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THEATRE CHOISI

DE

MOLIÈRE

ου

LES CONTRE-TEMPS

1653 ou 1655

NOTICE

L'Étourdi fut joué nour la première fois à Lyon. A quelle date? On ne saurait le dire avec certitude. Les biographes de Molière sitent entre janvier 1653 et janvier 1655, et ces deux dates autorisent de témoignages d'égale valeur. Joué sur la scène du Petit-Bourbon (nov. 1658), l'Etourdi poursuivit pendant trois mois1 ses brillantes et fructueuses représentations.

La comédie italienne était alors très en faveur, aussi bien à Lyon qu'à Paris. Molière jugea prudent de flatter les goûts d'un public nabitué aux surprises et aux complications de la comédie d'intrigue. Du reste, tout essai d'un genre plus relevé eût peutêtre été prématuré. Le Menteur de Corneille n'avait pas encore sufisamment préparé les esprits à des œuvres d'une philosophie missi profonde et d'une observation, aussi vigoureuse que le Misanthrope et le Tartuffe. Simple débutant, instruit par quelques revers cruels, Molière n'osait pas encore suivre son spiration personnelle : il commença par imiter. Il prit pour

Rodèle

1

- le choix était fort heureux the ingénieuse comédie

La voix de cent échos fait cent fois mes éloges;
Et cette même voix demande incessamment
Pendant trois mois entiers ce divertissement.

Tel est le langage que prête à Molière un de ses ennemis, Le Bonlanger de Chalussay, auteur d'un pamphlet satirique, Elomire hypocondre.

2. Molière avait d'abord joué Héraclius, Rodogune, Cinna, le Cid et Pompée: on l'avait sifflé.

MOLIERE.

1

de Nicolo Barbieri, dit Beltrame, l'Inavvertito. Il fit aussi des emprunts à d'autres œuvres du théâtre italien, la Emilia de 'Luigi Porto et l'Angelica de Fabritio de Fornaris. Ajoutons enfin quelques réminiscences de Plaute et des Contes d'Eutrapel. Tels sont les éléments divers que Molière a su fondre heureusement dans une comédie qui a du moins cette originalité d'être une œuvre bien française par la vivacité, la grâce et la bonne humeur. On s'explique très bien la prédilection de Victor Hugo pour l'Etourdi, dont il admirait l'éclat et la fraicheur de style ». Il est certain que cette première comédie est écrite dans un style d'une liberté d'allure toute juvénile et d'une fantaisie dont les heureuses trouvailles rappellent la verve de Régnier. Ces qualités s'effaceront plus tard devant d'autres, plus sérieuses et plus solides sans doute, mais qui n'empêcheront pas de regretter cette première manière du poète. Sous la férule de Boileau la verve de Molière deviendra moins aventureuse, moins encline à ses « nonchalances » de style, qui sont souvent ici « ses plus grands artifices »; mais il n'est pas prouvé que Boileau n'ait rendu que des services aux poètes qui ont subi son influence,

1. Cette opinion de Victor Hugo est rapportée par M. P. Stapfer dans son livre les artistes juges et parties.

2.

Ses nonchalances sont ses plus grands artifices.

(REGNIER, Sat. IX.)

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