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Je vois que son forfait n'est que trop véritable;
Je rapproche les temps, ses projets, ses discours.
Dans le conseil, seigneur, vous l'avez vu toujours
Contraire à vos desseins, contraire à votre gloire ;
Il tâchoit d'étouffer l'amour de la victoire :

Je vois trop maintenant par quels motifs secrets
Ses dangereux conseils ne tendent qu'à la paix.
ÉDOUARD.

Oui, tu m'ouvres les yeux ; aujourd'hui même encore,
Trahissant le renom dont l'univers m'honore,
Il m'osoit conseiller un indigne repos.

VOLFAX.

Pour en savoir la cause apprenez ses complots.
Dans la sécurité d'une paix infidèle

On vous laisse ignorer que l'Écosse rebelle...
ÉDOUARD.

Je ne le sais que trop, de fidèles sujets

M'ont découvert sans lui ces mouvements secrets.

VOLFAX.

De ces déguisements l'honneur est-il capable?
Qui peut taire un complot lui-même en est coupable.
Peut-être jusqu'au trône osant porter ses vœux,
Appui des Écossais, il veut régner sur eux;
C'est pour favoriser ces ligues ennemies
Qu'il prétend séparer vos forces réunies,

En des ports différents disperser vos vaisseaux,
Et borner à régner le destin d'un héros.
Il avoit des vertus, il avoit votre estime,

Seigneur; mais pour régner, quand il ne faut qu'un crime,

L'honneur est-il un frein à l'orgueil des mortels?
L'espoir du trône a fait les fameux criminels,
Et, fausse trop souvent, cette altière sagesse
N'attend qu'un crime heureux pour montrer sa bas-

sesse.

ÉDOUARD.

Le perfide!

VOLFAX.

Je crains autant que sa fureur

Ce renom de vertu que lui donne l'erreur;

Par ces vains préjugés, entraînés dans ses brigues,
Tous croiront vous servir en servant ses intrigues;
De la rebellion l'étendard abhorré

Deviendroit dans ses mains un étendard sacré...
ÉDOUARD.

Va; qu'on l'amène ici... Mais que vois-je ? il s'avance.

SCÈNE VII.

ÉDOUARD, VORCESTRE, VOLFAX.

VORCESTRE.

Daignez remplir, seigneur, ma dernière espérance.
Si le ciel m'eût permis de consacrer toujours
Au bien de cet état mes travaux et mes jours,
J'eusse été trop heureux : par un destin contraire,
Forcé, vous le savez, au malheur de déplaire,
Trop vrai pour me trahir, je dois, fuyant ces lieux,
Soustraire à vos regards un objet odieux.

Souffrez donc qu'aujourd'hui dans un obscur asile,
Inutile à l'état, moi-même je m'exile.

Ne tenant plus à rien que par de tendres vœux
Pour la félicité d'un peuple généreux,
J'attendrai sans regret la fin de ma carrière,
Si, d'un dernier regard honorant ma prière,
Vous conservez, seigneur, par de justes projets,
Le premier bien d'un roi, l'amour de vos sujets.
ÉDOUARD.

Vous apprendrez dans peu ma volonté suprême;

Sortez.

SCÈNE VIII.

ÉDOUARD, VOLFAX.

ÉDOUARD.

Qu'ai-je entendu? qu'en croiras-tu toi-même ? Peut-on le soupçonner de tramer un forfait Quand il fuit et ne veut qu'un exil pour bienfait ?

VOLFAX.

Seigneur, ainsi que vous, sa démarche m'étonne.
Que ne puis-je penser qu'à tort on le soupçonne ?
Mais deux garants trop sûrs de cette trahison,
Malgré moi, m'ont conduit au-delà du soupçon.
Je dirai plus, seigneur; le zèle, qui m'éclaire,
Me fait jour à travers ce ténébreux mystère ;
Par le pas qu'il a fait je le crois convaincu :
Le crime prend souvent la voix de la vertu.
Oui, ce même départ qu'apprête l'infidèle
Est de sa trahison une preuve nouvelle.
S'il vous fait consentir à son éloignement,
C'est pour tromper vos yeux, et fuir plus sûrement.

Cet exil prétendu que ses vœux vous demandent
Joindra peut-être un chef aux traîtres qui l'attendent;
Dans ces climats conquis, placés tous par son choix,
Ceux qui règnent pour vous marcheront à sa voix;
Tout le seconde enfin, et tout veut qu'on le craigne :
S'il demeure, il conspire; et, s'il échappe, il règne.
Tout dépend d'un instant ; il peut vous prévenir.
Sous des prétextes vains sa fille, prête à fuir,
Va sans doute habiter une terre ennemie;
Et dans ce même instant peut-être qu'Eugénie...
ÉDOUARD.

Elle fuit!... C'en est trop; prévenons des ingrats:
Je m'en fie à ton zèle, observe tous leurs pas :
Je veux dès ce moment m'éclaircir sur son crime;
Et s'il n'est que trop vrai que, trompant mon estime,
Il s'armoit contre moi de mes propres bienfaits,
Je n'aurai pas long-temps à craindre des forfaits.

FIN DU SECOND ACTE.

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