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SCÈNE IV.

VOLFAX, GLASTON, GARDES.

VOLFAX.

Gardes, faites venir Vorcestre en ma présence.
Vous, fidèle Glaston, veillez dans mon absence.
Caché près de ces lieux, tandis que j'entendrai
D'un entretien suspect le secret ignoré,

Que rien ici du roi ne trouble la retraite;
C'est son ordre absolu que ma voix vous répète.

SCÈNE V.

VORCESTRE, VOLFAX, GARDES.

VORCESTRE.

Que dois-tu m'annoncer? ne faut-il que mourir?

VOLFAX.

Un étranger demande à vous entretenir :

Vous entendrez ici ce qu'il prétend vous dire ;
Édouard le permet. Gardes, qu'on se retire.

SCÈNE VI.

VORCESTRE.

Eh! qui peut me chercher dans ces funestes lieux ?
Est-ce un heureux secours que m'adressent les cieux?
Quel que soit l'inconnu que je vais voir paroître,
Dieu juste, fais du moins qu'il ne soit point un traître ;
Que je puisse par lui détruire un attentat,
Non pour sauver mes jours, mais pour sauver l'état.
Où respire, où gémit ma fille infortunée ?
Tu connois sa vertu, conduis sa destinée...

Quand j'éprouve des maux qui semblent n'être faits
Que pour être la honte et le prix des forfaits,
Je ne t'accuse point, arbitre de ma vie ;
Lorsque la liberté, l'ame de la patrie,

Voit dégrader ses droits, voit tomber sa grandeur,
La mort est un bienfait, et non pas un malheur...
Ignorât-on le sort que nous devons attendre,

Et sous quels cieux nouveaux notre esprit va se ren

dre,

Le desir du néant convient aux scélérats:

Non, je ne puis penser que la nuit du trépas
Éteigne avec nos jours ce flambeau de notre ame
Qu'alluma l'immortel d'une céleste flamme.

La vertu malheureuse en ces jours criminels
Annonce à ma raison les siècles éternels :
Pour la seule douleur la vertu n'est point née;
Le ciel a fait pour elle une autre destinée.
Plein de ce juste espoir, je m'élève aujourd'hui
Vers l'Être bienfaisant qui me créa pour lui...
Mais qui s'avance ici ?

SCÈNE VII.

ARONDEL, VORCESTRE.

VORCESTRE.

Quel dessein vous amène ?

ARONDEL, l'embrassant.

Cher Vorcestre!...

VORCESTRE.

Que vois-je? Ah! je m'en crois à peine...

Quoi! c'est vous, Arondel! c'est vous que je revois,
Et que j'embrasse, hélas! pour la dernière fois!
Dans cet instant mêlé de joie et de tristesse
De mes sens interdits soutenez la foiblesse...
Que venez-vous chercher aux portes de la mort ?
Pourquoi m'avez-vous fui dans un plus heureux sort?
Quel désert à mes soins cachoit vos destinées ?
Privé de vous, hélas ! j'ai perdu mes années;
Et ne vous vois-je enfin vous rendre à mes souhaits
Que pour sentir l'horreur de vous perdre à jamais ?

ARONDEL.

Ne donnons point ce temps à d'inutiles plaintes;
Osez briser vos fers, et dissipez nos craintes.
Le jour déja plus sombre aide à tromper les yeux ;
Je reste ici pour vous,
:
abandonnez ces lieux;
Fuyez avec horreur une indigne patrie.
Déja par mes conseils, par les soins d'Eugénie
Une barque s'apprête; allez, passez les mers;
Vivez, si vous m'aimez. Cette garde, ces fers,
Ces murs n'alarment point une ame magnanime;
L'appareil de la mort n'étonne que le crime;
Souffrez qu'en vous sauvant l'intrépide amitié
Prenne l'emploi du ciel qui vous laisse oublié.

VORCESTRE.

J'emploierois pour la vie un lâche stratagème!
Je pourrois à la mort exposer ce que j'aime !
Je ne crains rien pour moi; pour vous seul j'ai frémi.
Fuyez, abandonnez un malheureux ami.

Je sens comme ma fin l'instant qui nous sépare;
Mais fuyez, craignez tout dans ce palais barbare :
Je mourrai doublement si vous y périssez.

ARONDEL.

J'aurois cru qu'en m'aimant vous m'estimiez assez
Pour devoir m'épargner le soupçon de la crainte,
Et me croire au-dessus du sort et de la plainte.
Vous me connoîtrez mieux. Si vous voulez périr,
Je ne vous quitte point ; ami, je sais mourir.
Convaincu comme vous du néant de la vie,
Pourrois-je regretter de me la voir ravie ?
Aveugle sur son être, incertain, accablé,
Dans ce séjour mortel le sage est exilé;
Il voit avec transport la fin de la carrière
Où doit naître à ses yeux l'immortelle lumière :
Dans cette nuit d'erreurs la vie est un sommeil ;
La mort conduit au jour, et j'aspire au réveil.
Mais suspendant ici cette sagesse austère,
Ne songez aujourd'hui qu'au tendre nom de père.
Si de barbares mains ne l'éloignoient de vous,

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