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L'une compte à midi, l'autre à la fin du jour,
Si le nombre complet se trouve à mon retour.
Mais je puis hasarder deux beaux vases de hêtre :
On voit ramper autour une vigne champêtre :
Alcimédon sur eux a gravé deux portraits;
Du célèbre Conon l'un ranime les traits,
L'autre peint ce mortel dont l'adresse féconde
A décrit les saisons et mesuré le monde:
Ces coupes sont encor dans leur premier éclat ;
J'en ferai volontiers le gage du combat.

DAMÈTE.

J'ai deux vases pareils, revêtus d'un feuillage;
Du même Alcimédon ce présent est l'ouvrage ;
Le chantre de la Thrace est peint sur les dehors,
Il est suivi des bois qu'entraînent ses accords.
MÉNALQUE.

Palémon vient à nous; qu'il règle la victoire,
Arbitre du combat, et témoin de ma gloire.

DAMÈTE.

Je consens qu'il nous juge; et, malgré vos mépris,
Je saurai me défendre et balancer le prix ;
Ma muse en ces combats ne fut jamais craintive.
Prêtez-nous, Palémon, une oreille attentive.

PALÉMON.

Chantez, dignes rivaux : la nouvelle saison

Invite à des concerts sur ce naissant gazon:
Le printemps de retour rajeunit la nature,
Il rend à nos forêts leurs berceaux de verdure;
Philomèle reprend ses airs doux et plaintifs;
L'amant des fleurs succède aux aquilons captifs.
Tout charme ici les yeux; chaque instant voit éclore
Dans ces prés émaillés de nouveaux dons de Flore:
A chanter tour-à-tour préparez donc vos voix ;
Ces combats sont chéris de la muse des bois.
D A MÈTE.

Muses, donnez au maître du tonnerre

Le premier rang dans vos nobles chansons:
Il est tout, il remplit les cieux, l'onde, la terre,
Il dispense à nos champs les jours et les moissons.
MÉNALQUE.

Du jeune dieu que le Permesse adore,
Muses, chantons les honneurs immortels :

Des premiers feux du jour quand l'orient se dore,
D'un feston de lauriers je pare ses autels.

DAMÈTE.

Quand je suis dans un bois tranquille
Sous un chêne épais endormi,

Glycère me réveille, et d'une course agile

Elle fait dans un antre, et s'y cache à demi.

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MÉNALQUE.

Phyllis près de ma bergerie

Vient chaque jour cueillir des fleurs;

Nos troupeaux réunis paissent dans la prairie,
Et par ce tendre accord imitent nos deux cœurs.
DAMÈTE.

Je veux offrir deux tourterelles

A ma Glycère au premier jour;
Ce couple heureux d'oiseaux fidèles
Lui dictera les lois d'un éternel amour.

MÉNALQUE.

Sur mes fruits une fleur vermeille
Répand un brillant coloris;

J'en veux remplir une corbeille,
Et l'offrir de ma main à la jeune Chloris.
DAMÈTE.

Que j'aime l'entretien de la tendre Glycère !
Zéphyrs, qui l'écoutez dans ces moments si doux,
Ne portez point aux dieux ce que dit ma bergère,
Des plaisirs si charmants rendroient le ciel jaloux.
MÉNALQUE.

Souffrez qu'armé d'un arc je suive votre trace, Chloris, quand vous chassez dans les routes des bois;

Souvent Endymion vit Diane à la chasse,

Souvent de la déesse il porta le carquois.

DAMÈTE.

Je célèbre bientôt le jour de ma naissance :
Venez, belle Glycère, honorer ce beau jour;
Vous ferez l'ornement des concerts, de la danse,
Votre chant et vos pas sont conduits par l'Amour.
MÉNALQUE.

Chloris seule a mon cœur, seule elle a tous les charmes:
Ciel! qu'elle m'enchanta dans nos derniers adieux!
Ses yeux avec les miens répandirent des larmes.
Ah!quand pourrai-je,Amour, revoir de si beaux yeux?

DAMÈTE.

Mon cœur redoute autant les rigueurs de Glycère Qu'un timide mouton craint la fureur des loups, Qu'un laboureur, veillant sur une moisson chère, Craint le souffle fougueux des aquilons jaloux.

MÉNALQUE.

Ma Chloris est pour moi ce que l'herbe naissante
Au lever de l'aurore est pour un jeune agneau,
Et ce qu'est à la terre aride et languissante
Une féconde pluie, ou le cours d'un ruisseau.
DAMÈTE.

Puisque Pollion veut bien être

Le protecteur de mes chansons,

Muses, sur le hautbois champêtre

Que son nom soit chanté dans vos sacrés vallons!

MÉNALQUE.

Pollion lui-même avec grace

Écrit des vers d'un goût nouveau :
Savantes nymphes du Parnasse,
A ce héros savant offrez un fier taureau.

DAMÈTE.

Illustre Pollion, que celui qui vous aime

Soit placé près de vous au temple de l'honneur!
Que dans son champ fécond, que sur les buissons

même

Le miel et les parfums naissent en sa faveur!

MÉNALQUE.

Si quelqu'un peut aimer la muse de Bathille,
Du fade Mévius qu'il aime aussi les vers,
Qu'il asservisse au joug le renard indocile,

Qu'il préfère aux zéphyrs les vents des noirs hivers !
DAMÈTE.

Fuyez, jeunes bergers, cette rive enchantée
Qui paroît n'offrir que des fleurs;

Fuyez, malgré l'attrait de cette onde argentée;
Un serpent est caché sous ces belles couleurs.

MÉNALQUE.

Vous qui foulez l'émail de ces routes fleuries,
Éloignez-vous, mes chers moutons;

Allez, un vert naissant couronne ces prairies,

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