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L'eût bientôt fait évanouir;

Et, sans songer à la décrire,
Ils se contentoient d'en jouir.

Des traditions étrangères
En parlent sans obscurité ;
Mais dans ces sources mensongères
Ne cherchons point la vérité.

Cherchons-la dans le cœur des hommes,
Dans ces regrets trop superflus,

Qui disent dans ce que nous sommes
Tout ce que nous ne sommes plus.

Qu'un savant des fastes des âges
Fasse la règle de sa foi;

Je sens de plus sûrs témoignages
De la mienne au-dedans de moi.

Ah! qu'avec moi le ciel rassemble,
Apaisant enfin son courroux,
Un autre cœur qui me ressemble!
L'âge d'or renaîtra pour nous.

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VOYAGE A LA FLÈCHE.

A MADAME DU PERCHE.

C'EST assez chanter: je me porte à merveille; c'est tout ce que je sais de meilleur de ce pays-ci. Je crois

1 Lorsque Ver-Vert parut, la supérieure de la Visitation engagea son frère, qui étoit ministre, à demander aux jésuites la punition du scandale que l'auteur avoit causé, disoit-elle, par la publication de cet ouvrage. Les jésuites transférèrent Gresset de Tours à La Flèche, où le P. Bougeant a été également exilé pour son Amusement philosophique sur le langage des bétes, et où il est mort de chagrin. L'ennui gagna Gresset dans cette demeure; s'il avoit été, comme son ami, lié par des vœux, il y seroit peut-être mort aussi ; mais au bout d'un an il donna sa démission de jésuite, et obtint par ce moyen une liberté qu'on lui auroit probablement refusée.

Gresset, en adressant son voyage à madame Du Perche,

qu'il n'est rien arrivé d'amusant sur la route que j'ai faite c'est le pays le plus désert et le plus mort que j'aie encore vu.

En quittant ces bords pleins de charmes,
Un jour auparavant égayés par nos ris,
Presque tenté de verser quatre larmes,
Je suivois lentement des sentiers moins fleuris :
Frappé d'une humeur léthargique,
Toujours confident de mon cœur,
Mon esprit se livroit à ma tendre douleur ;
Et l'allure mélancolique

De ma monture apoplectique
Redoubloit encor ma langueur :

Quand enfin, réveillé par le bruit des sonnettes
Du Mercure crotté qui guidoit nos mazettes,
Je vis les compagnons auxquels, dans ce beau cours,
Le sort m'atteloit pour deux jours.

De cinq qu'ils étoient je ne vous parlerai que d'un ;

y avoit joint deux chansons, dont l'une en patois tourangeau. Ces deux pièces n'ont point été conservées ; il paroit qu'elles n'avoient que le mérite de celles que l'on compose pour l'amusement des sociétés regretter.

:

ainsi elles ne sont point à

les autres n'étoient là que pour balayer quatorze lieues de crotte, et me parurent avoir pris congé depuis long-temps de tout esprit d'amusement; à l'exception d'un mien confrère, qui rioit à répétition une fois par heure, et qui est, pour la gaieté, de la même trempe à-peu-près que le cadet de la Vedette, quand il sable un œuf à la Hurtault. Ainsi mon unique consolation fut un vieux cordelier, qui revenoit des eaux de Bourbon pour se faire enterrer à La Flèche :

Attendu la paralysie,

Il ne pouvoit chevaucher aisément ;
Mais à l'aide d'un cabestan

Nous le guindions artistement
Sur la piteuse haquenée

Que le diable avoit condamnée
A remporter le révérend.

Quoique le bon pater n'eût plus que les facultés de l'ame, il tâchoit encore d'être drôle, et me contoit de la meilleure foi du monde toutes ses histoires: je vous les dirois bien, mais je ne me charge point de les écrire. Il est ici le geolier de trente-quatre

nonnes qui le font enrager, à ce qu'il m'assura: mais

je brise sur cet article.

Attaquez-vous par quelque raillerie

Un régiment d'infanterie ;

Mars ne fera qu'en rire, il s'en amusera :
Mais si, par malheur, votre muse
A draper les nonnes s'amuse,
L'amour-propre s'en vengera;
Dévotement il rugira,

Et bientôt il vous poursuivra
Jusqu'à La Flèche, et par-delà...

J'en reviens à mon bon homme. Il m'amusa de son mieux, et tâcha de faire les beaux jours du voyage.

Mais quoi qu'il fit pour s'égayer,

Un cordelier paralytique,
Ce n'est plus dans la république

Ce qu'on appelle un cordelier.

Nous passâmes par je ne sais quel bourg où notre messager nous promettoit comme un magnifique spectacle un jour de grande foire,

Où l'on venoit de vingt cantons.

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