PRÉFACE

Une partie de ces Notices historiques avait déjà été publiée dans une édition depuis longtemps épuisée. Le volume qui les contenait était suivi d'un volume de Mémoires sur quelques points importants d'histoire. Ces Mémoires, au nombre de quatre, avaient pour objet : 4° l'état de la Germanie au huitième et au neuvième siècle, sa conversion au Christianisme et son introduction dans la société civilisée de l'Europe occidentale; 2o la formation territoriale et politique de la France, depuis le règne de Louis le Gros jusqu'à la fin du règne de Louis XI; 3° l'établissement de la réforme religieuse et la constitution du calvinisme à Genève; 4° la politique extérieure de Louis XIV, les négociations qu'il engagea et les

guerres qu'il entreprit pour s'assurer de la succession de la monarchie espagnole. Détachés maintenant des Notices, ces Mémoires, auxquels en seront ajoutés d'autres sur des questions d'un intérêt non moins grand, paraîtront plus tard sous une forme plus développée et avec un titre distinct.

Je me borne aujourd'hui à donner en deux volumes les notices relatives à la vie et aux travaux de quelques-uns des hommes les plus considérables de notre temps dans la politique et dans la science. Le premier volume renferme, comme précédemment, avec les discours que j'ai prononcés à l'Académie française en y remplaçant M. Raynouard, et en y recevant MM. Flourens et Pasquier, qui succédaient à MM. Michaud et Frayssinous, les notices que j'ai lues de 1856 à 1843 à l'Académie des sciences morales et politiques sur MM. Sieyès, Roederer, Livingston, Talleyrand, Broussais, Merlin, Destutt-Tracy, Daunou. Dans le second volume sont réunies celles qui, de 1843 à 1852, ont été consacrées à la mémoire de MM. Siméon, Simonde-Sismondi, Charles Comte, Bignon, Rossi, Cabanis, Droz, et à côté desquelles j'ai cru devoir placer la vie si noblement intéressante, si moralement belle, si

politiquement instructive de Benjamin Franklin, écrite en 1848 au nom et par l'ordre de l'Académie.

En parlant de tous ces importants personnages, j'ai eu l'occasion de passer en revue la Révolution et ses crises, l'Empire et ses établissements, la Restauration et ses luttes, la monarchie de Juillet et ses libres institutions, de rattacher les événements publics à des biographies particulières et de montrer le mouvement général des idées dans les œuvres de ceux qui ont tant contribué à leur développement. En effet, la plupart d'entre eux ont été membres de nos mémorables assemblées et ont figuré parmi les fondateurs du système social inauguré en 1789. Ils ont concouru à la destruction de tout un ancien ordre de choses et à l'établissement d'un nouveau. La fusion des diverses classes de la vieille monarchie en une seule nation; la division des provinces en départements; l'abolition du régime féodal privé, lequel avait survécu au régime féodal politique; l'organisation de l'impôt sous la Constituante; la création des écoles publiques et de l'Institut national sous la Convention; la forme donnée à l'administration moderne sous le Consulat; la fondation de la juris

prudence civile sous l'Empire; le noble développement des droits politiques sous la royauté constitutionnelle; la marche des sciences sociales et philosophiques, rappellent le souvenir des hommes que je me suis efforcé de faire connaître en peignant leur caractère et en signalant la part qu'ils ont prise aux grands actes de l'histoire contemporaine. Tous du reste, quels qu'aient été leur pays et leur rôle, qu'ils appartiennent à l'Europe ou à l'Amérique, qu'ils soient philosophes, moralistes, jurisconsultes, économistes, historiens, politiques, ont été des serviteurs zélés de l'esprit humain, des amis déclarés des améliorations sociales. Ils appartiennent tous à la grande cause du progrès intellectuel et de la liberté publique, qui peut bien être exposée à des revers passagers, mais dont le triomphe est certain, car il est l'inévitable loi de la civilisation du monde.