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Viennent bondir ensemble, et boire aux mêmes rives;
Après l'affreux hymen qui cause mon trépas,
Ces monstrueux accords ne me surprendront pas.
Prépare, heureux rival, cette charmante fête ;
Aux autels de Vénus va mener ta conquête;
Triomphe, et par tes vœux hâte la fin du jour,
L'instant du sacrifice, et l'heure de l'amour.

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Poursuis, Muse; au chagrin qui va finir ma vie « Prête les airs dont Pan pleura Syrinx ravie. » Quel caprice! quel choix ! pour cet indigne époux Peux-tu rompre, Daphné, les liens les plus doux ? Le ciel protège-t-il les bergères perfides? Ton cœur ne craint-il point les noires Euménides? Ah! si les dieux cruels autorisent ton choix, Songe au moins qu'il te rend la fable de nos bois. ‹Poursuis, Muse ; au chagrin qui va finir ma vie Prête les airs dont Pan pleura Syrinx ravie. » Ingrate, souviens-toi de nos jeunes plaisirs : Tu fus le seul objet de mes premiers soupirs; Nés au même hameau, dans les jeux de l'enfance Nous goûtions les douceurs d'une même innocence: Ta naissante beauté savoit déja charmer; Mon cœur déja sensible apprenoit à t'aimer ; Je n'avois pas douze ans,aux beaux jours de l'automne Je t'ouvrois nos vergers pleins des dons de Pomone;

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Pour toi je dépouillois nos arbres les plus beaux,
Je n'atteignois qu'à peine à leurs premiers rameaux ;
Je voyois, j'admirois le progrès de tes charmes :
Qui l'eût dit qu'ils devoient me coûter tant de larmes!
Ta chaîne seule, Hymen, manquoit pour nous unir!
Devois-tu naître, amour, si tu devois finir?

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Poursuis, Muse; au chagrin qui va finir ma vie

<< Prête les airs dont Pan pleura Syrinx ravie.

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Dans ma jeunesse, Amour, je t'avois trop connu : Hélas! je te croyois un enfant ingénu;

Mais, cruel! tu n'es point, non (j'en crois mes disgraces),

Ni le fils de Vénus, ni le frère des Graces;

Paphos ne t'a point vu naître au printemps nouveau
Le Riphée ou l'Athos t'ont servi de berceau ;
Dans le sein d'Alecton, monstre ! tu pris naissance;
Une horrible lionne allaita ton enfance;

La Thrace t'endurcit au sein des noirs frimas,

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Et les Scythes au meurtre instruisirent ton bras.

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« Poursuis, Muse; au chagrin qui va finir ma vie
« Prête les airs dont Pan pleura Syrinx ravie.
Livrée à tes fureurs, impitoyable Amour,
Une mère à ses fils a pu ravir le jour;

Méconnois-tu ton sang dans ces chères victimes,
Implacable Médée? Amour, voilà tes crimes!

Si ses fils ont péri par un coup inhumain, Dans leur flanc innocent tu conduisois sa main. « Poursuis, Muse; au chagrin qui va finir ma vie << Prête les airs dont Pan pleura Syrinx ravie. » C'en est donc fait ! Daphné s'est unie à Mopsus. Que tout change; non, rien ne m'étonnera plus ; Que Flore aime l'hiver, que les hiboux funèbres Chantent mieux que le cygne, et craignent les ténèbres;

Que dans nos bois Arcas chante comme Amphion, Que sa lyre aux dauphins rende un autre Arion. Muse, c'est trop gémir, cesse une vaine plainte ; Mon cœur déja flétri sent sa mortelle atteinte : Croissez, belles forêts; adieu, charmants déserts; Je choisis pour tombeau le vaste sein des mers; Muse, apprends-le à Daphné; pars, vole à la cruelle; Que mon dernier soupir soit porté sur ton aile.

Quels airs chantoit Atis? Euterpe, apprenez-nous Les fiers enchantements d'une amante en courroux : Atis d'un bois voisin avoit vu le mystère ; Il répéta ces vers qu'avoit dits la bergère.

ATIS.

Commençons, chère Isis ; présente aux immortels
Cette coupe sacrée, et dresse trois autels :
Aux secrets de mon art unis ton assistance;

Fixons du beau Daphnis la volage inconstance :
Brûle sur ce bûcher la verveine et l'encens;

Ma voix va proférer de suprêmes accents.

«

Charmes impérieux, puissance enchanteresse, Ramenez mon berger, ou chassez ma tendresse. › Tout subit de mon art l'inévitable loi :

Vainqueur de la nature, il la remplit d'effroi ;
A mon gré le ciel tourne, et la terre tremblante
Voit descendre le char de la lune sanglante.
Circé retint par l'art des magiques accords
Les compagnons d'Ulysse enchantés sur ses bords.
Charmes impérieux, puissance enchanteresse,

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« Ramenez mon berger, ou chassez ma tendresse. Isis, sois attentive au mystère secret :

De Daphnis fugitif place ici le portrait :
Je le dois couronner de ces trois bandelettes;
J'y suspends en festons trois rangs de violettes;
Je le porte trois fois autour de trois autels;

Ce nombre fut toujours chéri des immortels,

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« Ramenez mon berger, ou chassez ma tendresse. » Forme trois nœuds, Isis, et chante en les formant, «Que Vénus soit propice à ce lien charmant ! »

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Charmes impérieux, puissance enchanteresse,

Ramenez mon berger, ou chassez ma tendresse. »

L'argile s'endurcit à ce feu de lauriers,

La cire s'attendrit près des mêmes brasiers;
Ainsi, que, pour moi seule attendri, doux, sincère,
Daphnis soit endurci pour toute autre bergère.
Cieux, enfers, unissez vos secours à mes vœux;

Et toi, puissant Amour, porte-lui tous tes feux.

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Charmes impérieux, puissance enchanteresse, « Ramenez mon berger, ou chassez ma tendresse. ». Non, non; perdons l'ingrat ; qu'il éprouve à son tour Le tourment de m'aimer sans me donner d'amour : Qu'il souffre, sans me voir sensible à son supplice, Ce que souffre un taureau que fuit une génisse, Quand, las de la poursuivre, il tombe au bord des eaux, Et ne peut vers la nuit rejoindre les troupeaux. J'en jure ces autels, s'il résiste à mes charmes, Ses jours sont dévoués à d'éternelles larmes.

Pourquoi garder ses dons autrefois si chéris? Il n'a plus de tendresse, elle en faisoit le prix. De la foi des amants trompeurs et foibles gages, Que sert votre secours contre des cœurs volages? Brûlez, disparoissez, chers et tristes présents, Puisque je perds un cœur dont vous m'étiez garants. ‹ Charmes impérieux, puissance enchanteresse,

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Ramenez mon berger, ou chassez ma tendresse. Un savant enchanteur aux rives de Colchos

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