Images de page
PDF
ePub

J'en venois à Vorcestre éclaircir les horreurs,
Et j'arrivois enfin quand j'appris ses malheurs.
Je ne le défends pas des crimes qu'on m'annonce;
Défendu par ses mœurs, sa vie est ma réponse :
J'ai paru sans effroi; plus stable que le sort,
L'amitié prend des fers, et partage la mort.
Si j'ai puni Volfax, la plus pure lumière
Va rendre à la vertu sa dignité première :
Regardez cet écrit qu'a signé l'imposteur;
Vous connoissez la main, lisez, voyez, seigneur,
Si les tourments sont faits pour qui vous en délivre,
Et jugez qui des deux a mérité de vivre.

ÉDOUARD.

Que vois-je ? avec Volfax Aglaé conspiroit!
Dans quel abyme affreux le traître m'attiroit!

ARONDEL.

Son inflexible haine empêchoit Eugénie
De confondre à vos yeux la noire calomnie.
ÉDOUARD.

Mortel ami des cieux, vous que leur équité
A chargé d'apporter ici la vérité,

Vous verrez qu'Édouard est digne de l'entendre,
Et qu'il n'opprime point ceux qu'elle sait défendre.
Vorcestre dans mon cœur porte le coup mortel :
Tandis qu'un noir complot le peignoit criminel,

Sans regret, sans pitié j'attendois son supplice;
Mais le courroux se tait où parle la justice.

(aux gardes.)

Vorcestre est libre: allez, qu'il paroisse à mes yeux;
Et, pour mieux éclaircir ces projets factieux,
Qu'en ces lieux à l'instant Aglaé soit conduite;
Ignorant ses complots, je permettois sa fuite.
Glaston, volez au port; qu'aujourd'hui nul vaisseau
Ne s'éloigne d'ici sans un ordre nouveau.

SCÈNE IX.

ÉDOUARD, VORCESTRE, ARONDEL,

GARDES.

ÉDOUARD.

Vorcestre, paroissez : en vain la calomnie
Vous a voulu ravir et l'honneur et la vie ;
Du juge des humains l'immortelle équité
Des traits de l'imposteur sauve la probité :
Briser d'injustes fers, c'est venger l'innocence;

ous rendre à votre rang, vous laisser ma puissance, C'est moins une faveur qu'un légitime choix :

La vertu doit régner, ou conseiller les rois.
Mais ces titres brillants s'obscurciroient peut-être
S'il vous manquoit celui d'ami de votre maître :
Vous savez trop pourquoi ce titre fut perdu,
Vous savez à quel prix il peut être rendu.

VORCESTRE.

Si je pouvois changer, par cet opprobre insigne,
De vos bienfaits, seigneur, je me rendrois indigne :
Un lâche au gré des vents varie et se dément ;
Mais l'honneur se ressemble, et n'a qu'un sentiment.
Qu'attendez-vous, seigneur? on murmure, on con-
spire:

Un instant affermit ou renverse un empire.
De traîtres investi, l'état veut en ce jour

Des soins plus importants que les soins de l'amour:
La perfide Aglaé, ministre des rebelles,

Peut seule en dévoiler les trames criminelles ;
Que tarde-t-on, seigneur, à la conduire ici?
ÉDOUARD.

Mes ordres sont donnés, on doit... Mais la voici.

SCÈNE X.

ÉDOUARD, ALZONDE, VORCESTRE, ARONDEL, GLASTON, GARDES.

ARONDE L.

En croirai-je mes yeux ? c'est elle-même...

ALZONDE.

Arrête.

Je te connois, je vois l'orage qui s'apprête;
Mais, lasse de la vie, et lasse de forfaits,
J'éclaircirai sans toi mes funestes secrets.
( à Édouard.)

Toi qui fais ma disgrace et ma douleur profonde,
Respecte ton égale, et reconnois Alzonde.

Alzonde!

ÉDOUARD.

ALZONDE.

A tes malheurs tu la reconnoîtras. Mon nom est, je le sais, l'arrêt de mon trépas; Mais quand toute espérance à mon ame est ravie, Que craindre ? tu ne peux que m'enlever la vie :

Tu perdras davantage, et j'aurai la douceur
De te voir en mourant survivre à ton malheur ;
De mes ressentiments je te laisse ce gage...

Mais trop long-temps ici je contrains mon courage.
Alzonde, toujours reine au milieu des revers,
Inconnue à tes yeux, fut libre dans tes fers;
Et dans l'instant fatal où tu peux me connoître
Je sais comme un grand cœur doit fuir l'aspect d'un
maître.

ÉDOUARD.

Gardes, suivez ses pas.

SCÈNE XI.

ÉDOUARD, VORCESTRE, ARONDEL.

ÉDOUARD.

Mon esprit agité

Ne peut de ses discours percer l'obscurité :
Quel est cet avenir, quelles sont ces disgraces
Que m'annoncent ici ses altières menaces?
Que craindre ? elle est captive, et ce ton menaçant
Est le dernier transport d'un courroux impuissant.

« PrécédentContinuer »