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CHAPITRE III

DES ASSOCIATIONS DES ÉTATS

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SOMMAIRE: 1. Droit d'association des États. 2. États tributaires, vassaux. 3. Protectorat. - 4. Union personnelle, réelle. - 5. Ces unions tendent à disparaître. - 6. Confédération. 7. L'union fédérale doit avoir lieu entre États composant la même nationalité. - 8. Diverses espèces de confédérations. - 9. Confédération germanique. - 10. Confédération des États-Unis d'Amérique. 11. Confédération suisse. · 12. Unité ou confédération. - 13. Colonies.

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§ 1.

Les États, étant des personnalités juridiques collectives, ont le droit de s'associer à d'autres États. Il est tout naturel que le droit d'association que possèdent les particuliers existe également au profit des États, parce que ceux-ci sont le résultat de la réunion d'une multitude de familles; or, si chaque famille, considérée séparément, a la faculté de se réunir à d'autres pour constituer l'État, la raison exige que celui-ci puisse aussi se réunir à d'autres États, pour former une société plus vaste et pour pouvoir plus efficacement réaliser son bien-être.

Le droit d'association étant admis entre les États, ceux-ci peuvent se présenter à nous sous le double aspect d'États distincts et d'États unis. En effet, de même

que, parmi les particuliers, nous trouvons des personnes privées et des personnes collectives, de même on peut rencontrer, parmi les nations, des personnes juridiques formées par une seule nation et d'autres résultant de la réunion de différents États.

Cette réunion peut avoir cent formes différentes et résulter d'une série indéfinie de combinaisons, selon que le comporte le pacte d'association qui la constitue; mais elle ne peut juridiquement établir la cession totale ou partielle de la souveraineté d'un État au profit de celui auquel il est associé, parce que l'autonomie de toute personne juridique est inaliénable, et que, de même qu'un citoyen ne peut aliéner sa personnalité en se faisant esclave, de même un État ne saurait se soumettre, par l'association, à la domination d'un autre. Il est par conséquent étrange que l'on admette l'existence d'États mi-souverains, qui n'ont pas le complet exercice de leur autonomie, et qui seraient bien mieux appelés mi-esclaves. Ces mutilations monstrueuses de la souveraineté des États peuvent être conçues et pratiquées par l'omnipotence abusive des hommes régissant les destinées des nations, mais elles sont complétement repoussées par le droit qui ne saurait admettre l'asservissement d'une personne juridique au profit d'une autre. Il est vrai que l'histoire nous montre beaucoup d'associations dans lesquelles la souveraineté d'un État a été cédée à un autre; quelques-unes de ces unions existent même encore de nos jours, et sont généralement étudiées par les publicistes; mais c'est là un état de fait qui doit disparaître graduellement avec le progrès de la ci

vilisation. L'histoire nous apprend, en effet, que les États mi-souverains ont déjà en grande partie cessé d'exister.

Les publicistes distinguent les unions des États en unions égales et inégales elles sont égales quand les États unis participent aux bénéfices et aux pertes de l'union fédérale dans la même proportion; elles sont inégales quand un ou plusieurs des États associés ne participent pas, dans la même mesure que les autres, aux avantages et aux désavantages de la fédération.

D'après le plus grand nombre de publicistes, l'union des États se traduit habituellement sous la forme de tribut, de fief, de protection, d'union réelle ou personnelle, de confédération et d'union coloniale.

§ 2.

On appelle États tributaires ceux qui sont obligés à payer périodiquement une redevance déterminée à d'autres États. A vrai dire, l'obligation de payer un tribut ne constitue pas un lien politique, mais une relation de doit et avoir qui laisse les États, entre lesquels elle existe, entièrement séparés.

Par conséquent, les États tributaires sont souverains aussi bien que ceux auxquels ils paient le tribut, parce que l'obligation de payer une dette ne restreint pas le libre exercice de la propre autonomie. En effet, les plus grandes puissances de l'Europe qui, jusqu'en 1830, payaient un tribut aux États barbaresques ne pou

vaient être considérées comme unies à ces derniers et n'ont jamais cessé d'être des États souverains; de mê

me le paiement d'un tribut par les États barbaresques à la Porte ottomane ne restreint pas leur autonomie. En effet, ils ont conclu des traités avec des nations étrangères, et la Tunisie, depuis quelque temps, accomplit dans la voie des réformes un progrès qui étonne chez un peuple musulman. Sans être soumis à une influence étrangère, Sidi-Mohammed a promulgué une constitution qui a été confirmée et améliorée par son successeur Sadok. A la vérité, le bey demande au sultan de Constantinople l'investiture, mais ce fait, comme le remarque Pradier-Fodéré (1), a plutôt un caractère religieux que politique.

On donne le nom d'États vassaux à ceux qui sont concédés à titre de fiefs, avec obligation de rendre hommage à l'État qui concède, au moyen du paiement d'une redevance déterminée comme reconnaissance de

sa haute souveraineté. Un État peut devenir vassal, soit parce que, après sa défaite, le vainqueur lui a laissé son existence en en faisant son fief, soit parce que son souverain s'est volontairement rendu feudataire. Vattel

et Wheaton soutiennent que ces États ne cessent pas d'être souverains quand leur administration reste indépendante de celle de l'État suzerain. Ferreira croit que Vattel fait une confusion entre la souveraineté intérieure et extérieure, et semble ne pas considérer comme souverains les États vassaux. Mais si l'obligation de payer une redevance au suzerain ne restreint pas l'indépendance de l'État vassal, et s'il exerce son autonomie

(1) Notes à Vattel, le Droit des gens, t. I, p. 128.

tant intérieure qu'extérieure sans aucun contrôle, nous pensons qu'il reste souverain, parce que son obligation se réduit à devoir payer un tribut, et qu'il n'a du fief que le nom. Néanmoins, si le système féodal a été aboli dans la plus grande partie des États, en ce qui touche les relations privées, à plus forte raison doit-il être condamné pour les États qui ne peuvent, sans offense à la dignité humaine, être traités, même au point de vue de la forme, comme des biens patrimoniaux. Par conséquent, il ne peut pas exister juridiquement d'États vassaux, surtout si leur inféodation a pour effet de diminuer leur souveraineté au profit de l'État suzerain. Le système des fiefs pour les États est non-seulement repoussé par le droit, mais encore, comme le remarque Klüber, il a aujourd'hui disparu, en fait, dans les relations internationales, parce qu'il n'y a plus d'États feudataires. Ceux qui existaient en Allemagne et en Italie se sont entièrement affranchis de l'État suzerain, ou ont été incorporés à d'autres nations.

Le royaume de Naples était un État vassal du pape; ses souverains devaient faire présent au Saint-Siége de la haquenée; cet usage a été aboli par la suite (1). De

(1) En 1265, quand Clément IV donna l'investiture du royaume de Naples å Charles d'Anjou, il fut convenu que le roi devrait faire présent à chaque nouveau pape, en reconnaissance de la haute suzeraineté que se réservait le pontife, d'une haquenée, (cheval qui va l'amble, blanc ou alezan, ou mule blanche, douce et vieille, et richement harnachée). Ce présent était solen nellement offert par un ambassadeur dans la basilique du Vatican, la veille de la fête de saint Pierre et saint Paul. Le pape avait le droit d'obliger le monarque d'accomplir personnellement cet acte de soumission.

En 1470, Paul II refusa la haquenée que lui envoyait Ferdinand d'Aragon à laquelle il préféra 60,000 écus. Mais Sixte IV, ayant été élu pape deux

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