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A MONSEIGNEUR

L'ÉVÊQUE DE LUÇON.

Vous dont l'esprit héréditaire,
Et par les graces même orné,
Aux talents d'un illustre père
Joint l'agrément de Sévigné ;
Vous dont le tendre caractère
Sait unir, par d'aimables nœuds,
A l'avantage d'être heureux

Le plaisir délicat d'en faire;

Mortel plus charmant que les dieux,

D'une muse ressuscitée,

De vos soins généreux, de vous-même enchantée, Et qui n'a point encor paré l'autel des grands,

Recevez le premier encens.

Protéger Euterpe et Minerve,

C'est se montrer l'ami du bien commun.

Parmi les noms fameux que Clio nous conserve

Ses fastes en comptent plus d'un :
Mais être au bord de l'Hippocrène,
Assis entre les rois amis de Melpomene
Et les tendres auteurs des accents les plus doux,
Horace à-la-fois et Mécène,

Cet accord n'étoit dû qu'aux rives de la Seine,
Et l'éloge commence à vous.

ADIEUX AUX JÉSUITES.

A M. L'ABBÉ MARQUET.

LA prophétie est accomplie,
Cher abbé, je reviens à toi;
La métamorphose est finie,

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Et mes jours enfin sont à moi.

Victime, tu le sais, d'un âge où l'on s'ignore,
Porté du berceau sur l'autel,

Je m'entendois à peine encore,

Quand j'y vins bégayer l'engagement cruel...
Nos goûts font nos destins : l'astre de ma naissance
Fut la paisible liberté ;

Pouvois-je en fuir l'attrait? Né pour l'indépendance,
Devois-je plus long-temps souffrir la violence
D'une lente captivité ?

C'en est fait; à mon sort ma raison me ramène :
Mais, ami, t'avouerai-je un tendre sentiment,
Que ton cœur généreux reconnoîtra sans peine ?
Oui, même en la brisant, j'ai regretté ma chaîne,
Et je ne me suis vu libre qu'en soupirant.

Je dois tous mes regrets aux sages que je quitte;
J'en perds avec douleur l'entretien vertueux;
Et, si dans leurs foyers désormais je n'habite,

Mon cœur me survit auprès d'eux;

Car ne les crois pas tels que la main de l'envie
Les peint à des yeux prévenus;

Si tu ne les connois que sur ce qu'en publie
La ténebreuse calomnie,

Ils te sont encore inconnus.

Lis, et vois de leurs mœurs des traits plus ingénus.

Qu'il m'est doux de pouvoir leur rendre un témoi

gnage

Dont l'intérêt, la crainte, et l'espoir, sont exclus!

A leur sort le mien ne tient plus;

L'impartialité va tracer leur image.

Oui, j'ai vu des mortels, j'en dois ici l'aveu,
Trop combattus, connus trop peu;

J'ai vu des esprits vrais, des cœurs incorruptibles,
Voués à la patrie, à leurs rois, à leur Dieu,
A leurs propres maux insensibles,
Prodigues de leurs jours, tendres, parfaits amis,
Et souvent bienfaiteurs paisibles

De leurs plus fougueux ennemis;
Trop estimés enfin pour être moins haïs.
Que d'autres s'exhalant, dans leur haine insensée,
En reproches injurieux,

Cherchent, en les quittant, à les rendre odieux: Pour moi, fidèle au vrai, fidèle à ma pensée,

C'est ainsi qu'en partant je leur fais mes adieux.

SUR LA TRAGÉDIE D'ALZIRE.

QUELQUES ombres, quelques défauts,
Ne déparent point une belle.

Trois fois j'ai vu la Voltaire nouvelle,
Et trois fois j'y trouvai des agréments nouveaux.
Aux règles, me dit-on, la pièce est peu fidèle:
Si mon esprit contre elle a des objections,
Mon cœur a des larmes pour elle;

Les pleurs décident mieux que les réflexions.
Le goût, par-tout divers, marche sans règle sûre;
Le sentiment ne va point au hasard :
On s'attendrit sans imposture;
Le suffrage de la nature

L'emporte sur celui de l'art.

En dépit du Zoïle et du censeur austère,
Je compterai toujours sur un plaisir certain,
Lorsqu'on réunira la muse de Voltaire
Et les graces de la Gaussin.

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