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BALLET

Du Second Ade.

PREMIERE ENTRE'E.

Dis en difpute. Ilfe défait d'eux avec peine, & leur
Es Foüers de boule l'arrêtent pour mesurer un coup, dont
Foüers
font en

laiffe danfer un pas, compofé de toutes les poftures qui font ordinaires à ce jeu.

DEUXIE'ME ENTRE'E.

De petits frondeurs le viennent interrompre, qui font chaffes enfuite.

TROISIE'ME ENTRE'E.

Par des Savetiers & des Savetieres, leurs peres, & autres qui font auffi chaffés à leur tour.

QUATRIE ME ENTRE’E.

Par un Jardinier qui danfe feul, & fe retire pour faire place au troisième Acte.

ACTE III.

SCENE PREMIERE.

ERASTE, LA MONTAGNE.

ERASTE.

IL eft vrai, d'un côté mes foins ont réüffi.
Cet adorable objet enfin s'eft adouci:
Mais d'un autre on m'accable, & les Aftres févères
Ont, contre mon amour, redoublé leurs colères.
Oui, Damis fon tuteur, mon plus rude Fâcheux,
Tout de nouveau s'oppofe au plus doux de mes vœux:
A fon aimable nièce a défendu ma vûë,

Et veut d'un autre époux la voir demain pourvûë.
Orphife toutefois, malgré fon défaveu,
Daigne accorder ce foir une grace à mon feu;
Et j'ai fait confentir l'efprit de cette Belle,
A fouffrir qu'en fecret je la viffe chez elle.
L'amour aime fur tout les fecrettes faveurs;
Dans l'obstacle, qu'on force, il trouve des douceurs;

H S

Et

Et le moindre entretien de la beauté qu'on aime,
Lorfqu'il eft défendu, devient grace fuprême.
Je vais au rendez-vous: c'en eft l'heure, à peu près :
Puis je veux m'y trouver plûtôt avant qu'après.

Suivrai-je vos pas?

LA MONTAGNE.

ERASTE.

Non, je craindrois que peut étre

A quelques yeux fufpects tu me fiffes connoître.

Mais.....

LA MONTAGNE.

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Et ne veux-tu jamais quitter cette méthode,
De te rendre à toute heure un valet incommode?

SCENE II.

CARITIDES, ERAST E.

CARITIDES.

Monfieur, le tems répugne à l'honneur de vous

voir,

Le matin eft plus propre à rendre un tel devoir:
Mais de vous rencontrer il n'eft pas bien facile;
Car vous dormés toûjours, ou vous êtes en ville:
Au moins Meffieurs vos gens me l'affûrent ainsi,
Et j'ai, pour vous trouver, pris l'heure que voici.
Encor eft-ce un grand heur, dont le destin m'honore;
Car deux momens plus tard, je vous manquois encore.

ERASTE,

Monfieur, fauhaités-vous quelque chose de moi ?

CA

3

3

CARITIDES.

Je m'acquitte, Monfieur, de ce que je vous doi;
Et vous viens... Excufés l'audace qui m'inspire,
Si..........

ERASTE.

Sans tant de façons, qu'avés-vous à me dire?
CÂRITIDES.

Comme le rang, l'efprit, la génerosité,
Que chacun vante en vous.....

Passons, Monfieur.

ERASTE.

Oui, je fuis fort vanté.

CARITIDES.

Monfieur, c'est une peine extrême,
Lorfqu'il faut à quelqu'un fe produire foi-même.
Et toujours près des Grands on doit être introduit
Par des gens qui de nous faffent un peu de bruit,
Dont la bouche écoutée, avecque poids débite
Ce qui peut faire voir notre petit mérite:

Pour moi, j'aurois voulu que des gens bien inftruits,
Vous euffent pû, Monfieur, dire ce que je fuis.

ERASTE.

Je vois affez, Monfieur, ce que vous pouvés être,
Et votre feul abord le peut faire connoître.

CARITIDES.

S Oui, je fuis un favant charmé de vos vertus,
Non pas de ces favans, dont le nom n'eft qu'en us :
Il n'eft rien fi commun, qu'un nom à la Latine,
Ceux qu'on habille en Grec, ont bien meilleure mine;
Et pour en avoir un qui fe termine en es,
Je me fais appeller Monfieur Caritides.

ERASTE.

Monfieur Caritides foit, qu'avés vous à dire ?

CARITIDES.

C'eft un placet, Monfieur, que je voudrois vous lirez
Et que dans la pofture, où vous met votre emploi,
J'ofe vous conjurer de préfenter au Roi.

ERA

ERASTE.

Hé! Monfieur, vous pouvés le préfenter vous-même.

CARITIDES.

Il eft vrai que le Roi fait cette grace extrême;
Mais par ce même excès de fes rares bontés,
Tant de réchans placets, Monfieur, font préfentés,
Qu'ils étouffent les bons, & l'efpoir où je fonde,
Eft qu'on donne le mien, quand le Prince eft fans

monde.

ERASTE

Hé bien vous le pouvés, & prendre votre tems.

CARITIDES.

Ah! Monfieur, les Huiffieurs font de terribles gens,
Ils traitent les Savans de faquins à nafardes;
Et je n'en puis venir qu'à la falle des Gardes.

دو

Les mauvais traitemens qu'il me faut endurer, ,, Pour jamais de la Cour me feroient retirer, ,, Si je n'avois conçû l'efpérance certaine, Qu'auprès de notre Roi vous ferés mon Mécène. Oui, votre credit m'eft un moyen affûré...

ERASTE.

Hé bién, donnés-moi donc, je le présenterai.

CARITIDES.

Le voici; mais au moins oyés-en la lecture.

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Votre très humble, très-abéissant, très fidelle, & trés fa. vant fujet & ferviteur, Caritides, François de nation, Grec de profeffion, ayant confidéré les grands & notables abus

qui fe commettent aux Infcriptions des Enfeignes des Maisons, Boutiques, Cabarets, Jeux de boule, & autres lieux de votre bonne ville de Paris; en ce que certains ignorans, compofiteurs defdites Infcriptions, renversent par une barbare, pernicieuse & détestable artographe, toute forte de fens & de raison, fans aucun égard d'Etimologie, Analogie, Energie, ni Allégorie quelconque, au grand fcandale de la République des Lettres, & de la nation Françoife, qui fe décrie & deshonore par lefdits abus & fautes groffières, envers les Etrangers, & notamment envers les Allemans, curieux lecteurs, & fpectateurs defdites Infcriptions.

ERASTE,

Ce placet eft fort long, & pourroit bien fâcher.....

CARITIDES

Ah! Monfieur, pas un mot ne s'en peut retrancher.
Il continue le placet.

Supplie humblement Votre Majefté, de créer pour le bien de fon Etat,& la gloire de fon Empire une charge de Controlleur, Intendant, Correcteur, Revifeur, & Reftaurateur général defdites Infcriptions: & d'icelle honorer le fuppliant, tant en confidération de fon rare & éminent favoir, que des grands & fignalés fervices qu'il arendus à l'Etat & à Votre Majefté en faisant l'Anagramme de Votre dite Majefté en François, Latin, Grec, Hébreu, Siriaque, Caldéen, Arabe....

ERASTE l'interrompant.

Fort bien: donnés-le vîte; & faites la retraite:
Il fera vû du Roi; c'est une affaire faite.

دو

CARITIDES.

,, Hélas, Monfieur, c'est tout que montrer mon placet.
,, Si le Roi le peut voir, je fuis fûr de mon fait:
Car comme fa juftice en toute chofe eft grande,.
Il ne pourra jamais refufer ma demande.

"

Au refte, pour porter au Ciel votre renom,
Donnés-moi par écrit votre nom & furnom;
J'en veux faire un Poëme, en forme d'Acroftiche,
Dans les deux bouts du vers, & dans chaque hémi

ftiche.

ERA

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