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Mes deux freres n'étoient pas moins de lui chéris,
Car le Ciel les avoit traités en favoris.

Je vivois avec eux contente et fortunée;
Mais

que l'amour bientôt changea ma destinée ! Un étranger qui vint aux fêtes de Burgos,

Fit voir en nos Tournois qu'il avoit peu d'égaux.
Nous nous vîmes le soir dedans une assemblée;
Je souffris son abord, et j'en fus cajolée,
Ou plutôt mon esprit fut par le sien charmé:.

Il feignit de m'aimer, tout de bon je l'aimai.
Mais souffrez que mes pleurs vous apprennent le reste,
Car tout en est honteux, car tout en est funeste,
Puisque mon crime, hélas! un frere me ravit,
Et que d'affliction mon pere le suivit.

Moi, sans pleurer leur mort, sans rougir de ma flamme,
(L'amour avoit banni la raison de mon ame)
J'adorois en esprit mon infidele amant,

Que j'attendis deux ans à Burgos vainement.
A la fin je vois bien que je suis délaissée.
Je quitte mes parens, et comme une insensée,
Maudissant mon amour, souhaitant le trépas,
Pour trouver ce méchant j'adresse ici mes pas.
Hélas! il m'avoit dit qu'il me seroit fidele.

Mais qu'on croit aisément alors qu'on se croit belle,
Et que pour s'assurer d'un cœur comme le sien,
La beauté, bien souvent, est un foible lien!
J'en suis, ô Don Fernand, un exemple effroyable!
Car pour avoir cru trop un tigre impitoyable,
Qui me prit par les yeux, et triompha de moi,
Se déguisant d'un nom aussi faux que sa foi,

Je me vois devant vous comme une forcenée,
Maudissant mille fois le jour sa destinée.

Hélas! que contre moi le Ciel est irrité,
Puisque tout mon espoir n'est qu'un nom aposté ;
Et qu'avec cet espoir justement je m'étonne,
Quand je vois que ce nom n'est connu de personne !
Cependant il est vrai qu'il habite ces lieux,

L'ingrat ! car l'autre jour il parut à mes yeux;
Mais je ne le pus joindre, et je n'ai pu connoître,
Par un nom qu'il n'a pas, la demeure d'un traître
Que le Ciel à mes yeux ne devroit plus cacher,
Si les pleurs avoient pu jusqu'ici le toucher.
Mais je m'adresse à vous comme au dernier remede :
Pour trouver cet ingrat, je demande votre aide.
Je sais bien, vu le rang qu'en ces lieux vous tenez,
Qu'il me fera raison si vous l'entreprenez:
Je n'alléguerai point mon pere et sa mémoire ;
Je veux vous conjurer par votre seule gloire,
Et sans vous obliger d'un langage flatteur.
D. FERNAND.

Pour faire court, je suis votre humble serviteur,
Et l'ai toujours été de Monsieur votre pere ;
Il me faisoit l'honneur de m'appeller son frere:
Quant à vous, disposez de tout ce que je puis;
Ma fille tâchera d'adoucir vos ennuis.

SCENE V III.

BEATRIX, D. FERNAND, LUCRECE.

M

BEATRIX.

ONSIEUR Votre neveu demande avec instance
De vous entretenir pour chose d'importance.
D. FERNAND, à Lucrece,

Madame, je reviens à vous dans un moment....
Béatrix, menez-la dans mon appartement,
Et qu'on fasse venir mon neveu tout-à-l'heure.
(Lucrece et Béatrix sortent. )

SCENE

D. FERNAND,

I X.

seul.

CETTE femme est la sœur de mon gendre, ou je

meure!

Il me faut pressentir s'il voudra bien la voir;
Nous ne laisserons pas, de tout notre pouvoir,
De chercher son amant et la tirer de peine.

SCENE X.

D. FERNAND, D. LOUIS.

D. FERNAND.

EH bien, cher Don Louis, quelle affaire vous mene?

En quoi puis-je servir un si brave neveu ?

D. LOUIS, tenant un billet.

Monsieur, un mien ami m'a mandé depuis peu
Que j'avois sur les bras une grande querelle:
Je sais bien pour chercher un conseiller fidele,
Puisqu'il est question d'honneur et de combats,
Que m'adressant à vous, je ne me trompe pas.
D. FERNAND.

Au moins ne pouvez-vous en employer un autre
Qui vous chérisse plut qui soit autant vôtre;
Jusques au dégaîner je vous le montrerai.
Est-ce par ce billet?....

D. LOUIS.

Oui, je vous le lirai.

D. FERNAND.

Lisez donc aussi bien j'ai perdu mes lunettes;
Et n'est pas trop aisé d'en recouvrer de nettes.
D. LOUIS lit le billet.

« Le jeune frere de celui

» Que vous avez tué, pour quelques amourettes, Part de ce pays aujourd'hui,

» Pour aller en Cour où vous êtes:
>> Je ne sais pas pour quel sujet ;

» Mais je sais bien que vous l'écrire,
»Pour éviter pareil accident, ou bien pire,
>> Est à moi fort bien fait. >>>

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Non, ce fut par mégarde, et durant la nuit noire.

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Contez-moi le détail de toute cette histoire.

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Vous vous souvenez bien des fêtes de Burgos,
Pour le premier enfant qu'eut la grande Isabelle,
Des royales vertus le plus parfait modele?
Un ami qui faisoit trop d'estime de moi,
M'invita de venir à ce fameux Tournoi,

Pour

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