MÉNALQUE. PROfitons, cher Mopsus, des moments précieux Que la fin d'un beau jour nous accorde en ces lieux: Je chante, vous jouez du hautbois avec grace; Essayons un concert digne des bois de Thrace. MOPSUS. Je suis prêt, cher Ménalque, à chanter avec vous : Vos accents ont pour moi les charmes les plus doux; Des zephyrs du couchant les folâtres haleines Balancent de ces bois les ombres incertaines : Chantons sous ce feuillage, ou, si vous l'aimez mieux, Dans cette grotte où règne un frais délicieux; MÉNALQUE. MOPSUS. N'en soyez point surpris, dans son orgueil extrême Ce berger défieroit le dieu des vers lui-même. MÉNALQUE. De vos champêtres airs répétez les plus beaux ; En notre absence Égon gardera nos troupeaux. Chantez Codrus mourant pour sauver sa patrie ; Chantez du tendre Alcon la pieuse in trie, Quand il perça d'un trait heureusement lancé Le serpent qui tenoit son fils entrelacé; Ou plaignez dans vos chants cette amante célèbre Qui pour Démophoon mourut aux bords de l'Hèbre. MOPSUS. Souffrez qu'à d'autres jours je réserve ces chants ; Je prépare aujourd'hui des regrets plus touchants. J'ai fait de nouveaux vers; ils vous plairont peut-être: MÉNALQUE. MOPSUS. Si mes premiers essais m'ont acquis quelque gloire, MÉNALQUE. MOPSUS. Daphnis n'est plus! en vain nos muses le regrettent Des pleurs sont superflus : Il n'est plus ! il n'est plus ! Quels injustes arrêts Ce berger plein d'attraits ? Les arrose de pleurs, Ses amères douleurs. T'enlève avant le temps : Dans son premier printemps. Nous vîmes en ces bois Et les oiseaux sans voix; Murmuroient des sanglots ; Précipitoient leurs flots : A cet instant fatal, Troublèrent le cristal ; Les échos attendris Renvoyérent du fond des cavernes plaintives De lamentables cris : Ses troupeaux languissants ; De douloureux accents. Plus de fètes pour nous ; Elle fuit en courroux ; Nos sillons sont remplis, A la place des lis. A tes attraits chéris; La vigne doit son prix. Et le thyrse divin; Le puissant dieu du vin; Des bois et des hameaux : |