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Est le symbole heureux d'une chaîne fidèle :
Je vous cultive aussi des lauriers toujours verts;
J'en consacre souvent au dieu des tendres vers.

Mais que dis-je ? insensé ! formé par la tristesse,
Quel nuage obscurcit les jours de ma jeunesse ?
J'étois libre autrefois, et mon paisible cœur
N'avoit jamais connu cette sombre langueur;
Content de mon troupeau, je vivois sans envie,
Et mon bonheur étoit aussi pur que ma vie :
L'Amour, ce dieu cruel, a troublé mes beaux jours;
Ainsi l'Aquilon trouble un ruisseau dans son cours.

Ingrate! estimez mieux nos demeures champêtres; Souvent des dieux bergers ont chanté sous nos hêtres. Les déesses souvent ont touché nos pipeaux ; Diane d'un pasteur a gardé les troupeaux : Que la fière Pallas aime le bruit des villes; Vénus préfère au bruit nos cabanes tranquilles. Tout suit de son penchant l'impérieux attrait; Les cœurs sont maîtrisés par un charme secret. Le loup cherche sa proie autour des bergeries ; Le jeune agneau se plaît sur les herbes fleuries; Pour moi, charmante Iris, par un penchant plus doux, Je sens que mon destin m'a fait naître pour vous. Vains projets! vœux perdus! trop stérile tendresse! Corydon, où t'emporte une indigne foiblesse?

Ta voix se perd au loin dans les antres des bois ;
A de moins tristes airs consacre ton hautbois.
Tandis que tu languis dans ces noires retraites,
Tu laisses sur l'ormeau tes vignes imparfaites;
De ce loisir fatal fuis le charme enchanteur,
Donne d'utiles jours aux travaux d'un pasteur.
Revenez, chers moutons, quittez ces lieux sauvages;
Vous irez désormais sur de plus beaux rivages :
Puisque mes vœux sont vains, de l'insensible Iris
Allons près de Climène oublier les mépris.

NOTES.

Corydon se plaint de l'insensibilité d'Iris, bergère d'un hameau étranger; il veut inutilement l'attirer dans ses campagues.

Dans les champs qu'Arethuse enrichit de ses caux.
Fontaine de Sicile.

Des chants dont le dieu Pan sait charmer l'Arcadie.

Belle contrée du Péloponnèse, consacrée autrefois aux déités champêtres, et dont les habitants, tous pasteurs, passoient pour les maîtres de la poésie bucolique.

ÉGLOGUE III.

PALÉMON,

COMBAT PASTORAL.

PALÉMON, MÉNALQUE, DAMÈTE.

MÉNALQUE.

APPRENEZ-MOI, Damète, à qui sont les troupeaux Qu'on voit errer sans guide au bord de ces ruisseaux.

DAMÈTE.

J'en suis le conducteur, Lycas en est le maître ;
Je les garde pour lui dans ce vallon champêtre.
MÉNALQUE.

O bercail malheureux ! depuis que nuit et jour
Lycas près de Climène est conduit par l'amour,
Oubliant ses moutons, et ne songeant qu'à plaire,

Il ne s'attache plus qu'à ceux de sa bergère.
Troupeaux infortunés, votre sort fut plus doux
Tandis que, libre encor, Lycas n'aimoit que vous!
Ce pasteur mercenaire auquel il vous confie,
Loin des yeux du berger, détruit la bergerie.
DAMÈTE.

Vous deviez m'épargner ce reproche indiscret :
On vous connoît, Ménalque, on sait certain secret...
Rappelez-vous ce jour des fêtes d'Amathonte...
D'un plus ample détail je vous sauve la honte.
Vous m'entendez : alors les déesses des eaux
Rentrèrent en riant au fond de leurs roseaux.

MÉNALQUE.

Quoi! rompis-je avec vous d'une main criminelle Les arbrisseaux d'Arcas et sa vigne nouvelle ?

DAMÈTE.

Quel berger ne sait point que sous ces vieux ormeaux
Ménalque d'Eurylas brisa les chalumeaux ?
Rival de ce pasteur, jaloux de sa victoire,
Votre cœur indigné ne put souffrir sa gloire ;
Vous seriez mort enfin d'envie et de fureur
Si vous n'aviez pu nuire à ce berger vainqueur.
MÉNALQUE.

Qu'entends-je? sur quel ton me parleroit un maître,
Si ce pâtre à tel point ose se méconnoître ?

Quand Damon l'autre jour laissa seul son troupeau, Ne vous ai-je point vu lui surprendre un chevreau ? DAMÈTE.

De ce prétendu vol Damon ne peut se plaindre : Oui, j'ai pris ce chevreau; j'en conviendrai sans

craindre, Puisqu'il étoit le prix d'un combat pastoral

Où j'étois demeuré vainqueur de mon rival.
MÉNALQUE.

Vous, vainqueur de Damon! d'une flûte champêtre
Damète dans nos bois s'est-il jamais vu maître,
Lui dont l'aigre pipeau, portant par-tout l'ennui,
Ne sait que déchirer des airs faits par autrui ?
DAMÈTE.

Pour finir entre nous une vaine dispute,
J'ose vous défier au combat de la flûte;

Ou, si vous l'aimez mieux, à l'ombre des buissons,
Éprouvons un combat de vers et de chansons:
Si le dieu de Délos est pour vous plus propice,
Je vous donne à choisir la plus tendre génisse;
Quel prix risquerez-vous contre un gage si beau?
MÉNALQUE.

Je n'oserois choisir ce prix dans mon troupeau :
S'il manquoit un mouton, j'essuierois la colère
D'une marâtre injuste, et d'un père sévère ;

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