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nature, et ne produiroit que de l'horreur; mais la mort d'un scélérat, en offrant avec terreur le châtiment du crime, satisfait le spectateur. Pour démontrer d'ailleurs que cet évènement est dans la nature, je n'ai besoin d'autre réponse que l'applaudissement général dont le public l'a honoré dans toutes les représentations. Je n'entreprendrai pas de répondre à toutes les autres objections qu'on a faites, ni de prévenir celles qu'on peut faire encore sur cet essai : on doit s'honorer des critiques, mépriser les satires, profiter de ses fautes, et faire

mieux.

Civis erat qui libera posset

Juv.

Verba animi proferre, et vitam impendere vero.

J'avois à peindre un sage, heureux, digne de l'être,
L'oracle de la probité,

Le père des sujets, le conseil de son maître,
L'honneur de la patrie et de l'humanité :

Dans cette image fidèle,

France, tu reconnoîtras

Que je n'en dois point le modèle

Aux vertus des autres climats.

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ACTEURS.

ÉDOUARD III, roi d'Angleterre.

ALZONDE, héritière du royaume d'Écosse, sous le nom d'Aglaé.

LE DUC DE VORCESTRE, ministre d'Angleterre. EUGÉNIE, fille de Vorcestre, veuve du comte de Salisbury.

LE COMTE D'ARONDEL.

VOLFAX, capitaine des gardes.
GLASTON, officier de la garde.
ISMÈNE, confidente d'Eugénie.
AMÉLIE, suivante d'Alzonde.
GARDES.

La scène est à Londres.

TRAGÉDIE.

ACTE PREMIER.

SCÈNE I.

ALZONDE, AMÉLIE

ALZONDE.

PAR de foibles conseils ne crois plus m'arrêter : Au comble du malheur, que peut-on redouter? Oui, je vais terminer ou mes jours, ou mes peines. Qui n'ose s'affranchir est digne de ses chaînes. Depuis que rappelée où régnoient mes aïeux

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J'ai quitté la Norvège, et qu'un sort odieux
A la cour d'Édouard et me cache et m'enchaîne,
Que de jours écoulés, jours perdus pour ma haine!
L'Écosse cependant élève en vain sa voix

Vers ces bords où gémit la fille de ses rois;

Pour chasser ses tyrans, pour servir ma vengeance, Pour renaître, Édimbourg n'attend que ma présence. D'un vil déguisement c'est trop long-temps souffrir; Il faut fuir, Amélie, et régner ou mourir.

AMÉLIE.

Ah! madame, arrêtez ; que prétendez-vous faire ?
Le conseil du courroux est toujours téméraire :
Dissimulez encore, assurez vos projets,

Et ne quittez ces lieux qu'à l'instant du succès.
Votre déguisement est sans ignominie:
Depuis le jour fatal où la flotte ennemie,
Détruisant votre espoir, traîna dans ces climats
Le vaisseau qui devoit vous rendre à vos états;
Prise par vos vainqueurs sans en être connue,
Sans honte vous pouvez vous montrer à leur vue.
Vous auriez à rougir si vos fiers ravisseurs,
Voyant Alzonde en vous, voyoient tous vos mal-
heurs :

Mais du secret encor vous êtes assurée,

Et la honte n'est rien quand elle est ignorée.

ALZONDE.

Vous parlez en esclave: un cœur né pour régner
D'un joug même ignoré ne peut trop s'éloigner:
Ne dût-on jamais voir la chaîne qui l'attache,
Pour en être flétri c'est assez qu'il le sache.
Le secret ne peut point excuser nos erreurs,
Et notre premier juge est au fond de nos cœurs,
Dans l'affreux désespoir où mon destin me jette
Crois-tu donc que pour moi la paix soit encor faite ?
Condamnée aux fureurs, née au sein des exploits,
Et des maux que produit l'ambition des rois;
Fugitive au berceau, quand mon malheureux père,
Au glaive d'un vainqueur prétendant me soustraire,
Au prince de Norvège abandonna mon sort,
M'éloigna des états que me livroit sa mort,
Pensoit-il qu'unissant tant de titres de haine,
Devant poursuivre un jour sa vengeance et la mienne,
Héritière des rois, élève des héros,

Je perdrois un instant dans un lâche repos ?
Dans l'asile étranger qui cacha mon enfance
J'ai pu sans m'avilir suspendre ma vengeance,
La sacrifier même à l'espoir de la paix,
Tandis qu'on m'a flattée ainsi que mes sujets
Qu'Édouard, pour finir les malheurs de la guerre,
Pour unir à jamais l'Écosse et l'Angleterre,

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