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Fuyons la solitude, empire des ennuis;
Sans craindre les rigueurs d'Éole et des hyades,
Suivons plutôt Diane et les vives dryades;
Allons livrer la guerre aux hôtes des forêts;
Le chevreuil égaré tombera sous mes traits:
J'y cours... J'erre déja dans des routes sauvages;
Un cerf part, il s'élance à travers les feuillages...
J'entends les sons du cor joints aux voix des chasseurs,
Et des chiens animés les rapides clameurs :

Viens, suis-moi, Lycoris... Ah ciel! que dis-je encore? Quel nom m'échappe? Amour, en vain donc je t'abhorre!

Dieu cruel! n'est-il plus d'asile sous les cieux
Qui dérobe mon cœur à tes traits rigoureux ?
Par-tout je te retrouve, aux antres des montagnes,
Sous les drapeaux de Mars, dans la paix des cam-
pagnes.

Fuyez, portez ailleurs vos charmes superflus,

Bergers, chasseurs, guerriers, vous ne me charmez plus;

J'essuierois vos travaux et vos courses pénibles
Sans ramener mon cœur à des jours plus paisibles;
En vain je voguerois sur l'Hèbre impérieux,
Ses flots lents et glacés n'éteindroient point mes feux;
Quand, pasteur d'un troupeau de l'ardente Libye,

Dans ses sables brùlants j'irois cacher ma vie,
Après mille dangers et mille maux soufferts,
Mon cœur encor captif gémiroit dans ses fers.
Amour tient tous les cœurs sous une même chaîne ;
Aimons donc, rendons-nous à sa loi souveraine.

Bornons ici nos airs; Muses, sortons des bois :
Je vous rends pour toujours le champêtre hautbois.
A l'aimable Gallus, Nymphes, allez redire
Ce qu'une amitié tendre en sa faveur m'inspire:
Volez, portez aussi mes vers à Lycoris;

Ils plairont à Gallus, si d'elle ils sont chéris;
Que par eux cet amant console sa tristesse;
Qu'il en pèse le prix au poids de ma tendresse :
Elle vit en mon cœur, elle y croît en tout temps,
Tel un tilleul fleuri croît à chaque printemps.

Retournons au bercail,c'est trop chanter à l'ombre:
Partez, moutons; déja la campagne est plus sombre;
Les heures chez Thétis ont conduit le soleil,
Et la nuit fend les airs sur l'aile du sommeil.

NOTES.

Le poëte, sous des images pastorales, déplore l'opiniâtre passion de Gallus pour Cythéris, actrice

fameuse du théâtre romain, qui avoit beaucoup d'esprit et de goût. Elle est ici appelée Lycoris, nom sous lequel Gallus l'avoit célébrée dans ses élégies. Pour ajuster son sujet au génie de l'églogue, Virgile fait un berger de son ami. Il feint que Gallus s'est retiré dans les bois de l'Arcadie, où les dieux tâchent en vain de lui faire oublier l'infidèle Cythéris.

Aux antres du Lycée, attirés par tes pleurs...

Montagne de l'Arcadie.

LE SIÈCLE PASTORAL.

IDYLLE.

PRÉCIEUX jours dont fut ornée

La jeunesse de l'univers,

Par quelle triste destinée

N'êtes-vous plus que dans nos vers?

Votre douceur charmante et pure
Cause nos regrets superflus,

Telle qu'une tendre peinture
D'un aimable objet qui n'est plus.

La terre, aussi riche que belle,
Unissoit, dans ces heureux temps,
Les fruits d'une automne éternelle
Aux fleurs d'un éternel printemps.

Tout l'univers étoit champêtre,

Tous les hommes étoient bergers;

Les noms de sujet et de maître
Leur étoient encore étrangers.

Sous cette juste indépendance,
Compagne de l'égalité,

Tous dans une même abondance
Goûtoient même tranquillité.

Leurs toits étoient d'épais feuillages,
L'ombre des saules leurs lambris ;
Les temples étoient des bocages,
Les autels des gazons fleuris.

Les dieux descendoient sur la terre, Que ne souilloient aucuns forfaits, Dieux moins connus par le tonnerre Que par d'équitables bienfaits.

Vous n'étiez point dans ces années,
Vices, crimes tumultueux;
Les passions n'étoient point nées,
Les plaisirs étoient vertueux.

Sophismes, erreurs, imposture,

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