûtumé à dire également qu'un corps a demeuré ou en mouvement, ou en repos pendant une heure, un jour, une année, qu'on ne peut s'empêcher d'être furpris quand on entend dire que le temps n'eft pas, à parler exactement, la mesure du repos comme il eft celle du mouvement, & qu'on foupçonne d'abord quelque fophifme dans les argumens par le quels on prouve que le mot de Temps, eft un terme qui exprime une maniere d'exifter qui n'est

pas celle

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