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SUR LES TABLEAUX

Exposés à l'Académie royale de peinture, au mois de septembre 1737.

Si l'on croit les plaintes chagrines
De quelques frondeurs décriés,
Et les satires clandestines
De quelques auteurs oubliés,
Tout s'anéantit dans la France;

Le goût, les arts les plus brillants,
Tout meurt sous des dieux indolents;

Et, dévoués à l'opulence,

Nos jours ramènent l'ignorance

Sur la ruine des talents.

Mais quelle lumière nouvelle
Dissipe le sommeil des arts!
De la divinité d'Apelle

Le temple s'ouvre à mes regards.

Naissez, sortez de vos ténèbres,
Élèves de cet art charmant

Qui de la nuit du monument

Sauve les spectacles célèbres,
Et fixe la légèreté

De la fugitive beauté.

De vos maîtres, que dans ce temple
La patrie honore et contemple,
Distinguez, saisissez les traits;
Et, par le talent et l'exemple
Élevés aux mêmes succès,
D'une gloire contemporaine
Méritez les fruits les plus doux:
C'est la seule gloire certaine ;
Et l'avenir n'est rien pour nous.
Si, dans cette illustre carrière,
La Peinture sur ses autels
De Rigault et de l'Argilière
N'offre point les traits immortels,
A juste titre elle a pu croire
Que c'étoit assez pour sa gloire,
Assez pour enseigner ses lois,
D'offrir les Coypels, les De Troys,
Et de conduire sur ses traces

Vanlo, le fils de la Gaîté,

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Le peintre de la Volupté,

Et Nattier, l'élève des Graces, Et le peintre de la Beauté. Quel présage pour Polymnie! La gloire des dieux du pinceau A la reine de l'harmonie Annonce un triomphe nouveau. Après les exploits de Bellone, Sous le règne du dernier Mars, La même main guidoit au trône Les Racines et les Mignards. Vous donc, et l'ame et le Mécène Des progrès d'un art fortuné, Ouvrez des Muses de la Seine Le sanctuaire abandonné; Des amants de la poésie Qu'on y dépose les travaux, Et que, sans basse jalousie, Admirateurs de leurs rivaux, Ils y partagent l'ambrosie. Par de réciproques secours Augmentant leur clarté féconde, Les astres éclairent le monde

Sans se combattre dans leur cours.

Crébillon des royaumes sombres
Nous peindra les plaintives ombres,
Et les célèbres malheureux ;
Voltaire du tendre Élysée 2
Peindra les mânes généreux;
Et, descendu de l'Empyrée,
Rousseau viendra peindre les dieux 3.
Quelques favoris de Thalie

Sauront avec légèreté

Crayonner l'erreur, la folie 4,

L'histoire de l'humanité.

Des fleurs, un myrte, une bergère,
Seront les jeux de mes crayons;
Ou, si Calliope m'éclaire
Et m'échauffe de ses rayons,
J'offrirai l'image chérie
D'un ministre à qui la patrie,
Dans ses combats et ses succès,
Dut l'abondance, l'industrie,
Et l'éclat des jours de la paix ;

I La tragédie.

2 Le poëme épique.

3 L'ode.

4 La comédie.

Et qui, protecteur du génie,

Va, dans le silence de Mars,
Rendre les beaux arts à la vie,

Et rendre Colbert aux beaux arts.

Ut pictura poesis erit. HORAT.

A M. L'ABBÉ

DE CHAUVELIN.

18 mars 1738.

Mon cher prieur, c'est le mot nécessaire,

Car en ce jour, content du prieuré,

Je n'aurai nullement affaire

Du chanoine ni de l'abbé:

Cette rime est un peu légère,
Mais enfin que voulez-vous faire ?

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