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Que l'objet de nos maux !

Dans l'oisive langueur de nos douleurs extrêmes

Cessons de nous plonger;

Allons rendre l'honneur et les devoirs suprêmes
Aux mânes du berger.

Pasteurs, rassemblez-vous, dépouillez vos guirlandes
Et vos habits de fleurs ;
Paroissez, apportez de funèbres offrandes
Sous de noires couleurs :

Marchez sans chalumeau; renversez vos houlettes,
Couvrez-les de cyprès;

Sur ces autels jonchés de pâles violettes
Consacrez vos regrets:

Élevez le tombeau du berger que je chante
Près de ces antres verts;

Et, pour éterniser sa mémoire touchante,
Inscrivez-y ces vers:

Sous ce froid monument le beau Daphnis repose:

« Il n'a presque vécu que l'âge d'une rose ;

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Il étoit le pasteur d'un aimable troupeau,

« Lui-même étoit encor plus aimable et plus beau. Bergères, qui passez dans ce bocage sombre,

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Donnez des larmes à son ombre,

« Donnez des fleurs à son tombeau. »

MÉNALQUE.

Votre chant m'a charmé ; cette tendre peinture
Doit ses traits ingénus aux mains de la nature.
Je goûte à vous entendre une égale douceur
A celle que ressent l'aride voyageur

Quand pour se rafraîchir il trouve une onde claire,
Et pour se délasser une ombre solitaire.

Mais il faut pour Daphnis que je chante à mon tour: Il m'aimoit, je lui dois ce fidèle retour.

Je ne mets point sa perte au rang de nos désastres;
Daphnis déifié règne au séjour des astres;

Ses graces, ses vertus triomphent de la mort :
S'il meurt pour nous, il vit pour un plus noble sort.

Du sombre deuil tristes compagnes,
Plaintes, fuyez de nos campagnes:
Bergères et bergers, reprenez vos hautbois;
Du beau Daphnis chantez la gloire:
Il n'a point passé l'onde noire,
Il est au rang des dieux protecteurs de vos bois ;
Il peut, porté sur les étoiles,

Contempler sans nuit et sans voiles

La marche et les clartés des célestes flambeaux.
Sous ses pieds il voit les nuages,

Les tonnerres et les orages,

Et les mondes divers, et l'empire des eaux.
Revenez, jeux, plaisirs, naïades,

Flore, Cérès, amours, dryades;

Que tout au dieu Daphnis applaudisse en ces lieux;

Qu'il soit chanté sur la musette,

Qu'une foule d'échos répète :

Daphnis n'est plus mortel, il est au rang des dieux.
Déja sous son naissant empire

A notre bonheur tout conspire,
Tout éprouve déja les faveurs de Daphnis ;
Le loup devenu moins avide,
L'agneau devenu moins timide,

Dans les mêmes vallons bondissent réunis.
Si nos hameaux ont su te plaire,
Sois, Daphnis, leur dieu tutélaire:
Ne porte pas tes soins sur les bords étrangers;
Procure-nous des jours tranquilles,

De belles nuits, des champs fertiles:
Sois le dieu des troupeaux et le roi des bergers;
Tu recevras sur ce rivage

Les mêmes dons, le même hommage
Que reçoivent de nous les premiers immortels;
Suivi d'une fidèle troupe,

J'irai verser à pleine coupe

Et le lait et le vin sur tes nouveaux autels;

Dans les festins, dans l'alégresse,

Échauffés d'une douce ivresse,

Nous te célèbrerons à l'ombre des ormeaux ;

Les bergers unis aux bergères

Formeront des danses légères,

Et marieront leurs voix au son des chalumeaux.
Tant que l'abeille au sein de Flore
Ravira les pleurs de l'Aurore,
Autant, ô jeune dieu, tes fêtes dureront :
On égalera tes louanges

A celles du dieu des vendanges,
Et toujours en ces lieux tes autels brilleront.

MOPSUS.

J'ai souvent entendu l'agréable murmure
Ou d'un zéphyr naissant, ou d'une source pure;
J'ai souvent entendu les concerts enchanteurs
Des plus tendres oiseaux, des plus doctes pasteurs;
Mais tous ces sons n'ont point une douceur pareille
Aux vers dont votre muse a charmé mon oreille :
Quel don peut égaler tant d'égards complaisants?
MÉNALQUE.

Mon amitié, berger, préviendra vos présents:
Recevez ce hautbois; il fut fait en Sicile ;

Il est d'un bois choisi, d'un son doux et facile;
Avec lui j'ai chanté de champêtres appas,

Les fêtes des bergers, leurs amours, leurs combats.

MOPSUS.

Nul don ne m'est plus cher qu'une telle musette :
Agréez de ma main cette belle houlette;

Sur son airain brillant nos chiffres sont tracés;
J'y vais joindre un feston de myrtes enlacés:
Antigène s'attend que je l'en ferai maître ;
Mais mon cœur en décide, et Ménalque doit l'ètre.

NOTES.

La mort d'un frère de Virgile, nommé Flaccus Maro, et représenté sous le nom de Daphnis, fait le sujet de ce poëme. Mopsus, élève du poëte, pleure Daphnis Virgile, sous le nom de Ménalque, en fait l'apothéose.

Chantez Codrus mourant pour sauver sa patrie.

Dernier roi d'Athènes.

Chantez du tendre Alcon la pieuse industrie.

Servius écrit qu'Alcon étoit fils de cet Erichthéc

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