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des conventions sanitaires et autres semblables, sans que les étrangers, qui jouissent de la même faculté, aient le droit de leur imposer aucune limite. Il en est de même des armements exagérés auxquels un État pourrait

se livrer.

Si une nation s'aperçoit qu'un État quelconque, voisin ou non, fait des armements, et si elle a des motifs de craindre que ces préparatifs ne soient dirigés contre elle, elle peut en demander amiablement la raison afin de dissiper les apparences de danger; mais si les explications qu'on lui donne ne suffisent pas à la tranquilliser, elle n'a jamais le droit de prétendre imposer le désarmement au voisin; toutefois il lui est permis de prendre les précautions nécessaires pour rendre l'agression impossible et pour conjurer le péril, en s'armant également, dans le but de rétablir sa sécurité compromise. Il faut en dire autant des agrandissements territoriaux d'un État; tous les peuples ont la faculté d'agrandir leur territoire, en occupant des terres n'appartenant à personne ou en se réunissant à d'autres peuples qui consentent à cette union; les étrangers ne sauraient juridiquement empêcher ces unions, et ont le même droit au regard d'autres territoires inoccupés ou d'autres peuples qui veulent s'annexer à eux. Il est inutile de dire que nous entendons parler d'unions libres et non violentes; dans ce dernier cas, toutes les nations. ont le droit d'empêcher qu'un peuple libre soit enchaîné par la conquête à un autre auquel il ne veut pas être uni.

Néanmoins, on a cru que les États pouvaient réci

proquement imposer une limite à leurs forces et à leur extension, afin d'empêcher la prépondérance d'un ou de plusieurs d'entre eux, dont la puissance tyrannique aurait pesé sur les faibles. De ce principe est né le système de l'équilibre politique des États, par lequel on a tenté de proportionner leurs forces en les contrebalançant, de façon à ce qu'elles se neutralisent et ne puissent se nuire réciproquement.

Pour résoudre la question de l'existence juridique et de l'efficacité de l'équilibre politique, il faut l'examiner au point de vue historique et rationnel; c'est là l'objet du chapitre suivant.

CHAPITRE IV

DE L'ÉQUILIBRE POLITIQUE

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SOMMAIRE: 1. Définition de l'équilibre politique; son histoire chez les anciens. 2. Chez les modernes. - 3. Opinion des publicistes relativement à l'équilibre politique. - 4. L'équilibre existe, mais il est imparfait. - 5. Le véritable équilibre existera quand, au lieu d'être fondé sur l'égalité matérielle des États, il le sera sur leur égalité morale. 6. La réalisation des nationalités amènera le véritable équilibre politique. 7. L'équilibre politique maritime existe-t-il, et peut-il exister? — 8. La paix perpétuelle pourra résulter de la réalisation des nationalités.

§ 1.

-

L'équilibre politique consiste à maintenir les États à un tel degré de puissance et d'étendue que, leurs forces se contre-balançant, ils ne puissent se tyranniser réciproquement, et qu'ils obtiennent le respect de leur personnalité. L'équilibre politique apparaît surtout dans les temps modernes, non qu'il soit une découverte récente, mais les anciens n'en ont pas senti le besoin. Ceux-ci vivaient dans l'isolement et dans la haine; leurs relations étaient rares et peu sûres; plongés dans la sombre nuit de la barbarie, ils n'étaient pas capables de comprendre les avantages réciproques qu'ils pouvaient tirer de l'accroissement de leurs relations. La plus grande partie de leurs territoires était à l'état de

forêts vierges et n'offrait au séjour permanent de l'homme qu'une demeure inhospitalière. Dépourvus des moyens de communication découverts par la civilisation moderne, les anciens vivaient sans rapport entre eux; leurs intérêts ne dépassaient pas la limite de la cité. Dès lors les agrandissements et les amoindrissements des États ne mettaient point leur indépendance en danger, et, comme on n'avait rien à contre-balancer et à équilibrer, l'équilibre politique ne pouvait exister.

Quand l'état d'isolement commença à cesser, les peuples furent englobés dans l'empire romain et se confondirent dans l'unité matérielle de Rome. Ils n'avaient donc que faire de l'équilibre; il n'existait qu'une seule force, qu'une seule puissance, Rome! A la vérité, il se manifesta une sorte d'opposition de forces entre Rome et Carthage; d'après le récit de Polybe, Hiéron, roi de Syracuse, estimant que l'existence de Carthage était nécessaire à la sûreté et à l'indépendance de son royaume, secourut les Carthaginois contre les Romains, bien qu'il eût été l'allié de Rome. Mais cette rivalité ne fut qu'un événement transitoire qui se termina par la destruction de Carthage, et par la soumission de presque tous les peuples à la domination romaine.

Toutefois, quoique l'équilibre politique fit défaut aux États anciens, ceux-ci tendaient cependant à le constituer. En effet, quelques peuples qui conservèrent leur indépendance et qui sortirent de l'isolement équilibrérent leurs forces. Athènes et Sparte luttèrent pour la suprématie dans les États grecs; ces derniers formèrent une ligue contre Athènes, quand elle menaça leur in

dépendance. Plus tard, quand la puissance de Sparte se fut accrue, Athènes qui déjà avait été vaincue chercha à faire alliance avec les États secondaires de la Grèce pour sauvegarder son indépendance contre les Spartiates. Démosthène soutint qu'il était de l'intérêt d'Athènes que Sparte fût faible, et s'efforça de démontrer le danger que couraient l'indépendance et la liberté des États grecs, en laissant s'élever la puissance macédonienne au temps de l'ambitieux Philippe, contre lequel il proposait une alliance avec le roi de Perse.

A une époque plus rapprochée de nous, l'équilibre politique apparaît parmi les divers États de la péninsule italique. Ses plus grandes puissances, Venise, Milan, Gênes, Florence, Rome, Naples, la Sicile, se regardaient d'un œil jaloux, et quand l'une d'elles donnait une extension considérable à ses forces et révélait des desseins ambitieux contre ses voisines, les autres s'alliaient et la contraignaient à renoncer à ses prétentions.

Cependant, cet équilibre s'établissait souvent entre des États qui étaient des fractions de la même nationalité et ne vivaient plus dans l'isolement, mais il n'existait pas pour les autres peuples qui continuaient à rester isolés. Plus tard, quand les relations internationales devinrent fréquentes, la sphère de l'équilibre politique commença à s'élargir; tandis qu'autrefois il n'y avait eu que l'équilibre grec et l'équilibre italien, dans les temps modernes apparut l'équilibre européen. Toutefois il n'existe pas encore d'équilibre politique universel, parce que généralement les États européens vivent séparés des États situés hors de l'Europe, avec lesquels ils n'ont

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