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Elle vous croit trop bon pour lui refuser rien.

DUMONT.

Des avances! oh! oh! le monde se renverse;
On a raison, l'aisance est l'ame du commerce.
Oui, qu'elle se présente; au reste, elle a bien fait
De vous donner en chef le soin de son projet.
Quel mérite enfoui dans une terre obscure!
J'admire les talents que donne la nature ;
Déja dans l'ambassade! auroit-on mieux le ton,
Et l'air mystérieux de la profession,

Quand on auroit servi vingt petites maîtresses,
Et de l'art du message épuisé les finesses?

Mais ce rôle pour vous, ma fille, est un peu vieux :
Votre âge en demande un que vous remplirez mieux;
Et, sans négocier pour le compte des autres,
Vous devriez n'avoir de secrets que les vôtres.

MATHURINE.

Je ne vous entends point.

DUMONT.

(à part.)

Je vous entends bien, moi.

Ma foi, je la prendrois, si j'étois sans emploi.

(haut.)

Tenez, je ne veux point tromper votre franchise : Monsieur est là-dedans ; vous vous êtes méprise,

Je ne suis qu'en second; mais cela ne fait rien,
Je parlerai pour vous, et l'affaire ira bien :
C'est un consolateur des beautés malheureuses,
Qui fait, quand il le veut, des cures merveilleuses.

MATHURINE.

A tout autre que lui ne dites rien sur-tout.
On vient... Chut, c'est mon père.

DUMONT.

Oh! des pères par-tout !

SCÈNE III.

DUMONT, HENRI, MATHURINE.

HENRI, portant un paquet de lettres.

Ah! ah! c'est trop d'honneur, monsieur, pour notre

fille.

DUMON T.

Vraiment, maître Henri, je la trouve gentille.

HENRI.

Ça ne dit pas grand' chose.

DUMONT.

Oh! que cela viendra!

Le temps et ton esprit... Mais que portes-tu là ?
HENRI, lui donnant les lettres.

Un paquet qu'un courrier m'a remis à la porte.

Et qu'est-il devenu ?

DUMONT.

HENRI

Bon! le diable l'emporte,

Et ne le renverra que dans trois jours d'ici.

DUMONT.

J'entends, je crois, mon maître... oui, sortez; le voici.

SCÈNE IV.

SIDNEI, lisant quelques papiers; DUMONT.

DUMONT.

Oserois-je, monsieur (cela sans conséquence,
Et sans prétendre après gêner votre silence),
Vous présenter deux mots d'interrogation ?
Comme j'aurois à prendre une précaution
Si nous avions long-temps à rêver dans ce gîte,
Faites-moi le plaisir de me l'apprendre vite,
Vu que, si nous restons quatre jours seulement,

Que vas-tu faire ?

SIDNEI, écrivant.

DUMONT.

Moi? mes dépêches: parbleu!

Il faut mander du moins que je suis en ce lieu.
Croyez-vous qu'on n'ait pas aussi ses connoissances?
Vous m'avez fait manquer à toutes bienséances:
Partir sans dire adieu, se gîter sans dire où;
Dans mes sociétés on me prend pour un fou :
D'ailleurs quitter ainsi la bonne compagnie,
Monsieur, c'est être mort au milieu de sa vie.
Vous avez, il est vrai, des voisins amusants,
D'agréables seigneurs, des campagnards plaisants,
Qui vous diront du neuf sur de vieilles gazettes;
Cela fera vraiment des visites parfaites.

SIDNEI.

Console-toi, demain Londres te reverra.

DUMONT.

Vous me ressuscitez, j'étois mort sans cela.

SIDNEI, continuant d'écrire.

Tu ne te fais donc point au pays où nous sommes ?

DUMONT.

Moi! j'aime les pays où l'on trouve des hommes: Quel diable de jargon! je ne vous connois plus; Vous ne m'aviez pas fait au métier de reclus:

Depuis votre retour du voyage de France,

Où mon goût près de vous me mit par préférence,
Je n'avois pas encor regretté mon pays;

Je me trouvois à Londre aussi-bien qu'à Paris ;
J'étois dans le grand monde employé près des belles,
Je portois vos billets, j'étois bien reçu d'elles :
De l'amant en quartier on aime le coureur ;
Je remplissois la charge avec assez d'honneur;
En un mot, je menois un train de vie honnête :
Mais ici je me rouille, et je me trouve bête.
Ma foi, nous faisons bien de partir promptement,
Et d'aller à la cour, notre unique élément.
Mais, puisque nous partons, qu'est-il besoin d'écrire?

SIDNEI.

Tu pars; je reste, moi.

DUMONT.

Quel chagrin vous inspire Ce changement d'humeur, cette haine de tout, Et l'étrange projet de s'ennuyer par goût? Je devine à-peu-près d'où vient cette retraite ; Oui, c'est quelque noirceur que l'on vous aura faite : Quelque femme, abrégeant son éternelle ardeur, S'est-elle résignée à votre successeur ?

Il est piquant pour moi, qui n'ai point de querelles, Et suis en pleine paix avec toutes nos belles,

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