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crottables de petites mares d'eau qui se dessèchent encore çà et là au soleil, et qu'on nomme... l'école de Campistron (vulgairement les classiques).

Imitateurs, troupeau d'esclaves! quel soleii vous desséchera jamais et pompera vos cervelles oisives? Un de nos peintres vous appelait hier la poussière que soulèvent les pas du maître. Qui êtes-vous, que faites-vous, que vous croyez-vous?

Comme un noble coursier dont le sang dégénère et s'avilit au cinquième croisement de sa race, ainsi, et plus tôt encore mille fois, se tue et se flétrit la pensée de l'homme primitif, recrépie par le vain paraphraseur. Ainsi les pédants, qui tirent encore Aristote par la robe qu'il portait à la mort du roi Philippe, ont fait un pédant odieux et exécrable de cet honnête homme, plus inoffensif que Lebatteux; ainsi du vieux Shakspeare, père de Goethe, est née une collection de fous à mettre dans un herbier.

Tout en songeant ainsi, je me mis à penser à monsieur de Lamennais.

Un livre dont tout le monde a parlé, et dont le titre était très bien choisi, parut il y a bien longtemps, dans les Etats théologiques de la littérature, qui sont loin d'être une république. Voici à cet égard ce qui m'a été conté par un des hommes les plus savants qu'il y ait à présent.

Ce digne ecclésiastique, tout en parcourant les pages pleines d'inspiration du doctrinaire de L'Avenir, crut se rappeler quelque chose, comme cet

invalide de Charlet qui s'écrie, au moment de porter son verre à ses lèvres, que sa femme lui revient.

«Eh! mais, se dit-il, j'ai vu cela quelque part. >>

Après avoir fouillé scrupuleusement les rayons les plus poudreux de sa mémoire, l'ecclésiastique se souvint que les traces de l'indifférence et de la faiblesse de l'esprit humain devaient se retrouver dans un certain ouvrage de Huet, évêque d'Avranches.

Mais comment trouver ce livre? La bibliothèque d'une petite ville ne pouvait le posséder. Le hasard le lui fit rencontrer sur un quai, moisi et vermoulu. Quel fut son étonnement, en l'ouvrant et le parcourant avec soin, d'y retrouver non-seulement des pensées, mais des pages entières du livre de l'Indifférence! Assidu dans ses recherches, l'ecclésiastique nota en marge les passages correspondants.

Tout à coup un second souvenir, aussi frappant que le premier, vint le réveiller au milieu de ses méditations.

« J'ai vu encore cela autre part, » se dit-il.

En ce moment passa dans son esprit en caractères imperceptibles le nom de Sextus Empiricus. Cet écrivain, d'un génie remarquable, vivait sous l'empereur Probus; il avait fait un livre sur la faiblesse de l'esprit humain, dans lequel les mêmes matières et le même fond devaient se retrouver.

L'évêque d'Avranches fut à son tour cité au tribunal de la justice qui rend à César ce qui est à

César, et comparut devant le vieux Sextus. L'ecclésiastique ne s'était point trompé. Sextus rendit son témoignage; il montra ses pensées écrites en latin plus vieux que nos langues vivantes et si peu vivaces; il était aisé d'y reconnaître que Huet à son tour ne s'était pas contenté des pensées, mais encore qu'il avait détaché des pages.

Cependant ni l'un ni l'autre des deux compilateurs n'avait daigné citer la source où il avait puisé.

Mais voici qu'en lisant Sextus Empiricus, le digne ecclésiastique se rappela qu'il avait vu cela quelque part.

Assurément, dans les Pères de l'Eglise. N'y retrouve-t-on pas en grande partie cette morale qui se raille de l'esprit de l'homme, et presque la doctrine de Pyrrhon? Les doctes in-folio sont ouverts. Pyrrhon et ses idées paraissent. Que fit l'ecclésiastique?

Un article de journal.

Mais il le brûla aussitôt après, et fit bien dans ce temps-là; car dans ce temps-là... il y avait bien des choses qu'il n'y a plus dans celui-ci.

Lorsque j'entendis cette histoire, je ne pus m'empêcher de faire de profondes réflexions, et de me rappeler l'histoire de ce bossu des Mille et une Nuits que chacun croit avoir tué, et que le prétendu meurtrier va toujours passant à son voisin. Mais au bout du compte il n'a qu'une arête de merlan dans la gorge.

Je me rappelai aussi qu'il est très-possible, trèsaisé même de se rencontrer avec quelqu'un qu'on n'a pas lu, presque autant que de se brouiller avec un ami pour un mot qu'on n'a pas dit.

25 avril 1831.

XIII

LA FÊTE DV ROI.

A fête du roi, c'est la fête du peuple.
Voilà ce qui est une belle chose à voir.
Qu'il se presse aux marches d'un
théâtre dont les portes sont ouvertes

et les bureaux fermés; qu'il se couche,

ivre et joyeux, sur les balustrades de velours cramoisi habituées aux coudes aigus des demoiselles de bon ton; qu'il rie, crie, boive et chante : c'est ta fête, bon peuple.

Aux siècles à venir est réservé un spectacle nouveau, dont le siècle présent lève la toile. Contre les prétentions rétrogrades de l'aristocratie, les rois et les peuples se donnent la main. C'est à cette fête, ô rois! qu'il faut convier vos peuples; le prince de la Grande-Bretagne vous en donne un exemple plein de force, et le nôtre l'a déjà donné; imitez-les. Les portes du Palais-Royal étaient ouvertes aussi à tout le monde hier, comme celles des théâtres. Lorsque madame la marquise de en

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